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Tunisie : dans l’attente de la relance économique

En flânant parmi la foule ou entre les tables des cafés avenue Habib Bourguiba, au centre de Tunis, on pourrait penser que l’économie est repartie. Après la récession de 2011 (- 2,2 %), le gouvernement de coalition annonce une croissance de 3,5 % et le Fonds monétaire international de 2 % cette année. Pourtant seize mois après la révolution qui a renversé le régime du président déchu Zine el-Abidine Ben Ali, la Tunisie pourrait déchanter.
 
Plus que la révolution, c’est la crise de la zone euro qui menace les exportations de la Tunisie, dont l’économie demeure très tournée vers l’Europe. S’y ajoute la montée de l’inflation, qui aura inévitablement un effet négatif sur la consommation. Sans oublier le tourisme, secteur clé qui a moins souffert que ce que l’on pouvait craindre l’an dernier, mais dont le redressement paraît aléatoire. Reste l’investissement qui pourrait et devrait devenir le moteur de l’économie. Mais à condition que la coalition au pouvoir, menée par le parti islamiste Ennahda (« Renaissance ») du Premier ministre Hamadi Djebali, lance des projets. 

Une liste aurait bien été dressée. Elle devrait être présentée à Tunis en mai aux bailleurs de fonds, puis en juin aux investisseurs lors du forum annuel Tunisia Investment Forum, promet Riadh Bettaieb, ministre de l’Investissement et de la coopération internationale, dans un entretien exclusif accordé auMoci (voir suite du dossier). 

« Le gouvernement a décidé d’augmenter les dépenses publiques en matière d’investissement puis a fait remonter de chaque région des projets prioritaires », confirme Christel Péridon, chef du Service économique régional (SER) à Tunis. Reste que, jusqu’à présent, aucun chantier n’a été annoncé. Et tant à Tunis qu’à Paris le secteur privé s’impatiente. Certaines entreprises retardent leurs investissements. 
Mais l’image de la Tunisie commence à pâtir de l’absence de relance économique, même si le pays, proche géographiquement de l’Europe, est encore considéré comme un site d’implantation particulièrement compétitif. 

« Nous n’avons pas d’autre choix qu’un partenariat stratégique avec l’Europe », soutient Riadh Bettaieb. Des propos qui visent surtout à calmer ceux qui ont peur de l’islamisme en Tunisie. Membre d’Ennahda, ce proche d’Hamadi Djebali déplore « les amalgames avec d’autres régimes » et rappelle que le pays a voté pour « la modernité ». La « société civile s’est développée » et la Tunisie est devenue « un modèle », selon cet ancien homme d’affaires en France (transfert d’entreprises) et en Tunisie (ingénierie).

De son côté, Riadh Bettaieb n’a pas fait allusion à l’AKP, le parti islamiste au pouvoir en Turquie, souvent cité en Europe comme un modèle possible dans les pays du printemps arabe. Sans doute parce que si l’AKP est tout-puissant, ce n’est pas le cas d’Ennahda. « Croire qu’un seul parti peut dominer en Tunisie est une erreur. Les Tunisiens ont voulu un gouvernement de coalition. Notre méthode est donc le dialogue », pointe le ministre. 

Volonté de sauvegarder une cohésion au sein du gouvernement, désir de ne pas couper la société civile en deux – laïques contre religieux –, prudence politique avant les élections législatives, prévues en mai 2013 (peut-être mars-avril), poussent Ennahda à rechercher le consensus avec les deux autres partis au pouvoir, le Congrès pour la république (CPR) du président de la République Moncef Marzouki et l’Ettakatol du président de l’Assemblée constituante Mustapha Ben Jafaar. 

Bien que la plupart des hauts fonctionnaires aient été maintenus à leurs postes dans les ministères techniques, les observateurs politiques s’interrogent sur la capacité d’absorption et de mise en œuvre de ministres sans expérience des affaires. « L’économie ne s’est pas arrêtée », nuance, pour sa part, Cyrille Bellier, le directeur général adjoint de l’Agence française de développement (AFD) à Tunis. « Même si le processus de décision et d’exécution est plus lent, nos projets dans la formation, le financement ou le développement régional ont continué en 2011 », observe-t-il encore.

