Le secteur est porteur. La capacité de production globale des énergies renouvelables (ENR) s’est envolée de 50 % l’an dernier et devrait tripler d’ici 2030 pour atteindre les objectifs fixés à la COP28, selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE). Ce coup d’accélérateur a ouvert des marchés aux entreprises, mais des levées de barrières commerciales pourraient ralentir cet essor sans précédent, a averti le directeur de l’agence.
Une fois n’est pas coutume, la lutte contre le réchauffement climatique accueille une bonne nouvelle. Dans son dernier rapport sur les énergies renouvelables, l’AIE anticipe en effet qu’elles seront la première source de production d’électricité dans le monde début 2025. C’est-à-dire demain. L’engouement pour les énergies propres a multiplié les opportunités d’affaires sur tous les continents grâce à une multiplication à grande vitesse des projets.
En mai dernier, l’agence estimait à 1 700 milliards de dollars (1 600 milliards d’euros) leur montant total, après un bond de 24 % en deux ans. Les entreprises françaises actives dans ce secteur, souvent internationalisées dès leur création, bénéficient en conséquence des faveurs des investisseurs. En témoigne, la récente levée record de 304 millions d’euros du spécialiste de la recharge Electra qui se projette en leader européen de ce secteur.
La Chine championne du photovoltaïque
Au niveau mondial, constate l’AIE, le développement des énergies bas carbone, dont la capacité de production a atteint 510 gigawatts (GW) l’an dernier varie en fonction des technologies et des régions avec des hausses sans précédent en Europe, aux Etats-Unis, en Inde et au Brésil. Sans surprise, l’évolution la plus saillante est la montée en puissance de la Chine. L’ex-Empire du Milieu qui a commandé autant de panneaux voltaïques en 2023 que le monde entier en 2022. Dans l’éolien, le pays a augmenté sa capacité de production de 66 % en glissement annuel.
A elles seules, les énergies éolienne et solaire assurent 95 % de la croissance des ENR en 2023. Un dynamisme qui s’explique par la baisse de 50 % en un an des prix des modules de panneaux photovoltaïques. Paradoxe : selon les prévisions de l’AIE, la capacité de production mondiale devrait atteindre 1 100 GW d’ici à la fin de 2024, ce qui dépasserait considérablement la demande. En revanche, l’industrie éolienne (en dehors de la Chine) est confrontée à un environnement plus difficile en raison d’une combinaison de ruptures continues de la chaîne d’approvisionnement, de coûts plus élevés et de longs délais d’autorisation.
Les économies émergentes manquent de financements
Si l’hydrogène vert suscite en ce moment beaucoup d’espoir et multiplie les projets, leur développement est en revanche plus lent. Pour convaincre pleinement les investisseurs, les annonces devront être suivies de politiques soutenant la demande, préconise le rapport de l’agence. Du côté des biocarburants, les économies émergentes menées par le Brésil et l’Inde devraient stimuler 70 % de la demande mondiale au cours des cinq prochaines années.
Néanmoins, l’AIE souligne que certaines économies émergentes gagneraient à stimuler les investissements et à apaiser incertitudes politiques et lourdeurs administratives. Pour son directeur exécutif Fatih Birol « le défi le plus important pour la communauté internationale est d’accroître rapidement le financement et le déploiement des énergies renouvelables dans la plupart des économies émergentes et en développement, dont beaucoup sont laissées pour compte dans la nouvelle économie de l’énergie. Le succès de la réalisation de l’objectif de triplement dépendra de cette situation ».
L’UE appelée à muscler sa politique commerciale
Au total, la capacité mondiale d’énergie renouvelable devrait atteindre 7 300 GW au cours de la période 2023-2028. Cependant, cette croissance, qui rapprocherait le monde des objectifs de triplement des capacités de production des ENR fixés par la COP28, aura maille à partir avec les tensions commerciales entre les Etats-Unis, l’Union européenne et la Chine.
Dans un entretien donné à l’Afp en marge du sommet de Davos, qui se déroule en Suisse jusqu’au 19 janvier, le directeur de l’AIE a en effet pointé que « les barrières commerciales peuvent constituer un facteur de ralentissement de la transition mondiale vers des énergies propres » tout en précisant que « la philosophie générale est que le commerce équitable et la transition énergétique sont bons amis ».
Il y a cependant loin de la coupe aux lèvres. Si le Premier ministre chinois Li Qiang a dénoncé mardi les « barrières au commerce vert », il convient de rappeler que Bruxelles a récemment ouvert une enquête sur les subventions chinoises aux véhicules électriques. L’UE s’inquiète également des aides prévues par l’Inflation Reduction Act américain (IRA), pareillement accusées de fausser la concurrence internationale.
Dans ce contexte le Vieux Continent se trouve « à la croisée des chemins » dans la course à la production de technologies propres. Pour Fatih Birol « il est temps pour l’Europe d’élaborer une feuille de route sur la manière dont nous allons restaurer notre leadership technologique en Europe, en tenant compte des nouvelles conditions du marché et du cadre technologique ».
Sophie Creusillet
L’AIE publie une base de données sur les ENR dans le monde
Parallèlement son rapport « Renewables 2023 », l’Agence internationale de l’énergie a mis en ligne un outil de suivi des progrès des énergies bas carbone partout dans le monde qui explore les data régionales et nationales en matière de production d’électricité à partir d’énergies renouvelables et de technologies de production. Cette somme d’indicateurs en cours de mise en ligne permet également d’explorer les prévisions à 2028 pays par pays et constitue un intéressant outil de veille.
S.C.
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