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Où exporter en 2017 : entretien avec Stéphane Colliac, économiste pour la France et l’Afrique chez Euler Hermes

Le Moci. Euler Hermes estimait fin mai 2016 à 10 milliards en 2016 et 34 milliards en 2017 la demande supplémentaire adressée aux exportateurs français. Huit mois après, maintenez-vous ces prévisions ?

Stéphane Colliac. Non, en 2016, d’une prévision de + 10 milliards d’euros, nous allons probablement passer à – 3 milliards, et ce, pour trois raisons : la baisse des volumes exportés, un effet prix négatif et l’impact du « Brexit ». D’abord, moins d’exportations, notamment pour les contrats d’Airbus, en raison de retards de production. Ensuite, des prix en chute de 5 % au niveau mondial : le choc des cours des matières premières, qui s’est propagé à l’ensemble des prix globaux depuis plusieurs années, s’est prolongé plus longtemps que prévu.
La sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne (UE) a déjà eu un impact en 2016, mais il devrait continuer de se faire sentir en 2017. D’un accroissement prévisible de + 6,1 milliards d’euros calculé avant le « Brexit », les anticipations sont passées à une diminution de – 0,2 milliard des exportations françaises vers le pays, soit un manque à gagner de 6,3 milliards. Même avec un accord de libre-échange entre ce pays et l’UE, nous avons calculé que le manque à gagner pour les exportateurs français entre 2017 et 2019 s’élèvera à 400 millions d’euros dans les biens d’équipement, 400 millions également dans la chimie et 300 millions dans l’agroalimentaire.
Globalement pour 2017, notre prévision est tombée de 34 à 28 milliards. Pour autant, ce sera l’année de la reprise mondiale tant en termes de produit intérieur brut que de commerce international, même si on s’attend à plus de protectionnisme et donc à ne pas retrouver un rythme de hausse des échanges aussi fort qu’en 2011.

 

Le Moci. Dans quels pays la demande supplémentaire sera la plus élevée ?

S. C. Clairement, ce sera la zone euro, les pays proches. Entre 2016 et 2017, on va ainsi passer de + 0,8 milliard à + 5 milliards en Allemagne et de + 0,6 milliard à + 3,5 milliards d’euros en Espagne. La demande supplémentaire adressée à la France sera aussi de + 2,7 milliards en Belgique et + 2,6 milliards en Italie. C’est la fête des voisins. L’Allemagne se porte à merveille avec une croissance économique de 1,9 % en 2016, la consommation et l’immobilier sont à de bons niveaux, on produit beaucoup et on importe beaucoup. Derrière la zone euro, on trouve la Chine, avec + 1,6 milliard. À cet égard, il faut noter que l’évolution de la Chine vers plus de consommation est plus favorable à la France qu’à l’Allemagne, le commerce extérieur de cette dernière avec la Chine portant essentiellement sur des biens d’équipement. Derrière la Chine, on trouvera encore les États-Unis, avec une augmentation de la demande de + 1,4 milliard.

 

Le Moci. Pourtant, il est de plus en plus question d’isolationnisme, de protectionnisme aux États-Unis…

S. C. Oui, mais la croissance nominale sera plus forte, il y aura plus de volume et un peu plus d’inflation, ce qui fait que la demande supplémentaire adressée aux exportateurs français va y être multipliée par sept par rapport à 2016. Le produit intérieur brut (PIB) des États-Unis devrait croître de 1,6 % en 2016 et encore progresser à 2,4 % cette année. Et quelle que soit la politique commerciale de l’Administration Trump, il y aura une demande forte à satisfaire.
Bien sûr, le président veut remettre en cause de grands accords bilatéraux et régionaux et peut imposer des mesures protectionnistes ciblées à des pays, des secteurs. Mais les États-Unis, après la Russie et l’Inde, sont déjà la nation la plus protectionniste de la planète depuis trois ans, avec, sur cette période, 126 mesures protectionnistes sur un total mondial de 1 849 !
Donald Trump veut s’attaquer à l’Accord de libre-échange nord américain (Alena) avec le Canada et le Mexique, mais le fera-t-il réellement ? Ce n’est pas certain. D’abord, parce qu’avec de simples déclarations il a déjà réussi à inciter des entreprises à relocaliser de la production sur le marché domestique. Un démantèlement est un acte lourd juridiquement. Des procédures doivent être respectées, ce qui reporte son éventuelle mise en œuvre à 2018, au plus tôt.
Même pour prendre des dispositions coercitives à l’encontre de la Chine, il faudrait trouver une majorité au Congrès, ce qui n’est pas certain, car de nombreuses entreprises américaines travaillent en Chine. La seule certitude, c’est que la Chine restera exclue de la clause de la nation la plus favorisée, les Américains, comme les Japonais ou les Européens au demeurant, bloquant le statut d’économie de marché de la Chine à l’OMC. Le fait que ce statut n’est pas reconnu pour la Chine sera donc, on doit s’y attendre, un sujet brûlant tout au long de cette année.

 

Le Moci. Vous êtes aussi en charge de l’Afrique, un continent dont l’économie devient plus résiliente et qui séduit de plus en plus. Quelles y seront les performances des entreprises françaises cette année ?

S. C. L’an dernier, l’Afrique de l’Ouest se situait dans le Top 10 des régions adressant une demande supplémentaire aux exportateurs français. L’Afrique du Nord était un peu plus en retrait, à cause de l’Algérie, mais ces débouchés devraient croître à nouveau en 2017 (+ 1,5 milliard).
En revanche, s’agissant de la Russie, les sanctions étant inchangées, on s’attend à une simple stabilisation des échanges. La récession de 2016, de – 0,6 %, qui s’était traduite par une réduction de – 700 millions d’euros des exportations françaises, va donc être reproduite cette année, malgré une croissance économique qui sera positive, avec + 1 %.

 

Le Moci. Quels seront les secteurs qui profiteront le plus de la reprise des achats à la France ?

S. C. Les secteurs les plus porteurs sont les biens d’équipement, avec + 2,3 milliards d’euros en 2016 et + 9,1 milliards en 2017.
Il y a deux différences, toutefois, entre ces deux dates. La première année, la bonne performance est intégralement réalisée dans la zone euro. En 2017, l’Asie sera également porteuse, ainsi que l’agroalimentaire, avec + 5,2 milliards, contre – 0,6 milliard en 2016, où le secteur n’était que huitième dans la hiérarchie de la demande supplémentaire adressée à la France.
La baisse des prix des matières premières a été favorable, mais la compétitivité de l’agroalimentaire s’est aussi améliorée. De façon précise, nous prévoyons cette année que la demande supplémentaire de biens d’équipement soit la plus forte en Europe, avec + 5,7 milliards d’euros, loin devant l’Asie, avec + 1,4 milliard, et de produits agroalimentaires en Europe également, avec + 4 milliards.
À noter, enfin, que l’évolution de la parité entre l’euro et le dollar a eu un impact minime. Depuis deux ans, la valeur de l’euro oscille entre 1,05 et 1,1 dollar et nous pensons qu’elle se stabilisera encore autour de 1,05 euro au moins à court terme.

Propos recueillis par François Pargny

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