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Guide business Côte d’Ivoire 2018 : la Banque mondiale demande plus d’efforts

L’organisation internationale s’inquiète du retard technologique de la Côte d’Ivoire. Un jugement qu’il faut, toutefois, nuancer selon des opérateurs et observateurs économiques. L’évolution est progressive dans les industries traditionnelles, ce qui n’empêche pas la nouvelle économie, le numérique, de se diffuser rapidement.

 

Alors que les observateurs se réjouissent de la croissance économique retrouvée de la Côte d’Ivoire, c’est un message détonnant que la Banque mondiale a délivré cette année dans un rapport publié en début d’année.

Dans cette étude de 60 pages, intitulée « Aux portes du paradis. Comment la Côte d’Ivoire peut rattraper son retard technologique ? », Pierre Laporte, directeur des Opérations pour la Côte d’Ivoire, le Bénin, le Burkina Faso et le Togo, affirme que la plupart des entreprises ivoiriennes « n’utilisent pas des technologies modernes et n’investissent pratiquement pas dans la recherche et l’innovation », « moitié moins, précise-t-il, que la moyenne observée dans les autres pays africains ».

La Banque mondiale ajoute que « seules 3 % des entreprises ivoiriennes utilisent des licences technologiques importées contre 15 % dans le reste de l’Afrique ». Panéliste pour l’étude, Patrick M’Bengue, qui est le fondateur d’Inova (solutions informatiques) et président du GoTic (Groupement des opérateurs du secteur des technologies de l’information et la communication de Côte d’Ivoire), met, toutefois, en garde contre les amalgames. « La nouvelle économie n’est pas concernée, selon lui. Le secteur du numérique en particulier est très dynamique ».

En revanche, expose-t-il, la Banque mondiale pointe « le manque d’innovation et de soutiens à la recherche » dans l’industrie traditionnelle, notamment l’agroalimentaire (voir encadré). Or, « si le secteur industriel est très diversifié, il représente aussi un quart du produit intérieur brut », remarque François Sporrer, chef du Service économique régional pour l’Afrique de l’Ouest basé à Abidjan.

Avec son rapport, l’organisation internationale voudrait ainsi tirer la sonnette d’alarme. Elle se félicite de la bonne santé
économique du pays, de ses politiques avisées en matière budgétaire et de grands travaux. À cet égard, le Plan national de développement (PND) aurait été un moteur efficace au départ pour accroître les investissements directs étrangers (IDE) et les exportations. En même temps, la Banque mondiale observe que le poids des IDE et des exportations n’a pas varié dans le temps, faute d’investissements dans l’innovation.

Globalement, seules 18 % des entreprises ivoiriennes utiliseraient leur propre site web contre 33 % dans le reste de l’Afrique. Il est vrai qu’une minute de conversation téléphonique sur un portable serait trois fois plus chère en Côte d’Ivoire qu’au Ghana et le prix d’un abonnement à l’internet environ 1,5 fois plus élevé.

« La Banque mondiale a certainement raison de pointer le retard technologique des sociétés ivoiriennes. Pour autant, elle aurait tort de laisser penser qu’elles n’ont pas lancé de réflexion sur la rationalisation de leurs process industriels et sur des applications de type digital », défend Jean-Luc Ruelle, président de la Chambre de commerce européenne (Eurocham) à Abidjan et P-dg de KPMG pour l’Afrique francophone subsaharienne, qui vient de visiter une société de fabrication de produits alimentaires pour le marché local et régional fonctionnant selon un process italien répondant aux standards internationaux.

Certaines entreprises ont ainsi commencé à évoluer, à l’instar de Brassivoire, joint-venture entre Heineken et CFAO, qui dispose des systèmes de production les plus modernes depuis deux ans. Le secteur privé s’engage aussi dans la normalisation internationale, comme la Sip (Soudure Industrielle et Pétrolière), une petite société de projets clés en main, tuyauterie ou maintenance, certifiée Iso 9001 pour son système de management de la qualité.

C’est peut-être la seule note vraiment positive du volet technologique du rapport de la Banque mondiale. Ses experts observent que « de nombreux projets sont en train de modifier le paysage économique du pays, avec, par exemple, l’apparition du e-commerce (Jumia), de l’internet sans fil (Lifi Led), les taxis Uber locaux (Africacab) et des plateformes d’information et d’outils de gestion ».

Fondé en 2009, le GoTic compte aujourd’hui 120 sociétés, soit 95 % du secteur des TIC (hors télécommunications). « Il y a sept ans, relate Patrick M’Bengue, la Côte d’Ivoire était dans le Top 20 en matière de développement des TIC en Afrique. Nous sommes maintenant dans le Top 10, grâce au développement d’infrastructures, une meilleure compétitivité et une adaptation du cadre règlementaire ».

