Récemment devenu un pays à revenu intermédiaire, l’objectif du Vietnam est également d’être un pays industrialisé à l’horizon 2020. Les efforts en cours sont énormes, et même si la route paraît encore longue, de nombreuses opportunités sont à saisir pour les entreprises françaises dans les projets d’infrastructures et, de plus en plus, les biens du commerce courant.
Infrastructures : l’implication française passe par l’aide au développement
Le développement, la construction, et la mise à niveau des infrastructures continuent d’être le volet le plus visible des besoins vietnamiens. Dans le domaine des transports, de l’énergie ou encore de l’environnement, les demandes sont considérables, mais il n’est pas toujours évident de remporter les appels d’offres sur le marché public.
« Pour les grands groupes européens et français, c’est difficile d’accéder aux marchés publics vietnamiens, à la rénovation des routes, des infrastructures… Pour le moment aucune des grandes entreprises, comme Bouygues ou Vinci n’ont gagné des gros marchés significatifs au Vietnam », notre Nicolas Audier, avocat chez Audier&Partners et Conseiller du commerce extérieur de la France (CCEF).
La concurrence asiatique est en effet très rude dans le secteur, face à des conglomérats chinois, japonais ou coréens aux tarifs plus compétitifs. Parmi les projets les plus en vue en ce moment, ceux des métros de Hanoi et de Hô Chi Minh-Ville. Plusieurs appels d’offres n’ont pas encore été passés, notamment en ce qui concerne le matériel roulant. « Plusieurs entreprises françaises sont bien positionnées et en shortlist », confirme Aymeric Pons, directeur d’Erai au Vietnam, agence régionale qui aide les entreprises rhônalpines dans leur développement international. « Bouygues et Vinci candidatent également sur plusieurs lots concernant la construction de nouvelles lignes », ajoute Guillaume Crouzet, directeur de la Chambre de commerce et d’industrie française au Vietnam. Par ailleurs, la Compagnie nationale du Rhône est présente dans plusieurs projets d’infrastructures fluviales.
En fait, l’implication française dans les projets d’infrastructure passe la plupart du temps par l’aide au développement. L’Agence française de développement (AFD) y est très impliquée. Elle finance ainsi une partie de la construction de la ligne 3 du métro de Hanoi, à hauteur de 170 millions d’euros au total, dont 20 millions ont été décaissés pour le moment, pour un chantier qui a pris du retard.
« Au mieux, les Hanoiens pourront prendre le métro en 2018 », précise Rémi Genevey, directeur de l’AFD au Vietnam.
Toujours dans le secteur des transports, la modernisation et la réfection des 300 kilomètres de la ligne ferroviaire reliant Hanoi à Lao Cai, à la frontière chinoise, est une priorité de l’AFD. Le chantier devrait être mené à sa fin d’ici deux ans. L’agence finance également la construction d’un ouvrage de production d’énergie hydroélectrique à Huoi Quang, au nord ouest du Vietnam, à hauteur de 100 millions de dollars US. L’unité de production, équipée d’un barrage de 100 mètres de haut, aura une capacité totale de production de 520 mégawatts.
En aval, l’AFD s’occupe aussi du financement de projet de transmission de l’électricité. « Nous finançons par un prêt de 75 millions d’euros une ligne de transmission pour relier Pleiku (au centre du Vietnam) à Cau Bong (au sud) afin d’augmenter la puissance maximale transportée vers le sud du pays et particulièrement la ville d’Hô Chi Minh », explique Rémi Genevey. Le projet est d’importance pour le sud du pays, qui pâtit de fréquentes ruptures d’approvisionnement électrique.
Enfin, la création d’un centre hospitalier universitaire (CHU) à la française est à l’étude, dans le cadre d’un partenariat avec l’université médicale de Hanoi. Le nouvel hôpital viendrait en lien à un appui à l’amélioration de la pratique et de l’enseignement de la médecine dans un cadre voisin de ce qui est connu en France. Cela pourrait se traduire par un prêt de l’AFD, toujours à l’étude.
