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Guide business Egypte 2016 : comment les PME françaises réussissent

Révolutionner dans un pays qui vient de connaître la révolution. Ce sont le pari de Bassita, qui s’appuie sur le « clickfunding » pour permettre le financement de projets sociaux, de Neoen, qui surfe sur la vague des énergies renouvelables, et de 5àsec, qui, dans le secteur traditionnel du nettoyage, apporte le plus de l’excellence française. Démonstration.

 

Bassita
Révolutionner la publicité avec les clics des internautes

 

Alban de Ménonville et Salem Massalha ont développé un concept totalement nouveau. Et c’est au Caire qu’ils ont décidé de le faire. Au sein de leur entreprise, Bassita, ils proposent le clickfunding. « L’idée est qu’un simple clic peut changer la société. Et c’est très adapté aux temps modernes : le clic d’un internaute prend peu de temps, pas d’argent, et crée un vrai impact », explique Alban de Ménonville. Les deux Français, installés en Égypte depuis une dizaine d’années, ont imaginé Bassita au moment de la révolution égyptienne de 2011. « Avec cet événement, nous avons réalisé la puissance des réseaux sociaux.

Le monde politique a changé grâce à eux. Il fallait alors trouver un moyen pour que l’utilisation des réseaux sociaux ait un impact positif concret », poursuit Alban de Ménonville.

En août 2014, avec un ami égyptien, ils créent Bassita, chaque fondateur amenant 600 euros. Le principe, c’est qu’un organisme a un projet, une cause à défendre, et se fixe un budget à atteindre. Bassita se charge alors de trouver des partenaires prêts à financer ce projet. Le deal, c’est que lorsque le projet a atteint un certain nombre de clics par des internautes, les partenaires s’engagent à débloquer les fonds. Pour cela, Bassita va organiser une campagne de communication sur les réseaux sociaux.

La dernière campagne était par exemple organisée avec l’Organisation internationale pour les migrations (OIM). Objectif : atteindre 100 000 points, qui équivalent à 100 000 livres égyptiennes (EGP) (11 000 euros). Celui-ci a été atteint, et l’OIM distribue en ce moment des coupons de 40 EGP à des migrants et des Égyptiens d’un quartier populaire du Caire, pour faciliter les contacts entre les deux communautés. « En cliquant, l’internaute finance une cause », résume Alban de Ménonville. Un « j’aime » sur Facebook peut valoir un point, un partage peut en valoir trois, etc. Avec le clickfunding, les dirigeants de Bassita offrent à leurs partenaires le moyen de révolutionner leur publicité. « Au lieu de présenter les marques par le biais de leurs produits, les marques sont présentées au travers de leurs actions positives », explique Alban de Ménonville. Et le concept séduit. Peu après sa création, Bassita remportait le concours égyptien Young Innovators Awards. Fin 2015, la start-up remportait le prix Orange 2015 de l’entrepreneur social en Afrique.

La prochaine campagne est d’ailleurs d’une toute autre échelle. « C’est la sixième, et elle porte sur 170 000 euros pour l’Unicef. L’objectif est de raccorder 1 000 foyers à l’eau courante. Parmi les partenaires prêts à financer, il y a SC Johnson, Raid, l’entreprise de BTP égyptienne Wadi Degla ou encore les VTC Careem », indique Alban de Ménonville.

Cinq personnes travaillent à plein temps chez Bassita, qui a réalisé en 2015 un chiffre d’affaires de 170 000 euros. Une croissance rapide basée sur un modèle simple : Bassita facture une somme fixe par campagne pour la production de contenu, et prend éventuellement une commission sur les sommes versées par les partenaires. Jusqu’à aujourd’hui, l’entreprise a réinvesti ses bénéfices et n’a pas reçu de financement extérieur.

