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Normandie : deux régions, une marque unique

Dans le monde consulaire et dans certaines filières industrielles, les rapprochements entre la Basse et la Haute-Normandie sont déjà une réalité. Un nouveau pas a été franchi avec la création de la marque et de l’association Buy Normandie.

Buy Normandie. Quelques mois après la création de l’association éponyme, le concept séduit déjà plus d’un chef d’entreprise, tant en Basse-Normandie qu’en Haute-Normandie. « La Bretagne a une forte identité et sa notoriété est servie par un bras puissant qui est Bretagne International. La Normandie, qui possède aussi une notoriété mondiale, doit aussi disposer d’un instrument efficace comme Buy Normandie », plaide Stéphane Michalon, le président de Norman SAS en Basse-Normandie, un des leaders européens de l’équipement des abattoirs.

En Haute-Normandie, Ressorts Masselin est déjà membre du réseau birégional Normandie Aéro Espace (NAE), une initiative des grands donneurs d’ordre désireux de regrouper toutes les PME du secteur. « L’union fait la force », se félicite son directeur commercial Olivier Gouriou. Mais « quand les sociétés basses et hautes normandes se retrouvent dans un salon, elles ne disposent pas des mêmes aides régionales », s’agace le dirigeant du fabricant de ressorts, qui enfonce le clou. « Vous avez un aéroport à Caen, un deuxième au Havre et un troisième à Rouen. Mais aucun n’étant international, les entrepreneurs des deux régions pour voyager à l’étranger doivent se rendre à Beauvais ou le plus souvent à Roissy ou Orly ». « Avec une seule Normandie », sous-entendu un seul aéroport (mais où ? à Caen ? à Rouen ?), « on pourrait voyager mieux », tranche Olivier Gouriou, qui se félicite ainsi de la création de Buy Normandie.

Dans l’ouvrage intitulé « La Normandie en débat », douze géographes normands ont appelé en 2011 à une réunification de la Normandie. Parmi les arguments développés, un rapprochement régional permettrait d’atteindre une taille critique offrant la possibilité de peser en France et en Europe. A ce jour, le président du Conseil régional de Haute-Normandie, Alain Le Vern, est défavorable à l’idée de fusion. A l’inverse, son homologue de Basse-Normandie, Alain Beauvais, est favorable à une réunification. Tous deux s’accordent, néanmoins, pour des coopérations entre les deux régions.

C’est dans ce cadre que s’est constitué CCI de Normandie. Présidé par Jean-Claude Lechanoine (lire son interview), ce groupement des Chambres de commerce et d’industrie régionales (CCIR) de Basse-Normandie et de Haute-Normandie s’est doté d’un service international commun, CCI International Normandie. Il a mis aussi sur les fonts baptismaux l’association Buy Normandie, qui est également présidée par Jean-Claude Lechanoine.

La directrice de Buy Normandie est Stéphanie Yon-Courtin, avocate d’affaires spécialiste du droit de la concurrence, passée par un cabinet anglo-saxon et la Commission européenne. « Sur les salons par exemple, avec deux régions, les entreprises se plaignent du manque de visibilité. Buy Normandie, en leur offrant une bannière unique, doit y remédier », affirme-t-elle. Les premiers pas de la marque Buy Normandie à l’étranger seront effectués à Milan, du 11 au 13 mars prochain, à l’occasion d’une présentation de produits normands haut de gamme et de prestige, organisée avec CCI International, Ubifrance, le Comité d’expansion agroalimentaire de Normandie et les Régions Basse et Haute-Normandie. Ce sera aussi l’occasion de nouer des contacts dans l’optique de l’Exposition universelle de 2015, qui se tiendra justement à Milan.

Dans le secteur primaire, la Basse et la Haute Normandie disposent d’une compagnie consulaire unique, la Chambre régionale d’Agriculture de Normandie (Cran), dont le Comité d’expansion agroalimentaire est un service.

Région rurale, la Basse-Normandie réalise une part importante de ses exportations avec des produits agroalimentaires : 10,8 % avec les produits laitiers et les glaces et 7 % avec des produits alimentaires divers entre le quatrième trimestre 2011 et le troisième trimestre 2012, d’après les Douanes françaises. Pendant cette période, les équipements automobiles ont compté pour 8,4 %, le matériel électrique pour 6,8 % et les machines et équipements usuels pour 6 %.