Biens de consommation : le marché commence à décoller
« L’enrichissement du pays, la montée du niveau de vie et du pouvoir d’achat qui y sont liées ont un fort impact sur la société vietnamienne », note Marc Cagnard, directeur d’Ubifrance Vietnam. « On travaille aujourd’hui avec des PME françaises qui viennent s’installer pour travailler dans les secteurs liés aux biens de consommation pour faire court, mais là-dedans on peut aussi inclure le secteur de la santé, les dispositifs et équipements médicaux, et le secteur de la cosmétique qui est lié ».
Le secteur de la grande distribution est en train de s’envoler. Même si la distribution traditionnelle et le petit commerce du coin de la rue restent extrêmement importants, on voit aujourd’hui se développer de nouvelles formes de distribution, beaucoup d’investissements sous forme de franchises, « avec de nouvelles enseignes, de nouvelles marques, dans la restauration bien sûr, mais aussi dans l’habillement. En fait, les gens qui venaient auparavant au Vietnam pour produire, pour aller chercher des coûts de production peu élevés, commencent à vendre ici même au Vietnam ».
Et puis d’autres axes de développement se renforcent : « il y a tout le secteur des technologies de l’information avec des sociétés qui travaillent pour le compte des opérateurs de téléphonie mobile afin de fournir du contenu numérique par exemple, c’est un volet important qui se développe », poursuit Marc Cagnard. « On voit aussi des gens qui viennent pour toucher le marché dans le secteur du jeu vidéo, pas seulement pour faire du développement mais aussi pour commercialiser ! ».
Le secteur de l’automobile est un bon exemple de cette évolution liée au parcours d’un pays récemment passé au statut de pays à revenu intermédiaire. « Le Vietnam est un des cinq plus gros marchés automobiles de l’Asean avec un potentiel important », affirme Lionel Faugères, directeur de Peugeot dans la zone Asean. La marque au lion vient de revenir dans le pays en s’associant avec le groupe vietnamien Thaco. Depuis un an, Peugeot assemble des véhicules au Vietnam dans l’usine du constructeur vietnamien, près de Danang. La Peugeot 408, une berline, est la seule assemblée pour le moment. La Peugeot 3008 le sera à la fin de l’année. Et l’offre est complétée par l’importation d’autres modèles, pour des prix compris entre 40 000 et 70 000 dollars USD.
Parallèlement, un réseau de concessions Peugeot est en cours de mise en place. Six ont ouvert leurs portes pour le moment, surtout à proximité de Hanoï et Hô Chi Minh. L’objectif est d’arriver à 15 – 20 concessions fin 2014. En se plaçant entre les constructeurs de très haut de gamme allemands (BMW, Mercedes) et les constructeurs japonais, Peugeot vise un créneau inoccupé et se place en « pionnier européen », estime Lionel Faugères. Les premiers véhicules seront livrés au mois de juin 2014, 500 ventes sont prévues pour 2014, et les objectifs à terme sont ambitieux. À l’horizon 2020, Peugeot vise une part de marché de l’ordre de 5 %. Dans les chiffres et selon les prévisions de marché, 300 000 véhicules au total seront vendus au Vietnam en 2020 sur le marché automobile. Peugeot voudrait réaliser 15 000 de ces ventes.
Agroalimentaire : plusieurs poids-lourds français sur les starting-blocks
L’industrie et l’agroalimentaire, en pleine expansion sont également des secteurs très en vogue. Pour le second, l’expertise française est unanimement reconnue, et le Vietnam a absolument besoin de moderniser l’ensemble de la filière, de la fourche à la fourchette. Les besoins sont urgents, car le décalage est réel entre une demande domestique en constante augmentation d’une part, et d’autre part le retard technologique et le manque général de rationalisation de l’ensemble du secteur.
Ubifrance, côté français, pointe du doigt plusieurs faiblesses : « traçabilité, chaîne du froid, mais aussi équipements de valorisation des cultures, de traitement et de stockage post-récolte restent peu développés ». Le secteur bouge, et plusieurs entreprises l’ont bien compris. Même si elles ne sont pas encore prêtes à communiquer, plusieurs poids lourds français vont prochainement investir dans le secteur, et rejoindre ainsi Invivo, un des pionniers français sur place. Si un chiffre devait donner une idée des changements en cours, ce serait peut-être celui-là : selon la FAO (Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture), la production vietnamienne devrait doubler dans les 40 prochaines années pour répondre à la demande locale.
Jean-Jacques Héry