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Le retour de la croissance et les projets d’accords de libre-échange aiguisent l’intérêt des entreprises

Après quelques soubresauts économiques et un ralentissement de la croissance qui a pu inquiéter les investisseurs potentiels, les nuages qui assombrissaient les perspectives du Vietnam semblent aujourd’hui moins épais, d’autant plus que le pays s’apprête à signer plusieurs accords de libre-échange majeurs. Aux entreprises françaises de saisir l’occasion, alors que les relations franco-vietnamiennes sont au beau fixe.

Le Vietnam est-il en train de renouer avec des taux de croissance plus adaptés à ses besoins de développement ? La question se pose après son parcours récent. Si sur les deux dernières décennies, ce pays a réalisé la troisième meilleure performance d’Asie, ces trois dernières années ont été marquées par un gros passage à vide. En cause : pour lutter contre une inflation record montée jusqu’à 23 % en août 2011 et le creusement du déficit commercial, les autorités vietnamiennes se sont résolues à prendre des mesures d’ajustement drastiques. Le plan de stabilité décidé en 2011 a mis fin à la surchauffe, notamment en resserrant la politique de crédit. Mais, revers de la médaille, la croissance est tombée à 5,03 % en 2012, son plus mauvais chiffre en treize ans. Le bout du tunnel est-il atteint ? La remontée à 5,4 % enregistrée en 2013 incite à l’optimisme.

Car dans un pays qui a vu son PIB multiplié par cinq en un peu plus de dix ans (de 35 milliards de dollars US en 2002 à 170 en 2013), le ralentissement de la croissance avait durement touché le moral de la population, atteint dans sa vie quotidienne, mais également celui des investisseurs.

« Ce qui est certain c’est qu’on a touché le fond fin 2013 et que pour 2014, on est sur une pente à nouveau ascendante. Mais quand on dit « touché le fond », c’est quand même avec 5,4 % de croissance donc c’est à prendre avec un peu de recul », relativise Marc Cagnard, directeur d’Ubifrance Vietnam. « L’économie est sur des bases un peu plus saines, avec une inflation raisonnable, et ça devrait permettre au Vietnam de repartir sur des rythmes de croissance plus élevés ces prochaines années. Les perspectives sont encourageantes pour les investissements étrangers », considère pour sa part Guillaume Crouzet, directeur de la Chambre de commerce et d’industrie française au Vietnam (CCIFV).

Le retour à une croissance encore plus vive semble donc acquis, faisant du pays un des marchés les plus attractifs du moment dans la zone. Même si, côté business, tout est encore loin d’être rose. La corruption et les arrangements peu transparents font encore partie du jeu commercial, et les banques n’ont pas encore réglé le gros problème des prêts non-performants, pour la plupart détenus par des entreprises publiques critiquées pour leur gestion opaque et inefficace. L’ouverture de leur capital est d’ailleurs l’un des principaux enjeux économiques vietnamiens de ces prochaines années, dans le cadre des privatisations.

Mais pour la France, le pari vietnamien est resté un enjeu majeur. C’est en effet dans ce contexte que la France et le Vietnam ont signé le 26 septembre dernier un accord de partenariat stratégique, à l’occasion de la visite du Premier ministre vietnamien Nguyen Tan Dung à Paris. La signature faisait suite à plusieurs réunions et rencontres de rapprochement entre les deux parties. En avril 2013, la ministre du Commerce extérieur de l’époque Nicole Bricq s’était rendue au Vietnam dans le cadre du lancement de l’année France-Vietnam. La manifestation marquait le quarantième anniversaire de l’établissement des relations diplomatiques entre les deux pays. Elle avait été imitée quelques semaines plus tard, en août, par Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères devenu, depuis, également en charge du développement international, incluant le commerce extérieur.

Pour Paris, il est clair que le Vietnam est une priorité, et que le gouvernement considère que les relations économiques entre les deux pays ne sont pas à la hauteur des liens historiques qui les unissent. Les objectifs français sont d’ailleurs clairement affichés : doubler les parts de marché françaises au Vietnam, et rééquilibrer une balance commerciale structurellement déficitaire (voir dans la suite du dossier).

