« L’Europe est ouverte mais pas offerte », ont rappelé les eurodéputés dans une résolution adoptée le 26 octobre, lors d’une plénière à Strasbourg. Le texte compile les recommandations du Parlement européen (PE) en vue du lancement prochain des négociations commerciales avec l’Australie et la Nouvelle-Zélande pour un accord de libre-échange. Destinés à accroître les échanges de biens et de services, ainsi que les flux commerciaux et d’investissements, ces futurs pactes bilatéraux devront intégrer un certain nombre de priorités et de garde fous.
Principal objectif identifié par les élus européens : l’ouverture des marchés publics, afin « d’offrir de nouvelles opportunités en termes d’obtention de contrats avec les autorités », a insisté Daniel Caspary (Allemagne, PPE), rapporteur pour les mandats de négociation avec les deux pays de la zone Pacifique. Les PME devront aussi faire l’objet d’un traitement différencié via l’inclusion, dans le futur pacte, d’un chapitre dédié.
Et pour répondre aux préoccupations d’une portion croissante des citoyens de l’UE, la résolution souligne la nécessité d’exclure toute disposition susceptible « d’empêcher les gouvernements de légiférer afin de protéger la santé, la sécurité ou l’environnement ou les obliger à privatiser des services publics ». Le document insiste aussi pour que le « haut niveau de protection des consommateurs de l’UE » ne soit pas menacé lors de la mise en œuvre des futurs accords.
La sauvegarde de l’agriculture européenne
Les principales recommandations de la commission Agriculture (AGRI) du PE, rendues début octobre, ont également été intégrées dans la résolution adoptée en plénière la semaine passée. « Certains produits agricoles nécessitent un traitement particulier, via des quotas, des périodes de transition ou des clauses de sauvegarde, les secteurs les plus sensibles pouvant même être exclus », souligne le document.
Alors que l’Australie dispose d’un secteur agricole très compétitif et fortement orienté vers l’exportation, « le marché australien est relativement restreint pour les exportateurs européens de produits agricoles », rappelle Eric Andrieu (France, S&D), membre du comité AGRI. Déjà menacé par le CETA (Comprehensive Economic and Trade Agreement) – l’accord de libre-échange UE / Canada, provisoirement entré en vigueur le 21 septembre* -, ou par les accords en cours de négociation avec le Mexique** et le Mercosur**, l’agriculture ne devra pas servir de monnaie d’échange afin de garantir un accès accru au marché australien pour les produits industriels et les services, avertit le socialiste français. L’UE devra donc s’abstenir de « prendre quelque engagement que ce soit » dans des secteurs tels que les viandes bovine et ovine et les sucres spéciaux.
L’eurodéputé rappelle aussi que tous les contingents tarifaires qui pourraient être accordés à l’Australie auront vocation, à l’issue du ‘Brexit’ , à s’appliquer à un marché communautaire réduit. Il conviendra dès lors « d’en tenir soigneusement compte dans le calibrage des offres de l’UE ». En cours de finalisation à la Commission européenne, les projets de directive de négociation « tiendront compte de ces sensibilités en matière agricole », a assuré Phil Hogan, le commissaire à l’Agriculture.
Vers l’exclusion du volet investissement des négociations futures
Quant au volet spécifiquement dédié à l’investissement, il devra faire l’objet d’un accord distinct, préconise la résolution du PE. Sur cette question sensible, Commission européenne et Parlement, partagent un objectif commun. Les déboires autour du CETA, dont la ratification finale reste menacée par le veto d’un seul parlement national ou régional, ont convaincu Bruxelles de revoir sa stratégie en s’appuyant sur une décision rendue en mai par la Cour de justice de l’UE (CJUE). La Cour avait alors estimé que la quasi-totalité des thématiques négociées dans le cadre d’un accord de libre-échange était de la compétence exclusive de l’UE, à l’exception des tribunaux spéciaux mis en place pour trancher les litiges entre les investisseurs et les États. L’exécutif européen propose donc d’exclure ces tribunaux des négociations avec Canberra et Wellington. « Afin de ne pas perdre de temps, nous proposons de ne pas inclure la partie liée à la protection des investissements » dans les mandats de négociation qui seront soumis aux États membres, a expliqué Cecilia Malmström. « Cela viendra plus tard », a ajouté la commissaire au Commerce. La Commission espère dans le même temps promouvoir un système de tribunal multilatéral plus transparent, composé de plusieurs juges professionnels permanents, aux audiences publiques, amené à terme à régler les différends commerciaux avec l’ensemble de ses partenaires.
Le PE espère que ses recommandations seront prises en compte dans le mandat de négociation que l’exécutif devrait soumettre aux États membres dans le courant du mois de novembre. Objectif de Bruxelles : entamer les pourparlers le plus rapidement possible afin d’aboutir à un accord avant la fin du mandat de l’actuelle Commission Juncker en 2019.
Kattalin Landaburu, à Bruxelles
*S’agissant du CETA, lire nos articles :
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UE-Canada / Douane : comment devenir exportateur enregistré pour profiter du CETA
UE-Canada / Agroalimentaire : les fromages et les vins, grands vainqueurs du CETA
Textile / CETA : l’Union des industriels français se réjouit de l’accord UE-Canada
**S’agissant du Mexique et du Mercosur, lire nos articles :
UE / Mexique : Bruxelles mise sur un accord de libre-échange avant 2018
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