Quatre sujets « chauds » sont au menu du conseil Commerce de l’Union européenne de ce jeudi 24 mai à Bruxelles : les relations UE- États-Unis et UE-Chine, l’état d’avancement des accords commerciaux et la réforme de l’OMC. Sur chacun de ces sujets, la France défend sont tryptique « ouverture », « équilibre », « réciprocité ».
« Ce n’est pas une mini révolution, c’est une révolution » avait lancé Olivier Becht aux députés de la Commission des Affaires étrangères le 17 mai, lors d’une audition en amont de la prochaine réunion du Conseil des Affaires étrangères en « format commerce », auquel le ministre délégué auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères en charge du Commerce extérieur, de l’attractivité et des Français de l’étranger, doit participer ce 24 mai.
Il venait de rappeler la nouvelle stratégie commerciale européenne qui se construit depuis quelques années, ayant mis fin à la « naïveté » consistant à ouvrir son marché à tout va sans exiger de ses partenaires ni la même ouverture ni d’appliquer les mêmes règles en matière de normes sociales et environnementales.
Fermeté sur les exigences dans l’accord avec le Mercosur
La même fermeté est affichée dans la position française concernant le projet d’accord commercial avec le Mercosur, formellement bouclé en 2019 par la Commission après 20 de négociation, mais jamais adopté depuis. Plusieurs gouvernements, dont celui de la France, sont réservés et il est le sujet de nombreuses critiques de la part des organisations d’agriculteurs et d’éleveurs ainsi que d’ONG de défense de l’environnement. Il figure au menu du Conseil commerce du 24 mai à Bruxelles.
« Nous avons des exigences extrêmement claires et simples » a rappelé Olivier Becht devant les députés : que l’accord final soit révisé pour intégrer comme « clause essentielle » le respect de l’accord de Paris sur le climat, la lutte contre la déforestation, des mesures miroirs dans le domaine des règles sanitaires et environnementales appliquées par les producteurs agricoles, et enfin un mécanisme de sanction permettant de suspendre l’accord en cas de non-respect de ses clauses.
A la veille de la réunion des ministres européens du Commerce à Bruxelles, de source diplomatique française, nul ne savait si les négociateurs du Mercosur avaient avancé sur ces sujets, ni dans un sens, ni dans l’autre.
En revanche, un autre accord commercial devrait progresser plus vite : celui avec l’Australie. Depuis la réconciliation scellée entre Paris et Canberra l’été dernier après la rupture provoquée par l’affaire Aukus, suivie d’une visite d’Olivier Becht en septembre, plus aucun obstacle politique ne se dresse. Les ministres européens du Commerce attendent de la Commission des nouvelles positives sur ce dossier, après les accords commerciaux déjà scellés avec la Nouvelle Zélande et le Chili.
Relations avec les États-Unis et la Chine
Autre gros sujet au menu du Conseil commerce, la relation avec les États-Unis. Deux sujets devraient faire l’objet d’échange avec la Commission : le bilan du dialogue mené dans le cadre du Conseil commerce et technologie UE-États-Unis, qui doit tenir sa prochaine réunion la semaine prochaine, avec la question du protectionnisme de l’Inflation Réduction Act (IRA), et la fin des contentieux commerciaux, sur l’aéronautique et l’acier et l’aluminium. Pour ce dernier, il y a urgence car le régime de suspension des surtaxes instauré par l’administration Biden doit prendre fin dans quelques semaines.
Concernant l’IRA, le terrain est moins miné depuis que l’Union européenne a décidé de mettre en place un dispositif similaire avec sont plan de soutien à l’industrie verte présenté en février dernier, et dont le plan français et son projet de Loi adopté le 17 mai en conseil des ministres est une déclinaison.
De source diplomatique française, on considère même que « l’UE fait mieux que les Américains » si l’on cumule les dispositifs européens (plan industrie verte, stratégie net zéro, matières premières critiques…) et les plans nationaux : « on arrive à plus de 500 milliards d’euros », souligne-t-on, contre 369 milliards de dollars pour l’IRA. Le nouvel enjeu, notamment dans le cadre du CCT, sera plutôt de faire en sorte que la transparence sur les subventions soit assurée de part et d’autre de l’Atlantique, et que les fonds soient déployés avec « une vision stratégique ».
Avec la Chine, à la fois compétiteur, partenaire et rival systémique, pour reprendre les expressions de la Commission européenne, le jeu est plus compliqué pour l’UE. La France pour sa part défend une position reposant la fermeté dans la volonté de rétablir « l’équilibre » et la « réciprocité » dans les échanges tout en maintenant un dialogue positif et l’ouverture avec Pékin. « En matière de commerce et d’investissement, la Chine est très ouverte à la sortie, mais très peu à l’entrée » rappelle-t-on de source diplomatique française.
Dernier sujet au menu du conseil Commerce : la réforme de l’OMC. Il s’agira surtout de faire un point d’étape alors que la prochaine réunion ministérielle est prévue à Abu Dhabi en février 2024. Deux grands dossiers sont sur la table : la réforme de l’organe de règlement des différends, dont le fonctionnement est toujours bloqué par les États-Unis, et la capacité de l’OMC a mobiliser ses membres pour faire avancer les négociations de nouveaux traités sur différents sujets tels que le numérique, les subventions, le développement durable ou encore la phase 2 des négociations sur la pêche.
Christine Gilguy