En marge de la signature de l’accord par Nguyen Tan Dung et Jean-Marc Ayrault, l’annonce de la commande d’une centaine d’Airbus (62 fermes et 30 options) par la compagnie low-cost vietnamienne Viet Jet Air, pour un montant de plus de 6 milliards de dollars, a permis de donner un peu plus de consistance à la réalité et à l’efficience de l’accord. La banque d’État du Vietnam et l’Autorité de contrôle prudentiel français ont également signé un accord permettant à BNP Paribas d’ouvrir une succursale dans la capitale vietnamienne, Hanoi.
Reste que ce nouvel élan politique donné à la relation bilatérale tarde à faire émerger de nouveaux grands projets. Et depuis, sur le terrain, les choses ont peu changé. « Ca n’a pas encore eu d’effet direct sur les investissements français au Vietnam », confirme Nicolas Audier. « C‘est encore un peu tôt, surtout si on parle de gros contrats », nuance Marc Cagnard.

La reprise économique et la volonté politique française pourraient cependant changer la donne. Les couloirs de l’Ambassade de France à Hanoi bruissent de la rumeur d’une prochaine visite de François Hollande. « Cela peut donner un coup de pouce, reconnaît Nicolas Audier, qui vit au Vietnam depuis plus de vingt ans. C‘est vrai qu’une visite présidentielle a toujours un effet catalyseur sur les projets d’investissements étrangers au Vietnam ». Les atouts du pays n’ont en effet pas disparu avec la crise économique. La stabilité politique, l’émergence d’une classe moyenne, le dynamisme démographique, la jeunesse d’une population avide de consommer, son urbanisation, et enfin sa localisation au cœur de la zone Asean (Association des nations d’Asie du sud-est) font du Vietnam un marché prometteur pour les investisseurs.

Mais si les IDE français tardent encore à en prendre le chemin, c’est aussi en partie parce que beaucoup d’entreprises intéressées se placent en position d’attente en raison de la signature, annoncée comme prochaine, de plusieurs accords de libre-échange : avec l’Union européenne (espérée pour l’automne 2014), avec la zone Asie-Pacifique (TPP : Trans-Pacific Partnership) en 2015. Et, dès cette année, doit avoir lieu la création d’un vrai marché unique, sans barrières douanières, au sein de l’Asean.

Ce dernier accord est, à cet égard, jugé comme un défi qui va très vite se poser aux autorités vietnamiennes. Car si le Vietnam est réputé pour sa baie d’Ha Long, il l’est aussi pour ses tracasseries administratives et les contours changeant des normes législatives. Avec l’accord de libre-échange au sein de l’Asean, un éventuel investisseur français va se poser la question de la localisation la plus avantageuse de sa filiale, le marché vietnamien devenant accessible très facilement depuis le Cambodge ou Singapour. Une fois le marché unique de l’Asean en vigueur, un produit fabriqué dans une usine d’un des pays membre pourra en effet être exportable sans droits de douane dans n’importe quel autre pays.

« Ça aura forcément un impact sur le Vietnam, insiste Nicolas Audier. C’est un message que je fais passer à mes interlocuteurs vietnamiens : attention ! Si votre système de droit n’est pas plus sympathique avec les investisseurs étrangers, un bon nombre d’entre eux va partir en Thaïlande, où c’est beaucoup plus facile de s’installer. Alors qu’ici la réglementation sur les visas s’est durcie, celle sur les permis de travail aussi. Je trouve ça dommage que tout cela bloque les investissements étrangers ici ». Par ailleurs, bon nombre de conflits juridiques empoisonnent la vie d’investisseurs installés au Vietnam. Et même lorsqu’une juridiction ou qu’une cour d’arbitrage internationale reconnaît les droits de l’investisseur et lui donne raison, il est souvent difficile voire même impossible de faire appliquer la décision sur le sol vietnamien.

Ces problèmes, bien réels, entrent en ligne de compte dans la décision des entreprises, notamment des PME, et peuvent les décourager, malgré les opportunités importantes et concrètes dans le secteur des infrastructures (transport, énergie, environnement), de la distribution, de la santé ou encore de l’agroalimentaire et des biens de consommation. La concurrence asiatique, féroce, des investisseurs japonais, coréens et chinois, présents depuis plus longtemps et très au courant de la culture business vietnamienne, peut également faire peur à un investisseur français. Mais en attendant, le Vietnam, lui, table sur un taux de croissance de 6 % de croissance en 2014. Et c’est peut-être maintenant qu’il vaut mieux s’y positionner !

Jean-Jacques Héry

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