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Serbie, un futur hub aux portes de l’Union européenne

La Serbie est entrée le 21 janvier 2014, dans un processus d’adhésion à l’Union européenne entamé deux ans auparavant. Une occasion de faire un focus sur ce petit pays des Balkans quelque peu négligé par les entreprises françaises, alors qu’il a vocation à devenir un hub commercial et industriel dans cette zone.

Sanja Ivanic veut croire que les entreprises françaises se réveillent : « Depuis novembre, on sent un regain de demandes de renseignements ». Car la directrice générale de la jeune Chambre de commerce et d’industrie française en Serbie (CCIFS), en poste depuis 2010, ne cache pas qu’elle a du mal à vendre la Serbie en France. « C’est un pays mal connu, qui a une mauvaise image : systématiquement, lors des journées pays dans les régions françaises, c’est la Serbie qui obtient le moins de rendez-vous, comparée à des pays comme la Roumanie », déplore-t-elle. Admise à l’Uccife (Union des CCI françaises à l’étranger) en 2009, la chambre compte 130 membres, dont 90 entreprises, mais elle voit peu de nouvelles sociétés arriver.

Plusieurs grands noms de la finance tricolore y sont présents dont Société générale, BNP Paribas, Crédit Agricole et Axa. Mais aussi des industriels qui possèdent des sites de production : Michelin, Lafarge, Bongrain, Limagrain, Soufflet, Lactalis, Le Bélier, Mécaplast, Lohr, Streit Jucit, Baticoq, Descours. Et des enseignes de la grande distribution : Intermarché, M. Bricolage. Mais l’effectif ne bouge guère. « Les Français sont plus précautionneux que les Italiens et les Allemands » constate Sanja Ivanic. Au total, en stock, les investissements directs français en Serbie, dont une partie importante effectuée au tournant des années 2000, totalisent 892 millions d’euros, ce qui situe l’hexagone au 10e rang, derrière l’Allemagne, l’Italie et l’Autriche.

Pourtant la guerre est loin, le pays a choisi la voie de l’apaisement à propos du Kosovo – même s’il ne reconnaît pas encore son indépendance –, et il s’est engagé dans un processus d’adhésion à l’Union européenne : après avoir obtenu le statut de candidat en mars 2012, il vient d’obtenir, le 21 janvier 2014, l’ouverture officielle des négociations d’adhésion. Et en attendant, les relations avec l’UE sont régies par un accord de stabilisation et d’association (ratifié par la France en 2011) qui fournit un cadre d’échanges sécurisés et une élimination de la plupart des droits de douane.

Au plan politique, les conservateurs du parti au pouvoir SNS (Parti serbe du progrès), menés par l’ancien vice-premier ministre Aleksandar Vucic, pro-européen, sont arrivés en tête des élections législatives anticipées, le 16 mars, ce qui devrait leur donner les coudées franches pour former une coalition capable de s’attaquer aux trois gros défis qui se posent au pays : relancer la croissance dans un pays qui connaît un taux de chômage record, assainir les finances publiques, plombées par une dette estimée à 66,6 % du PIB en 2013 – ce qui passera par des réformes douloureuses dans le secteur public – et poursuivre à marche forcée les réformes qui doivent le hisser aux standards européens dans tous les domaines.
Fait méconnu en France, les Serbes sont profondément francophiles, un héritage des alliances remontant à la première et à la seconde guerre mondiale, même s’il a pu être écorné par le soutien de la France au camp occidental (ONU, Otan) au moment de la guerre qui a suivi l’éclatement de l’ex. Yougoslavie et de l’indépendance du Kosovo. Le « Monument pour la France », statue érigée en 1930 en hommage à l’aide apportée à l’armée serbe lors de la grande guerre, trône toujours à l’entrée du parc de Kalemegdan à Belgrade.

« On arrive avec un avantage certain », souligne Agnès Delaunay, qui a vécu en Russie puis travaillé en Roumanie avant de poser ses bagages en Serbie. Parlant couramment le russe et le serbe, elle y a monté avec une associée une société de conseil aux entreprises désireuses de s’implanter, BC4S, ciblant les sociétés françaises. Pour elle, les Serbes sont un mixte entre la culture slave et la culture méditerranéenne, et sont plus proches des Français que des Russes. Comme Sanja Ivanic, elle sent un frémissement côté français, mais il n’est pas à la hauteur du potentiel. « Il y a un intérêt qu’il faut réveiller en France. Car le dynamisme de l’Italie ou de l’Allemagne ici est incroyable » souligne-t-elle.