« Nous travaillons désormais à la création d’une branche à Paris. Une fois n’est pas coutume, c’est un modèle du Sud qui s’exporte vers le Nord ! », relève Salem Massalha. Pour Alban de Ménonville, « le modèle du clickfunding s’adapte à tous les besoins. Alors que dans le Sud, nous aurons des projets plutôt humanitaires, dans le Nord cela concernera plutôt des projets ecofriendly. » Les deux fondateurs préparent une levée de fonds de 1 million d’euros et bénéficient du soutien d’Orange, grâce au prix qu’ils ont remporté. « Nous avons énormément d’idées, nous voulons améliorer notre modèle, explique Alban de Ménonville. Pour cela, nous avons besoin de fonds, qui nous permettront de développer le clickfunding à grande échelle. »

 

Neoen
Prendre le temps pour rayonner dans le solaire et l’éolien

 

Neoen n’en est qu’aux prémices de son implantation égyptienne. Cette entreprise française de développement de projets d’énergie éolienne et solaire a misé sur les ambitions égyptiennes dans ce domaine en répondant à un appel d’offres pour un projet en Haute Égypte. « Situé à Kom Ombo, l’ensemble du projet doit permettre de produire jusqu’à 200MW grâce à du photovoltaïque, décrit Virginie Moyrand, représentante de Neoen en Égypte. C’est pour la première fois que le gouvernement autorise les entreprises privées à investir. Il nous rachètera l’électricité produite. »

Neoen a été sélectionnée par le gouvernement début 2014. Aujourd’hui, le projet n’est toujours pas sorti de terre. Cela n’a pas découragé Virginie Moyrand. Début 2015, Neoen a été sélectionné par le gouvernement pour participer au projet Benban, d’une toute autre ampleur. Au total, il doit permettre de produire jusqu’à 1,8GW sur un site de 37 km². 39 entreprises ont manifesté leur intérêt, mais certaines pourraient ne pas aller au bout du processus.

« À Benban, nous prévoyons de produire 25MW. C’est un petit projet, mais cela représente un investissement de 50 millions de dollars, précise Virginie Moyrand. C’est un investissement important, et nous ne sommes pas sûrs que le projet aboutira. En Égypte, les temps de développement sont longs, il y a toujours ses incertitudes sur les financements. De plus c’est le premier projet de ce type en Égypte. En résumé, tout est compliqué ! », explique Virginie Moyrand.

La Française s’inquiète aussi des risques liés aux restrictions sur les devises étrangères, aux incertitudes sur les contrats avec le gouvernement ou encore à la situation sécuritaire. « Mais l’Égypte s’ouvre, et elle a un énorme potentiel ! » L’objectif du gouvernement égyptien est en effet de diversifier son mix énergétique et de produire de l’électricité issue d’énergies renouvelables à hauteur de 20 % en 2020. Il offre ainsi aux entreprises intéressées des tarifs de rachat particulièrement intéressants.
Pour Neoen, une PME de 100 employés basée à Paris, il fallait saisir cette opportunité, et cela passait par un ancrage local. « Le relationnel, le réseau sont extrêmement importants en Égypte Il faut les bonnes clefs d’entrée : consultants, agents, avocats… », argumente Virginie Moyrand. Elle a aussi recruté un Égyptien, « car au bout d’un moment, l’anglais ne suffit plus. »

Virginie Moyrand a mis à profit la communauté française, relativement réduite. « Il y a beaucoup d’entraide », estime-t-elle. Elle s’est installée dans les locaux de 155Factory, créée par la française Nadine Barbier, qui dirige Naos Marketing, pour accueillir des entreprises européennes. « Ça m’a aidé, car je ne voulais pas créer d’entreprise tout de suite. »

Pour le moment, Neoen a investi environ 900 000 euros en Égypte Outre Kom Ombo et Benban, l’entreprise s’est placée sur deux autres appels d’offres initiés en août, qui doivent être réalisés près de Minya en Moyenne Égypte. L’un concerne 250MW d’éolien et l’autre 250MW de solaire. « La visite des sites doit avoir lieu en mars, et l’étape suivante est censée être la publication de l’appel d’offres », indique Virginie Moyrand.