Par ailleurs, « le gouvernement a pris un certain nombre de mesures de type réglementaire, allant dans le sens de l’ouverture, dans la microfinance, le capital investissement, la gouvernance des banques privées ou l’efficacité et la transparence des marchés publics », détaille Cyrille Bellier. À l’initiative de l’ancien ministre des Finances, Jalloul Ayed, la Caisse des dépôts et consignations (CDC) a, par exemple, été créée avec l’aide de la Caisse des dépôts française et la Caisse de dépôt et de gestion (CDG) marocaine. 

Ainsi, comme dans ces deux pays, la CDC est appelée à jouer un rôle important dans le financement des investissements publics et l’appui aux projets de PPP (partenariat public-privé). 

Enfin, Tunis peut compter sur les bailleurs de fonds. En 2011, le pays du jasmin a reçu « environ 1,3 milliard d’euros, dont 1 milliard à part égale de la Banque mondiale et la Banque africaine de développement (Bad), 185 millions de l’AFD (dont 85 millions d’appui budgétaire) et 100 millions de l’Union européenne », rappelle Christel Péridon. Depuis, la balance des paiements s’est dégradée et le gouvernement a demandé une nouvelle aide à la Banque mondiale et la Bad. « Elle lui sera sans doute accordée », estime Cyrille Bellier. 

Avec sans doute, comme conditions, quelques réformes structurelles, comme l’ouverture des services aux étrangers et la restructuration du secteur bancaire. 

François Pargny, envoyé spécial en Tunisie


Tunisia Investment Forum : la Fipa prépare la deuxième édition (14-15 juin)

Les 14 et 15 juin, à Gammarth, près de Tunis, la Fipa organisera la deuxième édition de Tunisia Investment Forum. La manifestation se tiendra, comme l’an dernier, juste avant Medindustrie, le Salon international du partenariat industriel et de l’innovation que la chambre d’industrie et de commerce de Tunis monte au Kram du 16 au 18 juin.
 
« Au premier mars, une vingtaine d’entreprises étrangères ont lancé leurs opérations et une soixantaine ont étendu leur activité », précise Noureddine Zekri, directeur général de l’Agence de promotion de 
l’investissement extérieur (Fipa). Et de citer les extensions réalisées par Heinkel (produits d’entretien) et Haier (électroménager) ou les investissements d’Hutchinson (caoutchouc pour l’automobile), d’Alcatel (électronique pour l’automobile) et Somfi (volets roulants). Le suisse Rieker, qui possède déjà trois unités de production de chaussures en Tunisie, ouvre une quatrième usine, dédiée aux chaussures de ville, dans la région de Kairouan.

Pour sa part, le français Gemotex devrait investir dans la maroquinerie dans la région de Bizerte. Le fabricant japonais de câbles automobiles Yazaki, après avoir fusionné deux de ses trois usines dans la zone de Gafsa, va investir 8,5 millions d’euros dans une nouvelle unité à côté de Bizerte. Filiale d’EADS, Aerolia, qui a déjà investi 11,5 milliards d’euros en Tunisie, a décidé d’y poursuivre son projet de fabrication d’aérostructures.
 
Le 2e Tunisia Investment Forum sera l’occasion de présenter les nouveaux outils réglementaires (Code d’investissement…), les structures d’accueil (technopoles, zones d’accueil…), les priorités anciennes et nouvelles (l’emploi, le développement des régions pauvres et enclavées, la coopération avec les pays voisins…).
 
Au cours des deux premiers mois de cette année, les investissements directs étrangers (IDE) ont progressé de plus de 35 % en Tunisie par rapport à la même période de 2011. « Une bonne nouvelle, alors que les IDE ont chuté de 25 % l’an dernier », reconnaît Noureddine Zekri. 

F. P.


Les chiffres clés

Superficie : 162 155 km2

Population en 2009 : 10,43 millions d’habitants

Croissance économique en 2011
 : – 2,2 %

Inflation, hors produits subventionnés, en 2011 : + 4,7 %

Chômage en 2011 :
 18,9 %

Investissements étrangers en 2011 : 852 millions d’euros (- 29,2 %)

Investissements directs étrangers en 2011 : 801 millions (- 25,7 %), dont 66,1 % dans l’énergie, 20,5 % dans l’industrie et 12 % dans les télécommunications

Exportations :
 13 milliards d’euros (+ 6,7 %) dont 76,4 % vers l’Union européenne (30,7 % vers la France…)

Importations : 16,4 milliards d’euros (+ 5,9 %)

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