D’autres structures réunissent Bas et Hauts Normands, « comme le comité régional du tourisme ou le groupement d’intérêt public Seine-Aval (Gipsa) que je préside », insiste Nicolas Mayer-Rossignol, le nouveau vice-président de la Région Haute-Normandie pour l’emploi, l’économie et l’énergie. « Les deux régions normandes ont tout intérêt à bien se structurer, car elles font face à un mastodonte qui est l’Ile-de-France », souligne à son tour Vianney de Chalus, président de la CCI du Havre et de CCI International Normandie. Dans son livre Paris et la mer – La Seine est capitale (2010), Jacques Attali écrit que « La Normandie et la ville de Paris sont liées par un destin commun » et qu’elles « peuvent se nuire l’une l’autre ou se consolider ».

La Haute et la Basse-Normandie travaillent de concert à la réalisation d’une nouvelle liaison ferroviaire au départ de la capitale française, plus fiable et plus rapide. La ligne nouvelle Paris-Normandie rejoindrait non seulement Rouen et, dans le prolongement, Le Havre, mais une bretelle à Rouen permettrait aussi d’assurer la liaison jusqu’à Caen.

Un autre projet structurant interrégional est l’industrie éolienne offshore. Plusieurs zones vont abriter un parc éolien, comme Courseulles sur Mer, près de Caen en Basse-Normandie, et Fécamp en Haute-Normandie. Le Tréport devrait sans doute être aussi retenu. Enfin, des plateformes de distribution des équipements devraient être installées dans les ports de Cherbourg et du Havre. La plateforme Vigie Business (www.merezo-normandie.com/reseau/49395-vigie-business) permet aux entreprises d’être informés de l’avancement des projets et aux donneurs d’ordre, en particulier, de connaître l’offre locale de sous-traitance disponible. Dans l’avenir, l’éolien offshore pourrait ainsi constituer une filière d’export vers les marchés anglo-saxons et le nord de l’Europe.

Dans l’éolien offshore, la Haute-Normandie possède de grands noms comme Alstom, Areva ou EDF. Globalement, l’industrie y est puissante. En particulier, elle est la première région française en matière de raffinage pétrolier et assure un tiers de la production hexagonale de produits chimiques raffinés. A eux seuls, les produits raffinés et le coke y ont représenté 20,3 % de l’export entre le quatrième trimestre 2011 et le troisième trimestre 2012, d’après les Douanes françaises, la chimie, 20,1 %, la pharmacie, 6,9 % et les produits de la culture et de l’élevage, 5,9 %. Mais la Haute-Normandie, qui a exporté à plus de 41 % dans la zone euro pendant cette période, souffre aussi de la crise économique dans l’automobile ou les hydrocarbures (raffinerie Petroplus).
Un autre secteur d’avenir en Haute-Normandie est le véhicule électrique. « La Région a noué un partenariat avec Renault pour les bornes de recharge et a investi plusieurs millions d’euros sur le site du constructeur à Cléon », rappelle Nicolas Mayer-Rossignol. Toutefois, le vice-président du Conseil régional estime que les exportations de la Haute-Normandie sont « trop le fait de quelques grands noms dans le pétrole, l’automobile, l’aéronautique » et que « dans ce domaine, les résultats des PME ne sont pas formidables ».

Et « pourtant, assure l’élu normand, nous avons de véritables pépites », à l’instar de Ressorts Masselin (voir article ci-dessous). Son objectif est donc de concentrer les efforts sur des entreprises qui « veulent exporter », notamment dans les secteurs clés que sont l’aéronautique, la pharmacie, l’automobile ou l’énergie.

De notre envoyé spécial François Pargny

Ressorts Masselin : un sous-traitant qui a du ressort à l’export

Ressorts Masselin produit des ressorts de taille et de poids très divers. « Ils peuvent varier de quelques grammes à 750 kilogrammes, comme ces ressorts pour la robinetterie pétrolière que nous allons livrer en Chine », présente Olivier Gouriou, le directeur commercial, en parcourant les entrepôts de l’entreprise de Petit-Quevilly, dans la banlieue de Rouen.

