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Et si on s’inspirait de la méthode Obama ? Par Étienne Vauchez

Après avoir dressé un diagnostic critique du système public d’aide à l’export actuel dans une tribune publiée dans un précédent numéro (Le Moci n° 1909 du 1er mars, p. 15), l’auteur détaille dans une deuxième partie ses propositions.

1/ Les trois piliers de la National Export Initiative de 2008


Partons d’une initiative qui a fonctionné, la National Export Initiative (NEI) d’Obama en 20081 (1) ; L’administration américaine voulait repenser le dispositif de soutien à l’exportation des PME sans que l’État fédéral ne dépense un centime de plus. Reprenons trois étapes intéressantes de ce plan : d’abord un vrai travail sur la segmentation des besoins des entreprises ; ensuite un appel à projets pour que toutes les forces de l’« écosystème » du commerce international viennent proposer leurs propres solutions d’aide à l’exportation, et complètent ainsi l’offre du secteur public ; et enfin la promotion de l’ensemble des solutions, pour que chaque entreprise puisse choisir le meilleur mode d’entrée (2) sur les marchés export.

1er pilier
Proposer un vrai choix entre les différents modes d’entrée sur les marchés
Une grande partie du succès ou de l’échec d’une exportation se joue lorsque l’exportateur choisit son mode d’entrée sur le marché (3) ; il va décider de ce qu’il vend (ses produits, son process, son savoir-faire, etc.), de qui va le vendre (lui-même, un tiers local, un tiers français), de qui va servir de médiateur culturel (le tiers, un salarié en interne), etc. Selon la maturité export de l’entreprise et le pays visé, il y a des modes d’entrée gagnants, et d’autres qui sont pratiquement perdus d’avance. Ainsi il est pratiquement vain pour un exportateur (même expérimenté) de prospecter seul en Chine. Il risque d’abandonner avant d’avoir pu créer la confiance nécessaire à la réalisation de sa première affaire. Il ferait mieux de faire équipe avec un partenaire qui bénéficie déjà de la confiance de clients chinois, comme par exemple un agent, une société de commerce, un autre exportateur, etc. On ne peut donc pas construire un dispositif de soutien au commerce extérieur sur la seule aide à la prospection pour des exportateurs qui vendraient ensuite seuls. Pour réussir, il faut mettre toutes les solutions sur la table, dont notamment toutes les solutions d’aide à la vente, qu’elles soient directes via le web, ou indirectes via des agents export, sociétés de commerce (basés en France et/ou dans le pays cible).

2e pilier
Segmenter les besoins des entreprises 

La NEI a commencé par segmenter les besoins des entreprises : les entreprises ont été modélisées en trois segments : celles qui désirent exporter, celles qui exportent déjà et souhaitent entrer sur un nouveau marché, celles qui veulent vendre davantage sur les marchés où elles sont déjà présentes. Mutatis mutandis, on pourrait définir trois groupes de pays : les marchés accessibles (disons l’UE pour faire simple), les marchés difficiles (États-Unis, Canada, Australie, Japon, etc.), les pays risqués (Brésil, Chine, Russie, Inde, etc.). A partir de ces trois segments d’entreprises et des trois segments de pays on crée neuf cas de figure. 

Pour chaque cas de figure, on peut lister quels sont les modes d’entrée pertinents sur le marché, et ceux qui sont à déconseiller. De toute évidence on ne peut pas proposer le même type de soutien à une TPE qui a un marché potentiel au Brésil et à un exportateur confirmé qui veut doper ses ventes dans un pays UE où il exporte déjà. L’idée forte de la NEI a été de segmenter les besoins, et de promouvoir les différents modes d’entrée pertinents pour chaque besoin.

3e pilier
Utiliser toutes les ressources de l’« écosystème »

Pour proposer les solutions de soutien correspondantes, la NEI a lancé un large appel à propositions : elle a demandé aux acteurs publics, privés ou associatifs de proposer leurs solutions d’aide à l’exportation les plus pertinentes pour chacun des besoins identifiés. Administrations, chambres de commerce, banques, cabinets d’avocats, assureurs crédit, cabinets de fiscalistes, compagnies aériennes, sociétés de transport, consultants export, sociétés de négoce, fédérations professionnelles, centres de formation, sites Internet du commerce international, tout le monde a été invité à présenter ses solutions pour aider l’exportation des PME américaines, et à dire à quelles typologies de projet, d’entreprise et de pays cible ces solutions s’adressaient en priorité. 

C’est ainsi que, depuis 2008, Fedex organise des missions de prospection sur des marchés accessibles pour des exportateurs avisés, Lufthansa a créé un club d’affaires pour des entreprises qui démarrent sur l’Allemagne, Bank of America a lancé un réseau social privé pour que ses clients partagent leurs expériences à l’exportation, eBay explique aux PME la vente directe à l’export via le web, etc. On pourrait imaginer en complément que des sociétés de négoce spécialisées sur l’Afrique proposent leurs services pour entrer sur ces marchés difficiles, que les fédérations d’agents export aident à trouver le meilleur agent pour pénétrer le marché chinois, que les conseillers du commerce extérieur en Allemagne apportent du coaching sur ce marché difficile, etc. 

