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Entreprises : comment ils ont réussi dans le pays

Malgré un environnement très attrayant, le Canada est un marché exigeant, même dans la province francophone du Québec. D’ailleurs, si les PME françaises sont souvent implantées à Montréal, elles optent maintenant plus souvent pour l’Ontario. Avec, parfois, aussi dans leur viseur le marché des États-Unis.

Un environnement d’affaires relativement simple, un dynamisme économique qui contraste avec les perspectives plus sombres en France, voilà ce qu’offre le Canada aux entreprises françaises. Depuis trois ans, Véronique Loiseau, directrice générale de la Chambre de commerce française note un regain d’intérêt des entreprises françaises pour le Canada, dont la grande partie s’implante au Québec. « Nous avons créé à Montréal un incubateur qui loue des bureaux de domiciliation pour les sociétés françaises. Et cette année notre clientèle a augmenté de 30 % », relate-t-elle.

Mais attention : au Canada, malgré le confort linguistique, on ne fait pas du business de la même façon. « Il y a moins de formalisme, les conversations sont plus directes », indique Christophe Gautier, directeur principal Services-conseils en marchés financiers et en comptabilité et leader canadien du French Desk chez PwC à Montréal. Ce bureau accompagne les entreprises françaises au Canada. Véronique Loiseau renchérit : « Les Canadiens sont plus factuels, moins conceptuels. Ils vont droit au but. Il faut s’y adapter et délaisser les façons de faire françaises et donc arriver à l’heure et éviter de prendre trop de temps aux gens d’affaires lorsqu’on les rencontre ». Mais « comme les rapports sont moins hiérarchiques, il sera plus facile d’avoir accès aux personnes haut placées au sein d’une entreprise », poursuit-elle.

Christophe Gautier indique qu’il est plus facile de créer une entreprise au Canada qu’en France, et aussi plus facile d’embaucher et de remercier un employé. De son côté, Véronique Loiseau observe qu’au Canada les sociétés font appel plus rapidement et plus souvent à leurs avocats, fiscalistes et autres conseillers. « On n’attend pas d’avoir des problèmes. On les prévient », dit-elle.

Les sociétés françaises présentes au Québec jouiront aussi d’un solide accompagnement par une foule d’organismes paragouvernementaux comme Montréal International et Investissement Québec, et dont la volonté est forte d’attirer les sociétés françaises. Les incitations fiscales sont plus généreuses qu’en France, ajoute-t-il. Le Québec est connu pour son régime de crédits d’impôt. Mais depuis quelques années, la province anglophone voisine, l’Ontario, redouble d’efforts pour attirer elle aussi des sociétés françaises avec une fiscalité avantageuse et de nouveaux crédits d’impôts. L’Ontario offre un taux d’impôt relativement moins élevé qu’au Québec, mais les salaires y sont plus élevés et la main-d’œuvre plus mobile. Christophe Gautier note une évolution dans le comportement des sociétés françaises au Canada. « Elles ne vont plus automatiquement au Québec, à cause de la langue commune », dit-il. La clé de la réussite ? « Il faut faire du réseautage. En France, il faut faire partie de cercles, ici il faut réseauter ».

 

LinkbyNet : le choix du Canada aux dépens des Etats-Unis

En entrant dans les bureaux de LinkbyNet, situés en plein Quartier des spectacles de Montréal, on se sent tout de suite au Canada.

Sur les murs, trônent des photos encadrées de vedettes de hockey en pleine action. Chaque salle de conférence porte le nom d’un club de la Ligue nationale de hockey (LNH), décision prise par les employés eux-mêmes. L’ambiance est relax, décontractée. « Ce que nous avons créé ici, ce n’est pas une entreprise française, mais une entreprise canadienne, québécoise », explique Julien Trassard le directeur général de cette PME de 50 employés qui offre des services d’infogérance d’applications informatiques, de conseil et d’hébergement de serveurs. Il est essentiel pour nous de ne pas reproduire ailleurs le modèle français, mais plutôt de créer une entreprise qui pourra à la fois réfléchir globalement et intégrer les tendances particulières des régions dans lesquelles elle s’implante ».

