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Entreprises : creuser son sillon dans un environnement difficile

L’idée est bonne et le marché est vierge ou quasiment. Alors les entreprises ne regrettent pas leur investissement. Quelles que soient les vicissitudes rencontrées, elles gagnent des contrats, elles conquièrent des clients. Retour sur l’expérience de trois PME aux profils très différents, dont le succès montre que le Cameroun est porteur.

Classé par la Banque mondiale 165e en 2011, 156e en 2012 et 161e sur 185 pays en 2013 pour la facilité à faire des affaires, le Cameroun figure toujours parmi les nations les moins bien notées dans le classement Doing Business de la Banque mondiale. Tous les critères devant faciliter la vie des entreprises locales, des exportateurs et des investisseurs étrangers, sont négatifs, de l’exécution des contrats au paiement des impôts, en passant par la protection des investisseurs.
 
Pour le Groupement inter-patronal du Cameroun (Gicam), la nouvelle loi d’incitation à l’investissement est donc une bonne nouvelle. Des projets vont pouvoir bénéficier d’exonérations pendant au moins cinq ans. Et le président du Gicam, André Fotso, fervent promoteur du dialogue public-privé, vient d’annoncer que son organisation va se doter d’une cellule spéciale chargée d’accompagner les entreprises dans le montage des dossiers de demande d’agrément. 

En attendant, les entreprises françaises doivent faire preuve de prudence dans leur approche du marché camerounais. C’est ainsi que pour donner un second souffle à la marque française Vachette, le premier fabricant mondial de solutions d’ouverture de portes, le groupe scandinave Assa Abloy, a fait appel à un Volontaire international en entreprise (VIE). Un VIE qu’il a, au demeurant, sélectionné soigneusement. En effet, à 26 ans, Etienne Darud possède déjà une expérience professionnelle à l’étranger, notamment en Afrique (Burkina Faso). 
Avec une soixantaine de VIE, le Cameroun est, avec le Congo, la première destination en Afrique subsaharienne de ces jeunes en entreprises. A l’heure actuelle, le bureau Ubifrance à Douala domicile Vachette Assa Abloy, accueillant ainsi le VIE de la société dans ses locaux. « Notre prestation d’hébergement coûte environ 900 euros par mois, comprenant la mise à disposition d’une table, d’un ordinateur, d’un scanner et 150 euros d’Internet haut débit. Il s’agit d’un service que nous pouvons accorder pendant 24 mois de rang, ce qui me paraît une durée raisonnable, de façon à permettre à d’autres sociétés françaises de bénéficier à la suite de notre domiciliation », explique Gérald Petit, directeur du bureau Ubifrance à Douala pour l’Afrique centrale.
 
« Confier dans un premier temps l’approche commerciale à un VIE et trouver des partenaires sont des solutions particulièrement adaptées au marché camerounais », commente encore Gérald Petit. Le VIE, selon lui, « c’est le pied à l’étrier ». La « bonne connaissance du marché » et « la bonne intégration des coûts » permettent ensuite, en fonction de l’évolution du chiffre d’affaires, d’envisager une implantation avec ou sans partenaire local. Spécialisé dans les énergies renouvelables, BC Solar vient aussi d’intégrer dans sa filiale à Yaoundé une jeune VIE de 26 ans, chargée de la gestion pendant un an. Cette société opère avec des technologies adaptées aux besoins du pays et a été fondée par un Français d’origine camerounaise, Charles Fondop.

Pour sa part, le loueur de matériel lourd Phocomex a recruté un « baroudeur » de l’Afrique, Michel Dubost : 30 ans de Gabon et deux ans de Cameroun lui ont permis de développer ses réseaux dans la région. En l’occurrence, ce patron français reconnaît que c’est « parce qu’il a des amis au Cameroun » qu’il a pu trouver facilement le terrain recherché dans la zone de port autonome de Douala (Pad) pour établir la filiale locale.

François Pargny

BC Solar : comment remédier au déficit en électricité

Société de recherche, d’étude et d’intégration de solutions B to B dans les énergies renouvelables, BC Solar, une société du groupe BC Partners à Boulogne Billancourt, conçoit des produits, plutôt haut de gamme, adaptés aux besoins de ses clients en Afrique, utilisateurs finaux ou sociétés de distribution de solutions aux ménages et aux collectivités locales.
 
