Les ports français et belges devraient être soumis au même régime d’imposition que les autres entreprises. C’est ce que « propose » la Commission européenne dans une communication adoptée jeudi 21 janvier. Selon l’exécutif à Bruxelles les régimes fiscaux en vigueur dans les deux Etats membres « confèrent aux ports un avantage sélectif susceptible de constituer une violation des règles de l’UE en matière d’aides d’Etat ».
Concrètement pour la France et la Belgique, cela signifie que les deux pays sont fortement encouragés à mettre fin au système d’exonérations de l’impôt sur les sociétés dont bénéficient les ports publics et privés. Les deux pays ont dès lors deux mois pour proposer des mesures correctives visant à mettre le régime fiscal des ports en conformité avec les règles européennes en matière de concurrence. Faute d’actions « appropriées », une enquête approfondie pourrait être lancée et des mesures contraignantes adoptées.
Les Pays-Bas sont eux aussi dans le collimateur de Margrethe Vestager, la commissaire en charge de la Concurrence. C’est d’ailleurs le premier Etat membre à avoir été visé par les services de celle que l’on surnomme ici la « Dame de fer de Bruxelles ». Suite à une première enquête, le Royaume avait modifié le régime d’imposition de ses ports. Mais la réforme a été jugée insuffisante par la Commission. Entrée en vigueur le 1er janvier 2016, la loi néerlandaise maintiendrait, « une exonération fiscale pour six ports maritimes publics », précise un communiqué des services de la concurrence. Les Pays-Bas disposent à présent d’un délai de deux mois pour prendre les mesures nécessaires, de façon à ce que les ports concernés soient assujettis aux règles ordinaires d’imposition des sociétés à compter du 1er janvier 2017.
« 33 % de notre bénéfice qui ne seraient plus investis »
Si l’annonce n’a pas fait grand bruit en France, elle a été largement relayée par les médias belges. Invité par la RTBF, la radio publique francophone du Royaume, Emile-Louis Bertrand, directeur général du Port autonome de Liège, a fustigé le double discours de la Commission européenne. « D’un côté, la DG Transport nous dit: il faut absolument y aller pour développer les réseaux européens et donc les ports doivent absolument investir. De l’autre la DG Concurrence nous dit : attention vous recevez des subsides qui n’en sont pas notamment parce que vous ne payez pas d’impôts. Or, dans le Traité européen, il est bien prévu que, concernant les ports, dans la mesure où nous sommes des coordinateurs de transports, nous avons droit à des subsides ». Ce responsable déplore en particulier les conséquences en termes d’investissements et donc d’emplois. « Ce serait 33 % de notre bénéfice qui ne seraient plus investis », a-t-il précisé sur les ondes de la radio belge.
Réponse du berger à la bergère : « Les ports sont des infrastructures essentielles pour la croissance économique et le développement régional. Je vais bientôt présenter une proposition qui vise à faciliter les investissements réalisés dans les ports et susceptibles de créer de l’emploi, lorsqu’ils ne posent pas de problème, en les exemptant d’examen au regard des règles de l’UE en matière d’aides d’État », a annoncé Margrethe Vestager suite à la présentation de sa décision. Mais, si les ports dégagent des bénéfices de leurs activités économiques, « ils devraient être imposés selon la législation fiscale nationale ordinaire pour éviter toute distorsion de concurrence », a conclu la Commissaire.
Kattalin Landaburu à Bruxelles
Pour aller plus loin :
-Consulter le communiqué de la Commission européenne : http://europa.eu/rapid/press-release_IP-16-124_fr.htm