Le risque protectionniste venu des Etats-Unis se concrétise. Jeudi 1er mars, le président Donald Trump a prévenu qu’il annoncerait la semaine suivante l’imposition de droits de douane supplémentaires à l’importation de 25 % pour l’acier et de 10 % pour l’aluminium, sans préciser toutefois si celles-ci seraient générales ou ciblées sur certains pays. Ceci pour protéger la sidérurgie américaine du « dumping » de concurrents jugés déloyaux. La goutte d’eau qui fait déborder le vase ? Le fait est qu’à l’instar de nombreux pays producteurs dont le marché américain constitue un débouché important, les Européens ont été prompts à réagir et à mettre en garde le président américain contre le risque de représailles commerciales immédiates.
« Nous ne resterons pas les bras croisés »
« Nous regrettons fortement » cette décision américaine, a ainsi déclaré Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne, dans les heures qui ont suivi la déclaration américaine. « Nous ne resterons pas les bras croisés pendant que notre industrie est frappée par des mesures injustes », a-t-il ajouté dans un communiqué. La commissaire au Commerce Cecilia Malmström a précisé dans le même communiqué que « l’UE entamera le plus tôt possible des consultations sur le règlement des différends avec les Etats-Unis à Genève », à l’Organisation mondiale du commerce (OMC).
Premier pays importateur d’acier du monde, les Etats-Unis se fournissent d’abord au Canada selon des statistiques 2016 des chiffres émanant du département américain du Commerce (16 % des importations américaines en volume en 2016). Suivent le Brésil (13 % en 2016), la Corée du Sud (10 %), le Mexique, la Turquie et la Russie (9 % chacun), du Japon (5 %) et de Taïwan (4 %). En Union européenne, son premier fournisseur est l’Allemagne (3 %).
L’Allemagne craint une « guerre commerciale »
Alors que les industriels européens ont immédiatement rejeté la décision américaine, les gouvernements des Etats-membres producteurs sont eux aussi montés au créneau dans une belle unanimité. En Allemagne, le porte-parole d’Angela Merkel, la chancelière allemande, a prévenu le 2 mars à la mi-journée que le gouvernement allemand « rejette » ces nouvelles taxes américaines et mis en garde contre les risques d’une « guerre commerciale » qui ne résoudrait pas le problème des surcapacités mondiales. Le matin même, le syndicat de la sidérurgie Stahl, a dénoncé « des mesures qui violent les règles de l’Organisation mondiale du commerce », pressant l’UE d’intervenir.
Le Royaume-Uni, autre pays européen qui possède une industrie sidérurgique, a également réagi via son ambassade à Washington. Dans un communiqué, celle-ci a déclaré que « nous avons été clairs sur le fait que nous sommes particulièrement inquiets de toute mesure qui pourrait avoir des conséquences sur l’acier du Royaume-Uni et ses industries d’aluminium », tout en assurant être en discussion avec les Américains.
« Face à ces problèmes, la réponse européenne et américaine doit être commune » »
Même son de cloche à Paris, où Bruno Le Maire, le ministre de l’Economie et des finances, a déclaré lors d’un point presse à la mi-journée que « ces mesures unilatérales ne sont pas acceptables » et qu’elles « auraient un impact majeur sur l’économie européenne et sur des entreprises françaises comme Vallourec, Arcelor, Ugitech ». Le ministre français a décidé de réunir « dans les prochains jours l’ensemble des acteurs industriels de l’acier français pour examiner avec eux les conséquences potentielles de ces décisions américaines sur la production d’acier et d’aluminium en France ».
Pour le ministre français, les Etats-Unis se trompent de cible : « nous savons bien que sur ces secteurs, dans certains pays, il existe des pratiques de dumping et des subventions massives qui faussent le commerce mondial, a insisté Bruno Le Maire. Les autorités américaines le savent parfaitement. C’est ce sujet-là qui doit être traité et pas un autre. Ce sujet du dumping fiscal et des aides d’État qui doivent être traité et pas un autre. L’Europe n’a absolument pas vocation à être la variable d’ajustement des problèmes commerciaux mondiaux ». Et d’estimer que « face à ces problèmes, la réponse européenne et américaine doit être commune », prévenant qu’ « une guerre commerciale entre l’Europe et les États-Unis ne fera que des perdants ».
Le ministre français a averti que « si ces décisions unilatérales sont confirmées et maintenues, elles appelleront une réponse forte, coordonnée et unie de l’Union Européenne », ajoutant que « toutes les options sont sur la table : un recours devant l’OMC ; des contre-mesures pour limiter les importations américaines en Europe ». Estimant que l’UE doit « traiter rapidement ce sujet majeur » et que la Commission européenne doit proposer « rapidement un plan d’action », Bruno Le Maire a déclaré qu’il appellera dans l’après-midi « ses principaux homologues européens, notamment allemand et britannique », et mettra ce sujet à l’ordre du jour du Conseil des ministres de l’Economie du 13 mars à Bruxelles.
Reste à savoir jusqu’où ira le président américain. Dans un message posté en début de matinée sur le réseau social Twitter, le 2 mars, il a semblé narguer le monde : « Quand un pays perd des milliards de dollars en commerçant virtuellement avec tous les pays avec lesquels il fait des affaires, les guerres commerciales sont bonnes et faciles à gagner »…
Desk Moci
Pour prolonger :
–Lire notre Alerte confidentielle du 6 mars : Etats-Unis / Protectionnisme : comment l’UE prépare sa riposte
– Lire dans notre dernier dossier spécial « Où exporter en 2018 » : Protectionnisme, une menace qui entretient l’incertitude
Et aussi :
–Etats-Unis / Protectionnisme : le projet de réforme fiscale américain inquiète les Européens
–Export / Commerce : le protectionnisme facteur d’aggravation des risques pays, selon Credendo
–Commerce / International : le Medef sonne la mobilisation contre le protectionnisme
–États-Unis / Protectionnisme : vers un « hard Trump » ou un « soft Trump » ?