Ingénieur diplômé de l’École pour l’informatique et les techniques avancées (Epita) à Paris et ancien cadre d’Orange France, Charles Fondop, son fondateur, a créé une filiale dans son pays d’origine, le Cameroun, en novembre 2011. « La qualité du service énergétique y est insuffisante tout comme la couverture géographique », explique ce naturalisé Français, qui a effectué ses études secondaires dans l’Hexagone.
 
Parmi les services à valeur ajoutée ainsi offerts au Cameroun : des kits anti-délestage éclairant quelques ampoules et des équipements vitaux dans la maison ; des études de marché sur des systèmes d’énergie temporaire, permettant d’identifier les sources disponibles et d’assurer une qualité d’énergie continue ; ou encore, des études techniques et économiques en matière d’efficacité énergétique, notamment pour l’éclairage de basse consommation. « Le plus dur, souligne Charles Fondop, est de trouver les compétences », ce qui est normal, reconnaît-il, car « il s’agit d’une nouvelle technologie au Cameroun ». Soutenu par sa banque, la Bicec (Banque populaire) et ayant bénéficié d’un prêt zéro à l’export d’Oseo (aujourd’hui dans BpiFrance), BC Solar Cameroun s’est établi à Yaoundé pour favoriser son recrutement auprès de l’École Polytechnique et se rapprocher des Administrations compétentes en matière de marchés publics et d’appels d’offres.

« Le Camerounais est travailleur et monte rapidement en compétence quand il est intéressé », précise Charles Fondop. 
Lors du grand salon Promote, le Français d’origine camerounaise avait aussi pu constater l’engouement des professionnels de Yaoundé pour les solutions proposées dans les énergies renouvelables. D’ici la fin d’octobre, une antenne sera aussi ouverte à Douala, la capitale économique qui abrite la plupart de ses clients dont il faut assurer la maintenance des produits. Pour la gestion de la filiale camerounaise, son fondateur vient aussi d’embaucher pour un an une jeune Volontaire international en entreprise (VIE) de 26 ans, Anne Tardieu, diplômée d’HEC et de l’école de management Skema à Lille. « Nous sommes en phase de recrutement et de formation et, d’ici à deux ans, l’équipe au Cameroun, qui compte aujourd’hui une dizaine de personnes, sera totalement opérationnelle », estime Charles Fondop Pour l’instant, la filiale doit compter sur le soutien technique de la maison mère (une quinzaine de salariés). Elle a aussi un partenaire technique sur place, qui est CFAO Technologies. L’équipement employé par BC Solar est européen : 80 % sont même fournis par des sociétés de l’Hexagone, comme SGTE et Comeca. Avec le groupe de services énergétiques Altergis, BC Solar vient également de créer un prototype de panneau solaire, qui utilisera un de ses brevets français – ayant donc fait l’objet d’un dépôt auprès de l’INPI (Institut national de la propriété industrielle) – permettant d’assurer le même rendement énergétique quel que soit le pays et la température ambiante. 

Parmi les projets, figurent encore des recherches sur la matière première du panneau solaire, le silicium, toujours pour accroître le rendement des équipements et un système d’énergie éolienne particulièrement bien adapté aux pays avec un vent généralement faible comme le Cameroun. 

F. P.

Phocomex : comment louer du matériel grâce à une main d’œuvre de qualité

Fin 2010, le loueur de matériel Phocomex a créé une société à responsabilité limitée à Douala, qu’il a confiée à Michel Dubost, un grand connaisseur du Gabon (groupe Ortec) qui avait déjà travaillé au Cameroun (société Montalev).
 
Phocomex Cameroun, filiale à 100 % de Phocomex France, importe ainsi du matériel d’occasion appartenant à sa maison mère : compresseurs, groupes électrogènes, etc. « Si vous possédez les bons documents, le bon transitaire, vous pouvez sortir votre marchandise du port autonome de Douala (Pad) en deux jours », affirme Michel Dubost. Phocomex Cameroun est installé en bordure du fleuve Wouri, sur un terrain de 3 500 mètres de la zone du Pad, en face de la cimenterie du nigérian Dangote que construit le groupe chinois Sinoma. En fin d’après-midi, les ouvriers chinois empruntent le chemin menant à Phocomex pour rejoindre leurs baraquements.

