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Au tour des CCI : questions à Vianney de Chalus et Pierre-Antoine Gailly

Après Étienne Vauchez, Ubifrance et les CCEF *, c’est au tour du réseau consulaire de s’exprimer dans les colonnes du Moci et de dire quelques vérités sur le commerce extérieur français. En attendant les précisions du gouvernement sur sa politique de commerce extérieur, attendues pour après les législatives, voici un entretien croisé et exclusif, réalisé peu avant le premier tour du scrutin du 10 juin, de Pierre-Antoine Gailly, président de l’Union des chambres de commerce et d’industrie françaises à l’étranger (Uccife) et président de la chambre de commerce et d’industrie de Paris (CCIP), et de Vianney de Chalus, président de CCI International.

Le Moci. Le gouvernement Ayrault 1 ne comporte pas de ministère ou secrétariat d’État dédié au commerce extérieur. Cela vous étonne-t-il ?

Pierre-Antoine Gailly. Le commerce extérieur se trouve tout de même dans les attributions du ministre de l’Économie et des Finances, Pierre Moscovici. Mais, comme tout le monde, nous attendons l’après-législatives.

Le Moci. Quel bilan faites-vous de l’équipe de France de l’export ?


Vianney de Chalus. En ce qui concerne le système d’aide à l’export, l’effort fait depuis quatre à cinq ans en matière de synergie entre les différents acteurs de l’équipe de France de l’export va dans le bon sens. Ubifrance s’est bien réformée et les Chartes de l’export signées en régions permettent cette synergie.
 
Pour les CCI à proprement parler, les objectifs de la Charte de l’export signée en 2008 ont été atteints : nous nous sommes engagés à accompagner 10 000 entreprises primo-exportatrices en trois ans (2009-2011). Aujourd’hui, nous en sommes à un peu plus de 9 000. L’Uccife et l’Assemblée des chambres françaies de commerce et d’industrie (ACFCI) travaillent de concert, puisque les réseaux français pour l’international et étrangers des CCI sont maintenant réunis sous une même bannière : CCI International. Il est vrai que cela n’était pas le cas il y a cinq ans, mais les structures et les personnes ont changé. Il y a eu une émulation entre les structures et, du coup, une montée en qualité des services proposés.

Toutefois ce bilan reste insatisfaisant. Car le résultat n’est pas au rendez-vous avec les 70 milliards d’euros de déficit du commerce extérieur. Il faut donc réorienter nos efforts vers plus d’efficacité. Les CCI sont censées être la porte d’entrée et le guichet unique pour les entreprises. Or, cela n’est pas forcément le cas dans la réalité. Les chartes régionales de l’export ne sont pas complètement appliquées. Il y a donc plusieurs réorientations à faire : le guichet unique doit fonctionner en synergie avec tous les acteurs de l’équipe de France de l’export qui auront des comptes à rendre régulièrement ; il faut réorienter nos entreprises vers le grand export, là où il y a de la croissance, même si tout le monde ne peut pas aller en Chine, et, enfin, proposer un accompagnement de qualité. On n’accompagne pas une entreprise sur un coup, mais sur le long terme (trois à cinq ans) en lui expliquant qu’on ne va pas à l’export par opportunisme, mais par stratégie.

Pierre-Antoine Gailly. Pour ma part, je dirais que le bilan est bon, mais que l’on peut mieux faire. Ce que nous avons gagné : nous nous connaissons, nous nous parlons, nous avons pris l’habitude de travailler ensemble, ce qui n’était pas le cas il y a cinq ans. Cela nous a forcés à harmoniser nos produits ainsi que nos services et cela a été un puissant moteur, dans les deux réseaux des chambres de commerce (CCI International et CCIFE), de diffusion de meilleures pratiques, ce qui a permis la montée en qualité des services proposés. Ainsi, aujourd’hui, pour une PME, un hébergement à Pékin est calculé de la même manière qu’un hébergement à Hong Kong ou à Budapest, aux écarts du coût de la vie près.

Concernant les Cccife, le bilan est largement positif : notre chiffre d’affaires 2011 (50 millions d’euros) a progressé de 7,5 % par rapport à l’année précédente. Cela veut dire que notre réseau est pertinent et répond à la demande, car les entreprises sont libres de venir nous voir ou pas. Preuve de cette pertinence, Ubifrance, qui a testé le modèle de délégation de service public (DSP) sur le Maroc depuis 2006 en le confiant à la CCIFE, vient de le renouveler. Cinq autres CCIFE se sont vus confier en début d’année une DSP (Nigeria, Jordanie, Pérou, Venezuela et Madagascar), tandis qu’une autre est en cours de négociation pour la République démocratique du Congo. Ce sont des pays difficiles, cela montre que nous ne sommes pas mauvais.