La société familiale, présidée par Jean Masselin, s’est spécialisée dans les petites séries très techniques pour l’aéronautique, les biens d’équipement ou encore l’industrie ferroviaire. Elle ne s’est jamais intéressée à l’automobile et s’est aussi désengagée des biens de consommation qui demandent de gros volumes, ce qui lui a permis au passage de réduire en deux ans le nombre de ses clients annuels de 750 à 600. Un donneur d’ordre peut commander entre 1 500 et un million d’euros par an.

« Parfois, nous fabriquons trois pièces et elles sont si techniques qu’elles doivent être faites à la main », indique, un brin admiratif, le directeur commercial de Ressorts Masselin. C’est pourquoi cette PME de 160 salariés, fondée en 1826, privilégie l’expérience et les relations humaines. Dans l’usine, il n’est pas rare de croiser des salariés avouant 40 ans de métier dans l’entreprise. « En 2009, se souvient Olivier Gouriou, quand l’entreprise a perdu 30 % de son chiffre d’affaires, nous n’avons pas licencié pour sauvegarder le savoir-faire. La direction a opté pour des plans de formation et du chômage partiel, ce qui nous a permis de garder notre savoir-faire et de sortir très rapidement de la crise en 2010 ». Résultat : les ventes ont progressé de 20 % l’an dernier et devraient encore gagner 2 % pour atteindre 20 millions d’euros fin 2012. La part de l’export – à 80 % réalisé en Europe, le reste principalement en Chine et en Inde – devrait aussi passer de 17 à 21 %. « En 2013, nous comptons sur l’export.

Peu de projets devraient aboutir en France, alors que dans d’autres pays européens nous espérons des commandes dans le ferroviaire, l’énergie, la haute tension, la robinetterie ou l’armement », détaille Olivier Gouriou. En juillet dernier, pour répondre à la demande de ses clients en Inde, Ressorts Masselin a créé une coentreprise à Bangalore avec un fabricant local de ressorts pour l’automobile, la société Suma. Les produits sont fabriqués à Petit Quevilly ou chez Suma, mais à terme, les deux partenaires envisagent de créer une usine spécialisée.

F. P.

Agroalimentaire : un comité normand unique pour les missions collectives

Le Comité d’expansion agroalimentaire de Normandie est un service de quatre personnes de la Chambre régionale d’Agriculture de Normandie (Cran). « Suite à la signature d’une convention de partenariat, alors que le comité est compétent pour les opérations collectives, et que CCI de Normandie se charge de l’accompagnement individuel, nous élaborons un programme en commun », détaille sa chargée de mission Export, Christelle Lhommet.
Pour parvenir à une programmation commune, les deux partenaires tiennent compte des remontées de leurs membres, du programme annuel France Export, concocté par Ubifrance, des Chambres de Commerce et d’Industrie en France et à l’étranger, de Sopexa, d’Adepta, des fédérations professionnelles et des opérateurs privés, et sur l’étude gratuite « Où exporter ? » du département Agrotech d’Ubifrance, qui dresse des perspectives sur les marchés clés de l’année à venir (www.ubifrance.fr/Galerie/Files/PressReleases/UBIFRANCE_CP-Agrotech-Ou-Exporter_VF.pdf). « En dehors du Salon international de l’alimentation (Sial) à Paris, nous nous désintéressons des salons généralistes. Ce qui doit motiver notre action, précise Christelle Lhommet, c’est le bon couple produit-pays, par exemple, épicerie fine-Allemagne ou surgelés-Etats-Unis ». C’est ainsi qu’en septembre dernier, pendant cinq jours à Sao Paulo, six entreprises normandes et le laboratoire d’analyse sensorielle Adria Normandie ont bénéficié d’une opération, sous-traitée par le comité à Ubifrance, de visite de points de vente, de conférence et rencontres dans les bureaux d’Ubifrance et de journées B to B.
Cette première mission au Brésil sera prolongée par la participation de sociétés normandes, sur le Pavillon France de Sopexa, au Sial Brazil 2013, devant se tenir du 25 au 28 juin à Sao Paulo.

F. P.

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