Le loueur de matériel emploie, pour sa part, 17 personnes : trois mécaniciens, douze chauffeurs et deux responsables pour le travail administratif et pour la planification des locaux à opérer. « Au Cameroun, assure Michel Dubost, la main d’œuvre est très bonne. On trouve des conducteurs d’engins et des mécaniciens et, s’ils ne sont pas assez pointus, on leur donne alors une formation complémentaire », expose le directeur de la filiale de Douala. De même, « les Camerounais sont travailleurs, prêts à travailler ainsi la nuit, le week-end et en heures supplémentaires », constate Michel Dubost, qui explique que ses salariés sont « heureux et fiers d’avoir un métier, alors que 80 % de la population active du pays opère dans l’économie informelle ». Plus encore, selon lui, « reproduire les conseils et les pratiques apprises constitue un stimulant au moins pour un tiers du personnel ». Une économie informelle qui pèse sur les prix. Et comme les taxes sont importantes (droits de douane, TVA…) et le fret coûteux – repré- sentant pour Phocomex au total plus de 40 % de la valeur déclarée – il est conseillé de disposer d’un bon fonds de roulement.
 
Malgré la concurrence de l’économie informelle, Phocomex Cameroun se porte bien puisque l’entreprise prévoit de doubler son chiffre d’affaires et son bénéfice en valeur et d’embaucher quelques chauffeurs et un mécanicien. L’entreprise est louée pour ses compétences par les plus grands noms, comme l’entreprise de travaux publics Sogea Satom. Des sociétés qui recherchent la même qualité de services qu’en Europe et donc une maintenance irréprochable. Enfin, l’avenir s’annonce bien. Les chantiers d’immeubles se multiplient à Douala : hôtels, bureaux, etc. Avec, parfois, une modernisation de l’activité, qui se traduit par une demande et l’introduction de nouveaux matériels, comme les nacelles. 

F. P.


Vachette Assa Abloy : comment casser le verrou de la contrefaçon

Depuis le début de l’année, le groupe scandinave Assa Abloy, acquéreur de la marque française Vachette en 1997, opère en Afrique centrale avec un Volontaire à l’international en entreprise (VIE), Etienne Darud, 26 ans. 
Après un an passé au Burkina Faso comme responsable commercial des boulangeries Hajjar, ce Sup de Co Amiens « tombé amoureux de l’Afrique » n’a pas hésité à s’installer dans les locaux d’Ubifrance dans la métropole camerounaise de Douala pour représenter Vachette, marque leader en France (43,2 % de part de marché en 2012) dans la quincaillerie architecturale (poignée, butée de porte…) et de sécurité (verrou, cylindre, cadenas…). 
En Afrique, la qualité made in France de Vachette est connue depuis 50 ans, au point qu’au Cameroun l’expression « donne-moi la Vachette » est passée dans le langage courant pour dire « donne-moi le verrou ». Malheureusement, au fil des années, cette image positive s’est un peu dégradée, en raison de la contrefaçon en provenance de Chine.

« Développer le business et combattre la contrefaçon sont mes deux missions, ce qui m’a amené à ouvrir un show-room de 15 m2 dans le quartier Akwa à Douala pour présenter toute la gamme de la marque française », explique Etienne Darud. Le show-room a été financé par Jean-Valentin Toko Ekambi, un Franco-camerounais ami du supérieur hiérarchique à Paris d’Etienne Darud. « Jean-Valentin Toko Ekambi travaille pour Solutions H & R (hôtel et restauration), un distributeur camerounais certifié par Vachette », précise le VIE, qui a engagé une politique de certification auprès des importateurs. Signataires d’une Charte de transparence avec le groupe scandinave, sept distributeurs disposent ainsi à ce jour du macaron de certification Vachette Assa Abloy. Etienne Darud a aussi lancé une campagne de publicité télévisée, portant sur l’authenticité du produit « de façon à éduquer le consommateur », précise-t-il. Cet ancien judoka de division 1 nationale n’aime pas être pris en défaut. Le succès de la première campagne n’avait pas été suffisamment anticipé. Aussi, pour la deuxième opération de communication encore en préparation, les commandes des distributeurs ont déjà été accrues de 25 %. Quand Le Moci a rencontré le jeune responsable commercial à Douala, il préparait son deuxième voyage au Congo, pays limitrophe au sud du Cameroun.

F. P.

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