Du côté du réseau français des CCI, notre volonté est de travailler davantage avec les régions : celles-ci ont des pratiques très diverses. C’est d’autant plus facile que ce sont souvent les CCI régionales qui se trouvent chefs de file de l’équipe de France de l’export localement. 

Pour le réseau à l’étranger, il faut une redéfinition de certains aspects de la charte de de l’export : des entorses ont été faites au contrat entre Ubifrance et certaines CCIFE. Certains ajustements sont nécessaires, d’autant qu’Ubifrance a de moins en moins de crédits d’intervention et que son directeur général, Christophe Lecourtier, doit gérer une masse salariale importante et difficile à contenir. Une redéfinition du modèle économique d’Ubifrance interviendra certainement après les législatives et, en fonction de cela, nous verrons comment les CCIFE peuvent se positionner. 

Le Moci. Pour vous, que signifie « aller vers plus de services qualitatifs » ? 


Vianney de Chalus. Nous avions des objectifs quantitatifs, il faut être un peu plus qualitatif. En un mot, quand des efforts importants sont faits pour amener une PME primo-exportatrice à l’export, que l’on crie victoire parce qu’elle a fait 25 000 euros de chiffre d’affaires à l’export et que, l’année d’après, elle arrête, cela ne va pas. Il faut aider les entreprises qui ont un potentiel. Dans les 100 000 entreprises qui exportent, 17 000 réalisent 97 % du montant total des exportations : si on fait passer ces 17 000 à 25 000, le problème du commerce extérieur sera résolu. Il faut essayer de faire grandir celles qui peuvent grandir.

Le qualitatif repose sur de l’accompagnement à long terme, à savoir vérifier que l’entreprise a une stratégie à l’export, puis l’accompagner pendant au moins trois ans. Nous avions auparavant une politique de produits. Nous sommes en train d’évoluer vers du service en termes d’accompagnement des entreprises, à savoir une réponse aux besoins. 

Pierre-Antoine Gailly. En matière de services, deux nouveaux secteurs ont particulièrement émergé au sein des CCIFE : celui des ressources humaines et du recrutement à l’étranger (36 CCIFE proposent aujourd’hui ce service) et ce qu’on appelle le sens inverse, à savoir développer des courants d’affaires avec la France. 

L’évolution vers le qualitatif est liée à la notion d’accompagnement sur la durée. Il faut deux à quatre ans pour s’implanter avec succès dans un pays. Il peut aussi s’agir d’organiser des réseaux au service des entreprises : nous avons ainsi mis sur pied un réseau d’entreprises chinoises en France à la CCIP (réseau Chine) ainsi qu’un réseau France à Pékin en miroir. Nous créons de la valeur ajoutée, il s’agit de l’antithèse absolue de la mission d’entreprises multisectorielle. Au sein de ces réseaux, les entreprises vont s’apporter de l’aide mutuelle. 

Plutôt que des PME ou ETI particulières, nous préférons cibler certains secteurs en pleine croissance comme ceux de la biotechnologie ou de la high-tech. Dans ces domaines, des laboratoires de recherche français sont déjà implantés à l’étranger et souhaitent attirer des sociétés étrangères pour qu’elles s’installent sur le territoire français, ou veulent encourager des sociétés françaises à venir, ou encore attirer des étudiants.

Le Moci. Ubifrance a déjà amorcé une orientation vers plus de « qualitatif ». Pensez-vous que dans ce domaine, elle entre en concurrence avec vous ou avec des consultants privés ?

Pierre-Antoine Gailly. La réponse est oui. C’est factuel. Ubifrance fait des offres similaires à celle des CCIFE ou des consultants privés. À ce sujet comme sur l’efficacité du dispositif public, des rapports critiques émanant de la Cour des comptes ou du Contrôle général des finances ont été publiés : il faudra bien un jour évoluer et se poser la question de l’efficience des structures publiques, mais pas à n’importe quel prix. Ce n’est pas à nous de le faire.

Vianney de Chalus. On peut constater malgré tout l’évolution d’Ubifrance depuis quatre ans : l’agence et les Missions économiques offraient des services d’appui aux entreprises non uniformisés. Ubifrance a fait un travail important de normalisation. Et, dans le même temps, elle a vu ses crédits d’intervention baisser, d’où la tentation de faire du chiffre d’affaires supplémentaire en proposant ses propres produits. Ubifrance revient de loin, mais certaines dérives sont inacceptables par rapport à des organismes qui ne sont pas subventionnés par l’argent public. 

Le Moci. S’il fallait résumer le rôle des CCI pour l’export ?


Vianney de Chalus. Les CCI sont le guichet unique, une porte d’entrée pour les PME ; notre rôle est de détecter les entreprises à potentiel, d’être réducteurs de complexité et d’orienter les entreprises vers les partenaires de l’équipe de France. 

Propos recueillis par Christine Gilguy et Isabelle Verdier

*Le Moci n° 1909 du 1er mars 2012 et Le Moci n° 1911 du 29 mars 2012.

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