Le groupe des sages (en anglais Wise persons group-WPG) créé en septembre par le commissaire européen chargé des Affaires économiques et monétaires Paolo Gentiloni, pour plancher sur la modernisation de l’Union douanière d’ici 2040, a rendu son rapport le 31 mars. Présidé par Arancha González Laya, ce document de 136 pages, intitulé « The futur of customs in the EU 2040 » * recommande une transformation radicale, dont une gouvernance plus européenne.
Parmi les défis auxquels l’Union douanière doit mieux se préparer, selon le rapport du groupe sages, l’augmentation des volumes d’échanges et les nouveaux modèles commerciaux (e-commerce, notamment), les développements technologiques, la transition verte, l’évolution du contexte géopolitique et les risques de sécurité. Il s’agit aussi de tenir un des engagements de la Commission von der Leyen, inscrit dans sa stratégie 2019-2024 : « il est temps de faire franchir à l’Union douanière une nouvelle étape, en l’équipant d’un cadre renforcé qui nous permettra de mieux protéger nos citoyens et notre marché unique ».
3700 milliards d’échanges, 2000 bureaux de douanes
Pour rappel, l’UE représente 15 % du commerce mondial. En 2020, la valeur de ses échanges avec les pays tiers a atteint 3700 milliards d’euros. Pour gérer ce volume de commerce international en 2020, plus de 2 000 bureaux de douane de l’UE, fonctionnant 24 heures sur 24 et 365 jours par an, ont traité l’importation, l’exportation ou le transit de plus de 1 069 millions d’articles. Le montant des droits de douane perçus en 2020 a atteint 24,8 milliards d’euros.
Un appel à « un changement structurel urgent »
A cet égard, la vision que souhaite porter ce rapport, est celui d’une transformation qui ferait passer le bloc « des douanes dans l’UE aux douanes de l’UE » (From customs in the UE to EU customs), autrement dit d’une situation où coexistent différentes douanes nationales, avec leur gouvernance et systèmes propres, donnant lieu parfois à des incohérences d’un État membre à l’autre, à une organisation des douanes plus intégrée au niveau européen.
Exemple des incohérences actuelles ? Le rapport des sages, composé d’experts indépendants issus de la politique, de l’industrie et du monde universitaire, pointe l’absence d’une liste commune des législations sur les interdictions et les restrictions, ce qui génère des approches et des pratiques divergentes entre les États membres. La Commission européenne y a d’ailleurs répondu dès la publication du rapport, le 31 mars, en publiant une compilation des interdictions et restrictions existantes au niveau de l’UE…
« Ce rapport appelle à un changement structurel urgent de l’organisation et de l’équipement des douanes européennes, a résumé Arancha González Laya, présidente du Groupe des sages dans un communiqué. Une union douanière forte avec une ‘frontière extérieure unique‘ protectrice est essentielle à l’autonomie stratégique de l’Europe, à sa puissance commerciale et à ses ambitions en matière de sécurité et de défense. S’arrêter signifierait effectivement moins de protection pour les citoyens européens, moins de compétitivité pour les entreprises européennes et moins de sécurité pour l’UE ».
Parmi les mesures, un instance de gouvernance plus européenne
Pour y faire face, les sages recommande 10 paquets de mesures :
-Un ensemble de réformes concernant les processus, les responsabilités, les engagements et la gouvernance de l’union douanière : le rapport recommande notamment la création d’une instance européenne commune de gouvernance des douanes.
-Une nouvelle approche des données visant à réduire la dépendance aux déclarations en douane, à obtenir des données de meilleure qualité auprès de sources commerciales et à fournir aux entreprises un point d’entrée unique pour les formalités douanières.
–Un cadre global de coopération, permettant un meilleur partage des données au sein de l’union douanière, avec la participation des autorités de surveillance du marché, des autorités répressives et des autorités fiscales.
-Créer une Agence européenne des douanes pour compléter le rôle de la Commission et soutenir le travail des États membres.
–Réformer et étendre le régime des opérateurs économiques agréés : le rapport recommande notamment de le rendre obligatoire pour tous les opérateurs afin d’accélérer la digitalisation des formalités.
-Un nouveau cadre de responsabilité et de confiance, dans lequel les entreprises demanderaient le statut d’opérateurs économiques agréés pour obtenir un accès commercial au marché de l’UE. Les petits envois non commerciaux continueraient d’être acheminés selon les processus habituels, mais sans priorité et soumis à un niveau de contrôle qui reflète leur statut « non fiable ».
-La suppression du seuil d’exonération de droits de douane de 150 euros pour le e-commerce, assorti de tarifs simplifiés pour les envois de faible valeur.
-Un ensemble de mesures visant à écologiser les douanes de l’UE, à numériser les procédures, à garantir que les interdictions et les restrictions liées à la durabilité sont correctement mises en œuvre sur les produits importés, ainsi qu’éventuellement à réformer la nomenclature du système harmonisé de l’Organisation mondiale des douanes afin de permettre la classification appropriée des produits respectueux de l’environnement qui l’UE veut promouvoir dans le commerce international.
–Doter les administrations des douanes de ressources, de compétences et d’équipements appropriés, afin d’assurer leur pleine capacité à remplir leurs missions.
–Une estimation annuelle de l’écart des recettes douanières pour mieux gérer la collecte des recettes douanières.
Prochaine étape ? Les conclusions du groupe des sages vont maintenant être discutées avec le Parlement européen et les États membres. Comme annoncé dans le plan d’action douanier 2020, la Commission mettra en place un « groupe de réflexion », impliquant les États membres, pour débattre et mettre en œuvre les recommandations. Sur la base de ces informations et de consultations plus larges avec les parties prenantes, la Commission présentera un train de réformes douanières d’ici la fin de l’année.
A suivre…
Christine Gilguy
*Le rapport est téléchargeable sur le site de la Commission européenne : cliquez ICI