Directives CRSD et CS3D, Mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF), taxonomie… La Commission européenne a présenté le 27 février le très attendu paquet de mesures de simplification d’un certain nombre de législations concernant la durabilité et les investissements, dits « omnibus ». Visant à alléger le fardeau administratif pesant sur les entreprises, notamment les PME et les petites ETI, elle marque aussi un net recul des exigences en matière de durabilité. Ces propositions doivent toutefois encore être adoptées par le Conseil et le Parlement européens avant de pouvoir être mises en vigueur. Revue de détail.
« Simplification promise, simplification livrée ! » s’est félicité Ursula van der Leyen lors de la présentation du paquet législatif « omnibus » visant à alléger drastiquement les contraintes administratives et réglementaires pesant sur les entreprises. « Les entreprises de l’UE bénéficieront de règles simplifiées en matière de reporting en matière de finance durable, de devoir de vigilance en matière de durabilité et de taxonomie, a argumenté la présidente de la Commission européenne. Cela facilitera la vie de nos entreprises tout en nous assurant de rester fermement sur la voie de nos objectifs de décarbonation. Et d’autres simplifications sont en route ».
Face à la concurrence internationale accrue qui met à mal ses objectifs de réindustrialisation, notamment en provenance de Chine, mais aussi des États-Unis de Donald Trump qui semblent décidés à faire cavalier seul et à capter les investissements européens, la Commission européenne, pressée par les États-membres, a donc décidé de mettre en pause tout un pan du processus de transition vers une économie durable. « Il s’agit d’une étape importante dans la création d’un environnement commercial plus favorable pour aider les entreprises de l’UE à croître, à innover et à créer des emplois de qualité » justifie encore le communiqué de la Commission.
Celle-ci s’est en l’occurrence fixé pour objectif de réduire d’au moins 25 % les charges administratives et d’au moins 35 % pour les PME et petites ETI (moins de 1000 salariés et moins de 50 millions d’euros de chiffre d’affaires) d’ici la fin de ce mandat. Comme on s’y attendait, les premiers paquets « omnibus », qui rassemblent des propositions dans un certain nombre de domaines législatifs connexes, couvrent ainsi une simplification de grande envergure dans les domaines du reporting sur la finance durable, du devoir de vigilance en matière de durabilité, de la taxonomie de l’UE, du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières et des programmes d’investissement européens.
« Ces propositions réduiront la complexité des exigences de l’UE pour toutes les entreprises, notamment les PME et les petites entreprises de taille intermédiaire (ETI) » estime la Commission, et elle « concentreront notre cadre réglementaire sur les plus grandes entreprises susceptibles d’avoir un impact plus important sur le climat et l’environnement ». La Commission estime qu’elles permettront au final de réaliser des économies totales d’environ 6,3 milliards d’euros en termes de coûts administratifs annuels et de mobiliser une capacité d ‘investissement publique et privée supplémentaire de 50 milliards d’euros pour soutenir les priorités stratégiques.
Voici les principales mesures par grand chapitre.
1/-Rendre les rapports sur le développement durable plus accessibles et plus efficaces
Plus précisément, les principaux changements dans le domaine de la publication d’informations sur le développement durable (CSRD et taxonomie de l’UE) seront les suivants :
- Retirer environ 80 % des entreprises du champ d’application de la CSRD, en concentrant les obligations de reporting sur le développement durable sur les plus grandes entreprises qui sont les plus susceptibles d’avoir les plus grands impacts sur les personnes et l’environnement ;
- Veiller à ce que les obligations d’information en matière de durabilité imposées aux grandes entreprises ne pèsent pas sur les petites entreprises dans leurs chaînes de valeur ;
- Reporter de deux ans (jusqu’en 2028) les obligations de reporting pour les entreprises actuellement dans le champ d’application de la CSRD et qui sont tenues de déclarer à partir de 2026 ou 2027.
- Réduire la charge des obligations de déclaration de la taxonomie de l’UE et la limiter aux plus grandes entreprises (correspondant au champ d’application de la CSDDD), tout en conservant la possibilité de déclarer volontairement pour les autres grandes entreprises dans le champ d’application futur de la CSRD. Cela devrait permettre aux petites entreprises de réaliser d’importantes économies, tout en permettant aux entreprises qui souhaitent accéder à un financement durable de continuer à produire des rapports.
- Introduire la possibilité de rendre compte des activités qui sont partiellement alignées sur la taxonomie de l’UE, en favorisant une transition environnementale progressive des activités au fil du temps, conformément à l’objectif d’intensifier le financement de la transition pour aider les entreprises sur la voie de la durabilité.
- Introduire un seuil de matérialité financière pour le reporting sur la taxonomie et réduire les modèles de reporting d’environ 70 %.
- Introduire des simplifications aux critères les plus complexes de « ne pas causer de dommages significatifs » (DNSH) pour la prévention et le contrôle de la pollution liée à l’utilisation et à la présence de produits chimiques qui s’appliquent horizontalement à tous les secteurs économiques en vertu de la taxonomie de l’UE – en tant que première étape dans la révision et la simplification de tous ces critères DNSH.