Fondée à Saint-Denis en banlieue de Paris, c’est au Canada que LinkbyNet a décidé d’établir sa première filiale à l’étranger, en novembre 2010. « Deux importants clients français (Michelin et Sodexho) prenaient de l’expansion en Amérique du Nord, relate Julien Trassard. Nous n’avons pas choisi les États-Unis parce que nous ne voulions pas être soumis au Patriot Act (loi d’exception qui a renforcé les pouvoirs de l’Administration pour lutter contre le terrorisme au lendemain des attentats du 11 septembre 2001), qui aurait créé un sentiment d’insécurité chez certains de nos clients, jaloux de la confidentialité de leurs données ». Le Canada s’imposait donc. D’autant plus qu’il se présente comme un marché à la fois mature et en croissance. « Nous avions accès au Canada à des entreprises capables de se payer nos tarifs, qui sont relativement élevés. Et puis, l’entreprise a été attirée par la main-d’œuvre montréalaise bien formée dans les technologies de l’information – des ingénieurs de réseaux, des administrateurs de systèmes, des chefs de projet », précise-t-il, ajoutant qu’il est « ravi de l’esprit de famille qui règne au sein de l’entreprise et du fort sentiment d’appartenance que manifestent ses employés ».

« J’ai l’impression que ce sentiment n’est pas aussi fort en Ontario, où la main-d’œuvre est plus mobile (ndlr. Le Canada étant surtout anglophone, en dehors du Québec) ». LinkByNet juge que l’Ontario offre de nombreuses opportunités d’affaires et compte y envoyer un attaché commercial cette année. « Nous pensons que le marché est plus grand en Ontario qu’au Québec, bien que la durée des contrats soit plus courte ».

Julien Trassard estime toutefois que le secteur public québécois est trop fermé aux PME. « Il est trop exigeant, le système d’appel d’offres est trop rigide, avec pour résultat que seules les grandes entreprises peuvent soumissionner ». Il croit que la province voisine de l’Ontario sera « peut-être plus ouverte ». Le Québec est toutefois généreux en crédit d’impôts. « C’est vrai mais il ne faut pas venir ici pour cela. Il faut miser sur votre produit, pas sur les subventions ». Et c’est au Québec que LinkByNet entend doubler à cent employés son effectif de production. La société prévoit une croissance de 150 % à 180 % cette année. « Nous arrivons à un bon moment, où les entreprises veulent externaliser leurs services chez des intermédiaires plus agiles ».

Julien Trassard a été frappé par plusieurs différences entre la France et le Canada dans le jeu client-fournisseur. « Ici, on parle plus facilement et plus rapidement d’argent. Le client demande combien cela va lui rapporter, et prend pour acquis que vous allez livrer. S’il y a un défaut, vous le perdrez. Par contre on négocie moins sur le prix. De façon générale, le cycle de négociation est moins long ici qu’en France ». Son conseil : « faites votre étude de marché, et partez avec un an et demi ou deux ans de fonds de roulement ».

 

SlimCut Media : le choix de Toronto aux dépens de Montréal

SlimCut Media est une petite société qui aide les éditeurs de publications à monétiser leur lectorat sur le web.

Dans ce secteur émergent des paywall (murs payants sur Internet), SlimCut Media livre une proposition unique et innovante qui consiste à combiner un programme de fidélité à un programme de récompenses pour les lecteurs. L’entreprise a été créée simultanément en France et au Canada par deux jeunes Français, Thomas Davy habitant Paris, et Damien Véran, résident au Canada depuis six ans et établi à Toronto. « En fait, marié à une
Canadienne de Vancouver, j’attends que les autorités m’accordent la nationalité canadienne », explique Damien Véran.

À l’époque, les deux associés et cofondateurs de SlimCut Media n’ont pas hésité à se lancer dans la monétisation des contenus et la création de publicités ciblées pour les annonceurs ». Le choix de Toronto, plutôt que de Montréal, s’est imposé à Damien Véran, non seulement pour des raisons personnelles, mais aussi parce que le marché de l’édition et des annonceurs est plus large là-bas qu’au Québec et que la proximité physique dans ce domaine est importante.