Il n’y a pas de limite à la créativité d’un tel appel à propositions, car tout le monde a intérêt au développement des exportations françaises ; il suffit de bien segmenter les besoins au départ, et de poser des règles du jeu claires et transparentes qui fassent que tous les acteurs aient avantage à venir proposer leurs solutions au sein de l’initiative. 

Vous me direz qu’on a lancé récemment une équipe de France de l’export. Certes, mais vous avouerez que c’est une toute petite équipe, et qu’elle fait essentiellement la promotion des services d’aide à la prospection d’Ubifrance. 

Or, Ubifrance fait essentiellement la promotion des modes d’entrée en solo sur les marchés export, lequel ne peut être la seule réponse pertinente pour tous les cas de figure, notamment sur les marchés émergents risqués qui recèlent la plus grande partie des opportunités de nouvelles exportations. De plus, il faut garder à l’esprit qu’Ubifrance est financée par l’État, qu’elle n’a plus les moyens d’étendre son action (4). Il faut donc repenser en profondeur cette équipe de France : sa gouvernance, et ses équipiers.

(1) Les exportations US sont passées de 1 277 milliards de dollars à 1 832 milliards de dollars entre 2008 et 2010, soit environ 43 % d’augmentation ; sur la même période le dollar s’appréciait de 1 %.
(2) Cf. Obadia et Vida (2006) dans le Journal of International Marketing.
(3) Il y a plus d’une dizaine de modes d’entrée possibles sur un marché : via un intermédiaire commercial français (bureau d’achat, agent, société de commerce, donneur d’ordre, etc.), via un intermédiaire commercial local (agent, importateur distributeur), via un partenariat local (co-production locale, licence, franchise), par une commercialisation directe (vente directe, vente par internet), par la création d’une entité commerciale locale (succursale, filiale), etc.
(4) L’Italie a fermé l’ICE il y a un an, dans le cadre de sa politique de réduction du déficit budgétaire.


2/ Dix propositions pour améliorer l’efficacité de l’exportation française

Dans cet esprit, voici dix propositions qui permettraient d’avancer vers un dispositif de soutien à l’exportation plus riche, plus ouvert, et plus efficace.

Mieux informer les PME sur la variété des modes d’entrée possibles sur les marchés export, les avantages et les inconvénients de chacun ; cesser de promouvoir le seul modèle de l’exportation en solo soutenu par les services d’aide à la prospection des pouvoirs publics.

Lancer un appel à propositions aux acteurs de l’écosystème de l’exportation pour élargir le dispositif de soutien aux exportateurs, en y incluant notamment les services d’aide à la vente directe (web, marketing, etc.), indirecte (collaborative, via des agents export ou des sociétés de commerce, etc.).

Promouvoir l’ensemble de ce nouveau dispositif en expliquant aux PME l’utilité et les limites de chaque solution proposée ; éviter toute politique du chiffre qui aurait pour conséquence d’orienter des entreprises vers des solutions qui ne leur correspondent pas ; laisser un vrai choix stratégique aux PME qui veulent augmenter leurs exportations.

Imposer les mêmes règles du jeu à tous les partenaires de l’éco-système, qu’ils soient financés par 
l’impôt ou non ; mettre en évidence la part de subvention dans les prix des prestatations subventionnés.

Mesurer l’efficacité de chaque solution proposée, et mener des travaux de recherche comparatifs sur les différents modes d’entrée, pour que les PME puissent choisir la meilleure stratégie en connaissance de cause.

Stimuler la participation des PME à des places de marché présentant l’offre française ou européenne sur le web, pour favoriser l’émergence d’un leader européen dans ce domaine (kompass.com, europages.com, etc.) qui puisse faire concurrence aux places de marché asiatiques (alibaba.com, globalsources.com, etc.).

Soutenir en particulier la montée en puissance d’un tissu d’agents export, de sociétés de commerce et de consultants export, en France et à l’étranger, qui peuvent constituer un canal particulièrement efficace d’aide à la vente, notamment sur les marchés émergents.

Éviter l’étouffement de l’exportation par la restriction de l’assurance-crédit, réintroduire dès 2012 un système de soutien à l’assurance-crédit de type Cap Export +.

Transformer les subventions pour la prospection en primes au succès qui récompenseraient les résultats durables à l’exportation, comme le demande l’OSCI dans les propositions qu’elle a présentées le 19 mars.

Instiller l’anglais partout où c’est possible : à la télévision, dans la signalétique publique, progressivement dans l’enseignement ; dire clairement aux Français : attention, la mondialisation ne se joue pas en français.

Ces dix propositions sont un début, car chacun des acteurs de l’éco-système en a bien d’autres, et ne demande qu’à s’engager dans une large initiative si les règles du jeu sont transparentes. Profitons de la crise pour décider (5) maintenant de notre renouveau.

(5) En grec, le mot krisis signifie « le moment pour décider ».

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