- Ajuster, entre autres, le principal indicateur clé de performance des banques basé sur la taxonomie, le Green Asset Ratio (GAR). Les banques pourront exclure du dénominateur des GAR les expositions qui concernent des entreprises qui ne relèvent pas du champ futur de la CSRD (c’est-à-dire les entreprises de moins de 1000 salariés et de 50 Millions d’euros de chiffre d’affaires).
2/-Simplifier le contrôle CS3D pour soutenir des pratiques commerciales responsables
Les principaux changements dans le domaine du devoir de vigilance (CS3D) en matière de durabilité seront les suivants :
- Simplifier les exigences de devoir de vigilance en matière de durabilité afin que les entreprises concernées évitent des complexités et des coûts inutiles, par exemple en concentrant systématiquement les exigences de diligence raisonnable sur les partenaires commerciaux directs ; et en réduisant la fréquence des évaluations périodiques et du suivi de leurs partenaires d’un an à cinq ans, avec des évaluations ad hoc si nécessaire.
- Réduire les charges et les effets de ruissellement pour les PME et les petites ETI en limitant la quantité d’informations qui peuvent être demandées dans le cadre de la cartographie de la chaîne de valeur par les grandes entreprises ;
- Renforcer encore l’harmonisation des exigences en matière de devoir de diligence afin de garantir des conditions de concurrence équitables dans l’ensemble de l’UE ;
- Supprimer les conditions de responsabilité civile de l’UE tout en préservant le droit des victimes à une indemnisation intégrale pour les dommages causés par le non-respect et en protégeant les entreprises contre les surindemnisations, dans le cadre des régimes de responsabilité civile des États membres ;
- Donner aux entreprises plus de temps pour se préparer à se conformer aux nouvelles exigences en reportant d’un an (au 26 juillet 2028) l’application des obligations de vigilance en matière de durabilité pour les plus grandes entreprises, tout en avançant d’un an (jusqu’en juillet 2026) l’adoption des lignes directrices.
3/-Simplifier le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF)
Les principaux changements apportés au MACF seront les suivants :
- Exempter les petits importateurs des obligations du MACF, principalement les PME et les particuliers. Il s’agit d’importateurs qui importent de petites quantités de biens MACF, représentant de très faibles quantités d’émissions intrinsèques entrant dans l’Union en provenance de pays tiers. Cela fonctionne en introduisant un nouveau seuil annuel cumulatif de 50 tonnes par importateur, éliminant ainsi les obligations du MACF pour environ 182 000 opérateurs ou 90 % des importateurs, principalement des PME, tout en couvrant plus de 99 % des émissions dans le champ d’application.
- Simplifier les règles pour les entreprises qui restent dans le champ d’application du MACF : sur l’autorisation des déclarants du MACF, ainsi que les règles relatives aux obligations du MACF, y compris le calcul des émissions intrinsèques et les exigences de déclaration.
- Rendre le MACF plus efficace à long terme, en renforçant les règles pour éviter les contournements et les abus.
Cette simplification précède, précise la Commission, une future extension du MACF à d’autres secteurs du SEQE, le marché du carbone européen (ou systèmes d’échange de quotas d’émissions), des marchandises en aval, suivie d’une nouvelle proposition législative sur l’extension du champ d’application du MACF au début de 2026.
4/-Débloquer des opportunités d’investissement
La Commission propose également une série d’amendements visant à simplifier et à optimiser l’utilisation de plusieurs programmes d’investissement, notamment InvestEU, EFSI et les instruments financiers existants.
InvestEU, notamment, est le plus grand instrument de partage des risques de l’UE pour soutenir les investissements prioritaires au sein de l’Union, joue un rôle clé dans l’élimination des obstacles financiers et l’incitation aux investissements nécessaires à la compétitivité, à la recherche et à l’innovation, à la décarbonation, à la durabilité environnementale et aux compétences. Actuellement, près de 45 % de ses opérations soutiennent des objectifs climatiques.
Les modifications proposées sont les suivantes :
- Accroître la capacité d’investissement de l’UE en utilisant les rendements des investissements antérieurs, ainsi qu’en optimisant l’utilisation des fonds encore disponibles au titre des instruments existants, ce qui permet aux entreprises de disposer de davantage de financements. Cela devrait permettre de mobiliser environ 50 milliards d’euros d’investissements publics et privés supplémentaires. La capacité accrue d’InvestEU sera principalement utilisée pour financer des activités plus innovantes à l’appui de politiques prioritaires, telles que la boussole de compétitivité et le pacte pour une industrie propre.
- Faciliter la contribution des États membres au programme, le soutien à leurs propres entreprises et la mobilisation d’investissements privés.
- Simplifier les exigences administratives pour les partenaires chargés de la mise en œuvre, les intermédiaires financiers et les bénéficiaires finaux, notamment les PME. Les mesures de simplification proposées devraient générer 350 millions d’euros d’économies.
Pour les prochaines étapes, les propositions législatives présentées par la Commission le 26 février vont maintenant être soumises au Parlement européen et au Conseil pour examen et adoption. Les modifications relatives à la CSRD, à la C3D et au MACF n’entreront en vigueur qu’une fois que les colégislateurs seront parvenus à un accord sur les propositions et après leur publication au Journal officiel de l’UE. Le projet d’acte délégué modifiant les actes délégués actuels au titre du règlement sur la taxonomie sera quant à lui adopté après les commentaires du public et s’appliquera à la fin de la période d’examen par le Parlement européen et le Conseil.
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