Dans sa dernière communication sur le plan d’investissement pour l’Union européenne (UE) – que l’on appelle aussi du nom du président de la Commission européenne plan Juncker, -l’exécutif bruxellois cite, comme premières bénéficiaires, au 1er avril, la Grèce, l’Estonie, la Bulgarie, le Portugal, donc quatre « petites » économies, devant l’Espagne. Mais où en est la France ?
Pour parvenir à ce classement, la Commission européenne a considéré le volume d’investissement privé déclenché par le Fonds européen pour les investissements stratégiques (FEIS) par rapport au produit intérieur brut (PIB) de chaque État membre. Le FEIS est l’outil spécialisé utilisé par la Banque européenne d’investissement (BEI) pour attirer ensuite les investissements privés.
La France, premier bénéficiaire en valeur absolue
Or, si l’on regarde les volumes d’investissement en valeur absolue, ce sont les grands pays, et la France en tête, qui profitent le plus du plan Juncker. Ainsi, au 1er avril 2018, à eux seuls, les quatre premiers bénéficiaires – France, Italie, Espagne, Allemagne – ont représenté plus de 62 % des financements FEIS approuvés par la BEI et 48,5 % des investissements privés ainsi déclenchés.
Derrière les quatre premiers bénéficiaires, on trouve encore le Royaume-Uni, la Pologne et, enfin, la Grèce. Quant au Portugal, il est dixième, derrière les Pays-Bas et la Suède, alors que la Bulgarie et surtout l’Estonie figurent en queue de peloton. S’agissant de la France, elle a obtenu 9,3 milliards de fonds FEIS, lesquels devraient générer 42,3 milliards d’investissements privés.
On peut comprendre que la Commission européenne dans sa communication préfère mettre en valeur les petites économies. Ce n’est pas la première fois que des déséquilibres entre États membres sont constatés. Les régions qui auraient le plus besoin d’investissements restent les parents pauvres du FEIS.
Comment expliquer que quatre pays parmi les plus riches de l’Union européenne soient aussi les mieux servis ? Peut-être ont-ils su mieux que les autres se mobiliser, et sans doute leur organisation est performante. En France, le Commissariat général à l’investissement, chargé de sélectionner les projets du programme d’investissement d’avenir (PIA), a été un outil essentiel de la remontée de certains projets vers l’UE.
Le cas typique est celui de la coopérative laitière des Maîtres Laitiers du Cotentin, à laquelle la BEI a prêté 55 millions d’euros pour une nouvelle unité de production de lait infantile, de lait UHT, de la crème, du beurre. En définitive, ce sont 110 millions d’euros qui ont pu être engagés dans une usine parmi les plus performantes d’Europe, avec comme cible notable, la Chine.
Un quart des investissements tricolores aux PME
Globalement, les trois quarts des fonds FEIS et des investissements qui devraient être générés en France vont aux infrastructures et à l’innovation, le quart restant étant orienté vers les petites et moyennes entreprises (PME).
La Banque européenne d’investissement (BEI) y a ainsi approuvé plus de 80 projets d’infrastructures et d’innovations et environ 122 900 PME et entreprises de taille intermédiaire (ETI) devraient profiter d’un meilleur accès au financement. Pour ce faire, quelque 35 conventions ont été signées avec des banques intermédiaires, financées par le Fonds européen d’investissement (FEI)* avec le soutien du FEIS.
Dans le domaine des infrastructures, par exemple en 2017, la BEI a annoncé la mise en place d’un financement de 200 millions d’euros pour le déploiement des réseaux Très Haut Débit Fixe (FTTH) en France, portant ainsi à 550 millions d’euros le total de ses investissements depuis 2009 pour appuyer la stratégie de développement et d’innovation du Groupe Iliad. Il était alors prévu qu’à l’horizon fin 2018 9 millions de foyers raccordables pourraient bénéficier du FTTH à travers des offres Free, à la fois dans les Zones Très Denses (ZTD) et dans les Zones Moyennement Denses (ZMD).
Un objectif de 500 milliards d’euros d’ici 2020
A l’échelle de l’UE, 384 projets d’infrastructures et d’innovation ont été approuvés, d’après la Commission européenne. Près de 400 accords de financement pour des PME ont également été conclus et environ 611 000 petites et moyennes entreprises devraient en bénéficier. Au final, lancé en 2015, le plan Juncker a atteint son objectif initial, à savoir relancer l’investissement en Europe en mobilisant 315 milliards d’euros d’ici fin 2018.
De fait, au 1er avril, ce sont 90 % du total, soit 284 milliards d’euros d’investissements privés, qui ont été mobilisés. Au départ, la BEI s’était appuyée sur un fonds de garantie de 21 milliards d’euros et devait déployer 61 milliards avec le FEIS. Ce dernier chiffre est en voie d’être atteint également, puisque la barre des 56 milliards vient d’être franchie.
Globalement donc, le plan Juncker est considéré comme un succès. Dès fin 2017 d’ailleurs, les Vingt-Huit avaient décidé de prolonger sa durée de vie de plusieurs années. Un nouvel objectif a alors été fixé : atteindre les 500 milliards d’investissements d’ici 2020.
La modernisation des économies en Europe et des entreprises est au cœur des préoccupations. Pour la France, on peut penser à plusieurs secteurs d’intervention, comme l’efficacité énergétique des bâtiments et la digitalisation, notamment la transition numérique des PME. Les sociétés tricolores doivent encore profiter des fonds européens.
François Pargny
* Le Fonds européen d’investissement (FEI), créé en 1994, est la filiale de la BEI pour l’amélioration de la croissance économique et la réduction du chômage. Le FEI soutient notamment les PME par l’apport de fonds propres à des fonds de capital risque ou par des accords avec les banques finançant des PME.
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