Selon lui, le Canada – en l’occurrence Toronto, où vivent plus de 150 000 francophones et se trouve la majorité de ses clients –« est beaucoup moins dépaysant par rapport à la France que les États-Unis ». Les Canadiens sont « extrêmement accueillants, malgré l’accent français, ce qui n’est pas toujours le cas aux États-Unis ».
En outre, les entreprises torontoises sont moins réticentes aux nouvelles technologies que les sociétés françaises et ne craignent pas de conclure des affaires avec de petites sociétés. Certes l’environnement nord-américain est très concurrentiel, mais SlimCut Media est avantagé car son offre est unique. SlimCut Media vient de lancer un bureau à New York. « Les Américains apprécient qu’on ait fait nos preuves sur le marché canadien. Si on était arrivé directement de France, confie encore Damien Véran, on aurait sans doute eu plus de mal à les convaincre de notre potentiel de réussite, surtout que notre société est petite ».

 

Artelys : le choix du Québec pour se renforcer au Canada

Artelys est une entreprise spécialisée dans l’optimisation, l’aide à la décision et la modélisation, qui intervient dans plusieurs secteurs : énergie, logistique et transport, télécommu- nications, finance et défense.
Dans le cadre de son développement en Amérique du Nord, la société française a ouvert, en août 2013, un bureau à Montréal pour offrir des réponses adaptées au marché canadien et développer des partenariats de recherche et développement avec des universités canadiennes, avec une division dédiée aux systèmes énergétiques.

Artelys Canada propose ainsi des logiciels et des services d’aide à la décision (optimisation mathématique, prévision, statistiques, simulation) pour étudier et gérer les systèmes énergétiques. Et c’est parce que la filiale canadienne offre un produit et des services conseil très pointus dans un secteur en forte mutation, comme celui de l’énergie, qu’elle se montre optimiste. D’ailleurs, selon Guillaume Tarel, son vice-président, son effectif sera porté de trois à cinq employés cette année.

Quatre ans après sa première implantation en Amérique du Nord, aux États-Unis, Artelys a donc réalisé plusieurs millions d’euros de chiffre d’affaires au Canada. De fait, c’est en 2009 que la compagnie française a inauguré à Chicago son premier bureau nord-américain. « Nos partenaires étaient installés sur place et l’idée était à la fois de profiter des grands changements dans le marché de l’énergie et d’apporter en Amérique des expériences originales et vice-versa », relate Guillaume Tarel.

Compte tenu de l’importance des projets de développement dans les provinces maritimes du Canada, au Québec, en Ontario et en Alberta, Artelys se devait de croître outre-Atlantique. Selon Guillaume Tarel, la difficulté était alors qu’à Chicago, la société française trouvait difficilement « de la main-d’œuvre avec des profils pointus », en l’occurrence, des experts en mathématiques appliquées.

C’est à Montréal, parmi des diplômés de l’université McGill, de l’école Polytechnique et de l’Université du Québec, qu’Artelys a découvert ces profils si recherchés. Mais c’est aussi parce que le premier employé d’Artelys Canada voulait vivre dans la métropole québécoise que la filiale canadienne y a aussi été établie, rapporte Guillaume Tarel. Pour lui, Toronto aurait aussi été un bon choix. Après une première année de prospection, Artelys a réussi à percer rapidement sur le marché canadien. « Il est relativement facile d’obtenir des rendez-vous au Québec, mais aussi en Ontario. », souligne Guillaume Tarel. Récemment, la société française a obtenu un important contrat avec un producteur industriel mondial, dont le siège social est à Montréal.

Régulièrement, les employés d’Artelys à Montréal et Chicago collaborent à des propositions commerciales. Côté administratif, « l’organisation est très efficace, les responsables au gouvernement du Québec et du Canada ne sont pas là pour vous poser des difficultés. Notre incorporation a été facile et rapide », se félicite Guillaume Tarel. Artelys a rencontré une seule difficulté, il est vrai mineure, se souvient le vice-président d’Artelys Canada : « il a fallu prouver à l’Office de la langue française du Québec que notre nom est français ».
Pour cet ancien résidant de Suisse, qui s’est établi avec sa femme et ses enfants dans la métropole québécoise, s’adapter à la vie au Canada a été simple. « Ma famille et moi sommes habitués à l’hiver, au froid, au déneigement et donc à porter des habits de neige. Ce qui doit être plus difficile pour les Français du sud », soutient, amusé, le dirigeant d’Artelys Canada. Au moment de notre rencontre, Montréal venait de recevoir, pour la énième fois cet hiver, une vingtaine de centimètres de neige.

Suzanne Dansereau

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