À terme, l’implantation égyptienne devrait avoir une vocation régionale. « En travaillant en Égypte, nous bénéficions d’une expérience à la fois d’un pays émergent, du Moyen-Orient, et du désert, explique Virginie Moyrand. C’est le pays qui possède, en outre, le plus gros potentiel de la région, donc il nous permettra de rayonner facilement. »

Rémy Pigaglio

 

5àsec
L’excellence à la française nettoie la concurrence

 

Installée depuis 2011 en Égypte, la franchise égyptienne de l’entreprise française 5àsec, leader mondial dans le domaine du nettoyage à sec, est déjà riche de 10 magasins dans le pays. Deux sont en construction et les dirigeants espèrent ouvrir 50 nouveaux points de vente d’ici 2020. « Lorsque nos clients arrivent dans nos magasins, ils ont l’impression de se retrouver en France, expose fièrement Mohammed Salah, directeur adjoint de la franchise en Égypte. C’est bien l’image de marque et le qualitatif qui attirent le consommateur ».

Les magasins se trouvent dans les quartiers huppés de la capitale et dans les grands centres commerciaux, temples de la « nouvelle consommation » pour de nombreux Égyptiens. Le pari pouvait sembler risqué. En Égypte, les petites échoppes de nettoyage et repassage se trouvent à tous les coins de rue, et pour 2 livres égyptiennes (25 centimes d’euros), votre chemise est nettoyée, repassée et livrée à votre domicile. Un service similaire est facturé 12 livres à 5àsec. « Les artisans de rue n’ont pas notre savoir-faire, ils lavent parfois à la main, utilise de mauvais produits. « De notre côté, nous traitons tous les vêtements différemment selon le type de fibre », rétorque Ahmed Rashad, le directeur. L’entreprise se démarque également par les nombreux services supplémentaires qu’elle propose, de la protection antimites au traitement waterproof. Ahmed Rashad fait pivoter son ordinateur pour montrer les photos des machines derniers cris, « des machines italiennes, des produits de nettoyage allemands, de la bureautique espagnole » précise-t-il.

« Nous visons une clientèle issue de la classe supérieure. Nos réels concurrents sont les hôtels de luxe, mais même eux nous envoient des clients », ajoute celui qui se rend tous les ans en France pour assister à des cycles de formation. « Le siège nous conseille dans tous les domaines : fournisseur, organisation du travail, marketing », assure-t-il tout sourire. Clients notables au Caire : les loueurs de robes de mariées, dans un pays où les mariages sont nombreux et fastueux. « Les robes sont constellées de petits accessoires, c’est très difficile à traiter sans faire de dégâts, là-dessus on a une réelle plus-value », indique Mohammed Salah.

Avec une croissance de plus de 20 % chaque année, le chiffre d’affaires s’élève à 700 000 euros en 2015, et devrait atteindre 1,2 million cette année. L’entreprise emploie près de 60 personnes. La naissance de la branche égyptienne a pourtant été douloureuse. « Nous avons signé le contrat de franchise en Suisse le 20 janvier 2011, vous connaissez la suite », raconte Rashad en faisant référence à la révolution du 25 janvier. « Des milliers d’expatriés ont quitté le pays, l’économie s’est écroulée. Encore aujourd’hui, nous subissons les effets de la crise ». Aujourd’hui, le principal problème pour 5àsec Égypte concerne le taux de change de la livre égyptienne, une monnaie qui s’est fortement dépréciée en perdant presque 30 % de sa valeur en 5 ans. « Nous nous fournissons pratiquement à 100 % en Europe, déplore Ahmed Rashad, nous sommes donc très pénalisés ». La PME espère toutefois devenir une grande entreprise d’ici 2020, le directeur confie avoir de nouvelles idées pour améliorer la productivité des magasins.

François Hume-Ferkatadji

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