Emblématique de la présence italienne, Fiat, qui a racheté en 2008 la société publique Zastava Automobili. Depuis, le constructeur italien a fait de la Serbie la plateforme européenne pour la production de son nouveau modèle Fiat 500L, exporté dans toute l’Europe. Mais les Italiens ou les Allemands ne sont pas les seuls à avoir misé sur ce pays : l’an dernier, la compagnie émirati Etihad a racheté 49 % de la compagnie aérienne nationale JAT, devenue Air Serbia. Un accord de gouvernement à gouvernement après une vaine tentative de privatisation. Depuis, l’intérêt des Émirats arabes unis pour le pays ne se dément pas : Eagle Hills, une société émirati, a récemment présenté à Dubai la maquette du projet de construction d’un énorme complexe immobilier moderne à Belgrade, « Belgrade sur l’eau », sur près de 90 ha, au bord de la Save, un affluent du Danube, qui traversent également la capitale. Un investissement de 3 à 8 milliards de dollars sur lequel le gouvernement compte pour relancer la croissance.

Que peut bien offrir ce petit pays enclavé de 7,2 millions d’habitants, dont la situation économique, reste fragile avec un taux de croissance modeste (2 % prévus cette année, après 1,6 % en 2012), un taux de chômage élevé (estimé à 25 %) et une inflation qui demeure forte (5 % attendus cette année, après près de 8,5 % en 2013).
La Serbie, pays en transition, mais situé au carrefour de l’Europe centrale et orientale, a plusieurs atouts. D’abord ses richesses agricoles – 83 % de terres cultivables, 65 % déjà plantées – en font un acteur de premier plan dans l’exportation du maïs (5e européen) et des fruits et légumes : le pays est ainsi le 1er exportateur mondial de framboises !

Sa population est éduquée et sa main-d’œuvre est formée. Dans un contexte marqué par la libéralisation progressive de l’économie, outre l’industrie, qui semble décoller dans l’automobile et l’agroalimentaire, le secteur des nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) est en plein boom, boosté par les incitations fiscales et financières du gouvernement et soutenu par l’UE. Quelques 1 700 sociétés opérant dans les nouvelles technologies, dont de nombreuses sociétés étrangères, sont aujourd’hui installées en Serbie, où Microsoft a implanté un centre de R&D. Bien que les coûts du travail soient en augmentation, le salaire moyen net reste parmi les plus bas d’Europe : 388 euros en 2013, selon la CCIFS.

Outre son potentiel productif, le pays offre aussi l’avantage d’être un carrefour, au cœur des Balkans. Cela vaut pour les infrastructures de communications – le corridor européen n° 10 (qui relie Salzburg à Thessalonique en passant par Belgrade) le traverse et fait l’objet de gros investissements routiers et ferroviaires – mais aussi pour les accords commerciaux. Membre de l’accord de libre-échange centre-européen CEFTA (Central European Free Trade Agreement), qui lie encore la Serbie à ses voisins non membres de l’UE (Albanie, Bosnie-Herzégovine, Macédoine, Moldavie, Monténégro, Kosovo sous administration de l’ONU), elle est aussi le seul pays au monde à avoir un accord de libre-échange avec la Russie, ce qui en fait un tremplin commercial pour ce pays réputé difficile d’accès : la Russie est son 3e fournisseur et son 4e client. Ses exportations y sont en fortes expansion, approchant 800 millions d’euros.

Le programme de privatisation devrait reprendre après la formation du nouveau gouvernement, attendu pour début mai : les gros dossiers concernent les télécommunications avec Telekom Srbya, l’industrie pharmaceutique avec Galenika et l’acier avec Zelezara Smederevo, toutes des sociétés déficitaires qui nécessiteront des restructurations pour espérer attirer des investisseurs. Le pays compte encore 175 sociétés publiques, la plupart nécessitant des restructurations, dont 25 pourraient être privatisées.

Mais la Serbie devrait continuer à bénéficier du soutien des institutions financières internationales, en premier lieu de l’Europe. Depuis 2001, Bruxelles a injecté quelque 2,6 milliards d’euros en Serbie au titre du programme de pré-adhésion. Ce montant inclut un programme de 178,7 millions d’euros au titre de l’instrument d’aide de pré-adhésion (IAP, IPA pour le sigle anglais) adopté en décembre 2013. Il doit soutenir les efforts du pays pour mener des réformes en matière d’état de droit, d’administration publique, de développement du secteur privé, de transports, d’environnement, d’énergie et d’agriculture. De son côté, la BERD (Banque pour la reconstruction et le développement), continue à investir dans des projets d’infrastructures et d’énergie et le développement du secteur privé : avec près de 300 millions d’euros injectés l’an dernier, la BERD affiche un portefeuille de 176 projets en Serbie pour un montant cumulé de 3,5 milliards d’euros, dont 44 % dans le privé.

La Serbie est sans doute à la croisée des chemins, mais c’est sans aucun doute le moment de s’y intéresser davantage.

Christine Gilguy

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