Le GoTic, et son président en particulier, s’est immiscé dans tous les programmes publics (e-gouvernement, e-santé…) et toutes les grandes initiatives internationales, à l’instar de l’Alliance pour le développement du digital (ADD), la plateforme numérique de développement de projets Digital Africa, l’Alliance franco-ivoirienne numérique et la French Tech Abidjan.

Ce que Patrick M’Bengue souhaite aujourd’hui, c’est plus d’accompagnement et de financement dévolu aux start-up. En particulier, il demande que dans les marchés publics certaines dispositions soient prévues pour inclure « une offre locale qui n’a pas encore l’expérience ».

Dans son rapport sur l’innovation en Côte d’Ivoire, la Banque mondiale pointe le manque d’infrastructures physiques et virtuelles, hors télécommunications. Une assertion qui fait bondir Ibrahima Koné.

Le président de l’Association ivoirienne pour le développement des systèmes de transports intelligents (AITI ITS) rappelle ainsi que la Côte d’Ivoire, « c’est 30 millions de Smartphones, 17 millions d’abonnés à Internet, 5 millions d’opérations et 26 millions d’euros de transactions financières quotidiennes via mobile money. Ce sont aussi des incubateurs, des services de type Uber (Africacab) et des start-up qui innovent, comme BCar qui offre sur une plateforme numérique des solutions pour le transport scolaire ».

Ce qui est vrai, reconnaît-il, c’est que l’État manque de moyens financiers pour investir dans les infrastructures. Abidjan est, cependant, soutenu par les bailleurs de fonds. Et, en l’occurrence, l’Agence française de développement (AFD) va contribuer, avec un prêt de 110 millions d’euros, au déploiement de la fibre optique sur l’ensemble du territoire ivoirien. La construction prévue de 7 000 kilomètres de ligne d’ici mi-2019 va ainsi permettre de réduire la fracture numérique et d’appuyer le projet e-gouvernement, avec ses accès en ligne pour les services administratifs et financiers.

Si la bureaucratie demeure un écueil pour tous, la qualité du capital humain dans le privé est souvent mise en avant par les acteurs économiques. De son côté, la Banque mondiale a analysé l’évolution de l’enseignement jusqu’à l’entrée sur le marché du travail. Et pour elle la situation n’est pas bonne. Le niveau d’éducation primaire et secondaire a baissé et les universités sont en « crise ». D’où l’importance de la formation professionnelle et du rôle que devraient jouer les investisseurs internationaux.

Dans son rapport, la Banque mondiale cite le cas de Nestlé qui a signé un accord-cadre de partenariat en novembre 2014 pour la mise en œuvre du Plan Nescafé, comportant deux volets : investissement de modernisation et formation. Elle mentionne aussi le projet Vision pour le changement (V4C) du groupe Mars pour soutenir de jeunes entrepreneurs agricoles dans le secteur du cacao. Pour la Côte d’Ivoire et les investisseurs étrangers, ce sont ainsi, selon la Banque mondiale, des partenariats gagnant-gagnant.

Pour inciter les opérateurs internationaux à investir dans les compétences et l’économie locales, l’institution s’est astreinte à identifier les secteurs qui seraient « les plus prometteurs », incitant, au passage, l’État ivoirien à les ouvrir à la concurrence étrangère.

La liste assez longue, reposant sur la théorie des avantages comparatifs, comprend autant des produits agricoles et dérivés (fruits, pâtes alimentaires, poissons congelés, boissons non alcoolisées…) que des produits manufacturés (médicaments, savons, habillement, moteurs et turbines, voitures, matériel ferroviaire roulant, machines agricoles, pompes, instruments d’orthopédie…).

François Pargny

 

 

Agroalimentaire : les ressources ne sont pas valorisées

L’agroalimentaire est particulièrement visé par la Banque mondiale. Paradoxalement, la Côte d’Ivoire est un grand pays agricole (cacao, ananas, bananes, anacarde, café, etc.) et les structures de recherche qui y sont actives, comme le Cirad (Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement) et le centre d’innovation de Nestlé, se comptent sur les doigts d’une main.
La Banque mondiale s’arrête sur le cas du cacao, dont la Côte d’Ivoire est le premier producteur mondial, avec une part d’environ 40 %. « Le véritable enjeu », écrit-elle, est « d’accroître ses capacités au niveau de la deuxième transformation – de la pâte au chocolat – qui capte environ 35 % de la valeur ajoutée le long de la chaîne de valeur et qui a le potentiel de créer des emplois ».
Or, indique la Banque mondiale, « les barrières à ce marché lucratif sont nombreuses » : coût élevé de l’électricité, du transport en raison de l’éloignement géographique, domination de « quelques multinationales » qui ont le savoir-faire et manque de productivité de la main d’œuvre et de la sécurisation foncière.

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