Le commerce mondial sera en berne cette année, en raison de la pandémie de Covid-19. Et les risques de crédit montent en flèche.
Certes, on peut se féliciter que, selon une récente étude de la Team france Export, 55 % des PME et ETI françaises maintiennent leurs activité à l’exportation, en dépit de la crise. En même temps, cela signifie que près d’une entreprise sur deux va donner un sérieux coup de frein ou même arrêter l’export, pointait Frédéric Orillard, directeur des Ventes de Coface, lors d’un wébinaire sur l’assurance-crédit export, le 20 mai, organisé pour les membres du programme d’accompagnement stratégique à l’international des PME françaises Stratexio.
Globalement, on s’attend à une diminution importante de – 4,3 % du commerce mondial en 2020. Mais ce sera quand même moins qu’en 2008 et 2009, selon Coface. Par ailleurs, cette tendance est à replacer dans la tendance générale à la baisse des échanges internationaux constatée depuis deux ans à la suite de la politique commerciale agressive et protectionniste de l’Administration Trump, et notamment de la guerre commerciale avec la Chine.
Tout le monde ne sera pas placé à la même enseigne. Les pays pétroliers vont être tout particulièrement impactés par la chute du prix de l’or noir, autre grand choc survenu au même moment que la pandémie. Le cours du baril est descendu sous la barre des 20 dollars, alors que pour certains pays il faudrait pour équilibrer leurs comptes un baril à 50 dollars (Russie), 110 dollars (Algérie), voire 200 dollars (Iran).
PIB : – 1,3 % dans le monde, – 6,8 à – 9 % en France
Covid-19, guerre commerciale, effondrement des cours de certaines matières premières expliquent que le recul du commerce international sera supérieur à celui du produit intérieur brut (PIB), qui, relativement, ne sera en 2020 que de – 1,3 % dans le monde. Reste que dans ces certains pays il est beaucoup plus élevé.
C’est le cas de la France où le PIB devrait fondre de 6,8 à 9 %. Pour maintenir leurs exportations coûte que coûte, les entreprises françaises n’hésiteraient pas ainsi à recourir au dispositif public de réassurance Cap Francexport.
Il faut oublier l’espoir caressé un moment d’une courbe de l’économie mondiale en V. Le plus probable est aujourd’hui une courbe en U, c’est-à-dire le scénario d’une reprise progressive. « La crise économique peut durer quelques mois, voire quelques années », soulignait Frédéric Orillard, ajoutant qu’il fallait aussi compter avec l’éventualité d’une deuxième vague d’épidémie en septembre.
Un tel environnement exige évidemment de la part des exportateurs français beaucoup de prudence dans leur activité. Directeur des Partenariats chez Coface, François Mirroir indiquait qu’une entreprise faisant face à un impayé de 5 000 euros et dégageant une marge moyenne de 4 % devait faire un chiffre d’affaires de 125 000 euros pour compenser cette perte. Si l’impayé était de 10 000 euros avec la même marge, alors le CA devait s’élever à 250 000 euros. Et quand il était de 50 000 euros, le chiffre d’affaire devait atteindre 1 250 000 euros.
Défaillances d’entreprises : + 25 %
Tous ces ratios doivent être connus, car les défaillances d’entreprises, partenaires, clients ou fournisseurs, vont se multiplier. Avant la crise sanitaire, le taux retenu était + 2 %. Aujourd’hui, on parle de + 25 % dans le monde, mais c’est une moyenne. Les États-Unis seraient les plus impactés, avec + 38 %.
En Europe, les Pays-Bas afficheraient + 33 %, soit plus que l’Espagne, avec + 22 %. Dans la zone euro, la France s’en sortirait mieux avec + 15 %, et surtout à l’Allemagne, avec + 11 %, alors que l’Italie serait à + 18 %. Mais l’Italie avec un déficit au-delà de 150 % du PIB fait peser l’ombre d’une crise à la grecque. La bonne nouvelle est que Paris et Berlin ont décidé de s’associer pour amorcer un plan d’aides de 500 milliards d’euros.
Certains pays émergents suscitent des inquiétudes. Des pays comme l’Afrique du Sud, l’Inde et l’Indonésie, alors que leur économie s’est arrêtée, n’ont pas pris de mesure de soutien, type chômage partiel, relance du crédit des entreprises, s’exposant ainsi à une crise majeure. Or, les premiers signes négatifs y seraient déjà visibles, à l’instar de la fuite des capitaux étrangers. « Surtout, du coup, soutenait Frédéric Orillard, ces pays sont obligés de procéder à de la déflation et les monnaies baissent comme en Afrique du Sud, au Brésil, en Russie ».
D’après ce dirigeant de Coface, « ces pays potentiellement peuvent avoir des difficultés à honorer leurs paiements, leurs dettes ». Et de noter encore qu’une centaine de nations ont demandé une aide du Fonds monétaire international (FMI) en avril. Les risques sont en train d’évoluer très rapidement et Frédéric Orillard conseille aux sociétés françaises de consulter en juin la carte révisée de Coface sur les risques pays.
François Pargny