Fondée en 2021 par trois amis, Riverse vient de lever 1,5 million d’euros pour développer sa plateforme de certification de crédits carbone et de mise en relation avec des revendeurs en Allemagne et au Royaume-Uni. Son credo : se focaliser sur la méthodologie et ne cibler que des PME industrielles de la greentech européenne.
Ludovic Chatoux le reconnaît sans ambages : « Les scandales de ces dernières années ont considérablement terni l’image du secteur de la compensation carbone ». Fraude à la TVA sur les quotas de carbone organisée par des escrocs franco-israéliens (283 millions d’euros), multiplication des « crédits fantômes » sans liens avec la réduction de gaz à effets de serre, émissions de faux certificats…
Les dérives de ce système supposé vertueux n’ont pourtant pas douché l’enthousiasme des trois jeunes dirigeants pour la décarbonation, bien au contraire.
Né en 2005 avec le protocole de Kyoto, le mécanisme de la compensation carbone prévoit l’obligation pour les États et la possibilité pour les entreprises, les collectivités locales ou les particuliers, de compenser leurs émissions de gaz à effet (GES) de serre par le financement de projets de réduction des GES en échange de crédits carbone. Hors État, ce mécanisme est dit « volontaire », en ce sens qu’il ne procède d’aucune appellation légale. Souvent qualifiés de « droits à polluer », ces « certificats de réduction d’émission » permettent de financer essentiellement des projets forestiers à l’étranger.
Première particularité de Riverse : dans le processus d’émission de certificats, elle n’accompagne que des greentech industrielles européennes, plus précisément des PME opérant dans les domaines du biogaz, du reconditionnement d’équipements intensifs en CO², du biochar (charbon végétal utilisé pour amender les sols en agriculture) ou des matériaux de construction biosourcés. Un choix lié au parcours de l’un des trois fondateurs, Grégoire Guirauden, ex-ingénieur dans une petite entreprise industrielle. « Il s’est rendu compte que, faute de moyens, les PME n’avaient pas accès aux marchés volontaires du carbone », explique Ludovic Chatoux.
Un marché en plein essor
Ces derniers, à l’inverse du marché réservé aux États, celui destiné aux entreprises n’est pas régulé par une autorité en particulier et les prestataires de certification sont de plus en plus nombreux, mais ne proposent pas toujours des garanties de sérieux. Il y a donc une carte à jouer pour ceux faisant preuve de transparence et de rigueur. D’autant que, s’il est encore chaotique, le marché volontaire est appelé à s’envoler dans les années à venir.
Une étude conjointe de Shell et du Boston Consulting Group (BCG) publiée en février l’évalue entre 10 et 40 milliards de dollars dans le monde d’ici à 2030, contre 2 milliards de dollars en 2021. Entre 2021 et 2022, les levées de fonds des startups spécialisées dans la compensation carbone ont triplé pour atteindre 505 millions de dollars, selon le denier rapport du fonds de capital-risque CommerzVentures, faisant de ces entreprises le segment à la plus forte croissance des fintech climatiques.
Une méthodologie maison
Pour se distinguer de la concurrence dans cette jungle, Riverse parie également sur sa méthodologie de certification. Après avoir étudié celles des labels existants, les guidelines des ONG et des entreprises de conseil, ainsi que les normes existantes, les dirigeants décident, devant tant de complexité, de construire leur propre méthodologie en s’entourant d’experts scientifiques et de conseillers indépendants, une démarche complétée par l’organisation d’une consultation publique et un audit en 2022. Objectif : développer une plateforme respectant les normes internationales et accessible aux dirigeants de PME.
Grâce à une plateforme développée en interne, les entreprises peuvent réaliser leur « analyse de cycle de vie » (ACV) dont le compte-rendu est audité par un auditeur tiers, en l’occurrence KPMG, qui vérifie l’impact des entreprises sur l’environnement grâce aux données fournies (factures d’énergie, preuves de transport…).
Si le feu est au vert, les certificats de crédit carbone sont émis. Grâce à cette organisation, Riverse revendique de proposer des certifications de crédits carbone pour trois fois moins cher et 20 fois plus rapidement que la moyenne observée.
Cap sur l’Allemagne et le Royaume-Uni
En revanche, pour leur revente, Riverse passe par des partenaires spécialisés comme Ceezer, Sweep et Greenly. C’est d’ailleurs grâce à l’Allemand Ceezer que des pistes de business se dessinent outre-Rhin, mais aussi au passage de la jeune pousse française dans l’accélérateur de l’américain Techstar à Berlin. « Nous y avons rencontré des investisseurs locaux intéressés par notre projet et je prépare actuellement mon déménagement à Berlin qui est une ville en pointe dans les greentech », confie Ludovic Chatoux, de nationalité franco-allemande.
Riverse devrait lancer sa plateforme en Allemagne avant la fin de cette année et au Royaume-Uni en 2024, également grâce à des contacts proposés par des investisseurs. Grégoire Guirauden doit s’y installer en 2024.
La jeune pousse installée à Lyon et Paris, vient en effet de lever 1,5 million d’euros afin d’étoffer ses équipes, améliorer sa plateforme et financer son développement hors des frontières hexagonales. « L’international a tout de suite été un objectif, dès la création de l’entreprise, relève Ludovic Chatoux. Même si nous ne sommes pas encore implantés à l’étranger, nous travaillons en anglais car notre équipe de 11 personnes compte 8 nationalités. »
Elle revendique pour l’instant 9 entreprises certifiées et ambitionne d’en ajouter une trentaine d’ici à la fin de l’année. En France et à l’international…
Sophie Creusillet