L’accord signé par Bruxelles et Wellington en juillet 2023, est entré en vigueur le 1er mai. Il doit permettre d’augmenter de 30 % les échanges entre l’Union européenne et la Nouvelle Zélande en 10 ans et devrait booster le commerce bilatéral avec la France.
19 000 kilomètres de distance. Jamais l’Union européenne n’avait conclu de traité commercial avec un pays aussi lointain. Il supprime les droits de douanes sur les produits industriels comme les vêtements, les chaussures, le textile et l’automobile (auparavant taxés jusqu’à 10 %), mais aussi les produits pharmaceutiques, les machines et appareils ainsi que les produits chimiques (5 %), le vin, les produits à base de porc, les chocolats et biscuits et les aliments pour animaux de compagnie (5 %).
Ces nouvelles dispositions visent à économiser 140 millions d’euros (M EUR) de droits de douane par an et ce dès la première année d’application et de créer un surplus annuel de 4,5 milliards d’euros (Md EUR) d’exportations, soit l’équivalent de la moitié de celles réalisées par les pays de l’UE en 2022 (9,5 Md EUR). Si ces dernières concernent des produits manufacturés, les importations depuis la Nouvelle-Zélande sont essentiellement constituées de produits agricoles (viande de mouton, kiwis, vins, produits laitiers, principalement).
Le solde commercial français traditionnellement excédentaire
Hormis en 2020, la balance commerciale de la France avec ce pays du bout du monde a toujours été excédentaire, d’une centaine de millions d’euros en moyenne (104 M EUR précisément en 2023). L’an dernier le solde commercial a bondi de 40 M EUR, tiré à la hausse par les ventes d’automobiles européennes (+ 30 M EUR). A l’inverse, l’amélioration du solde des produits laitiers et glaces (+ 24 M EUR), de la viande et des produits à base de viande (+ 23 M EUR) et des instruments à usage médical, optique et dentaire (+ 16 M EUR), s’explique quasi exclusivement par la baisse des importations. Ces hausses font plus que compenser la diminution du solde des machines industrielles et forestières (- 11 M EUR) dont les exportations ont fléchi.
Les exportations tricolores à destination de la Nouvelle-Zélande sont plus diversifiées. Les exportations de matériels de transport, principalement l’aéronautique et, dans une moindre mesure, l’automobile, représentent plus d’un tiers du total. Elles sont suivies par les machines industrielles et agricoles (un sixième du total), notamment des tracteurs. Viennent ensuite les produits des industries agroalimentaires (un huitième), dont les deux tiers sont du champagne et du vin, du lactosérum et des aliments pour chiens et chats. Les produits chimiques, parfums et cosmétiques représentent 8 % du total et sont majoritairement constitués de produits chimiques.
La bataille du kiwi
De Nouvelle-Zélande, la France importe essentiellement des produits issus des industries agroalimentaires (près de la moitié du total) et de l’agriculture (un quart du total). La viande de mouton représente la majorité (près des trois quarts) de la viande importée tandis que les produits agricoles importés sont pour plus des deux tiers constitués de kiwis. Hors la France est le sixième producteur mondial de ce fruit d’origine chinoise. Quelque 1 500 agriculteurs le cultivent, principalement dans le Sud-Ouest. Et craignent la concurrence des antipodes, incarnée par la marque néo-zélandaise Zespri, en situation de quasi-monopole sur ce marché.
En février dernier, la présidente de l’union de coopératives Scaap Kiwifruits de France confiait à l’antenne de France 3 ses craintes quant aux conséquences de ce nouvel ALE sur le secteur : « Zespri vient faire des achats en Turquie et en Europe pour, après, venir revendre ses produits sur le marché français ! » Un tour de passe-passe qui rappelle celui d’une affaire de 2019, mise au jour par la répression des fraudes en 2019. Elle visait des intermédiaires qui achetaient des kiwis en Italie à prix cassés pour les revendre en France en tant que fruits produits localement.
Premier ALE de nouvelle génération
Reste que la production néo-zélandaise vient compéter celle de la France, qui alimente les consommateurs uniquement en hiver. En outre, l’accord de libre-échange prévoit une reconnaissance des IGP dont les deux appliquées au kiwi (Adour et Corse) et personne n’empêche les agriculteurs français de vendre leur production à l’autre bout du monde.
Si ce n’est, tout de même, qu’il est possible de trouver aberrant sur le plan écologique de transporter des fruits à l’autre bout du monde. D’autant que l’accord signé par Bruxelles et Wellington est le premier dit « de nouvelle génération ». Il comprend en effet un volet RSE dont l’engagement à respecter les accords de Paris qui vise à décarboner notre économie.
Sophie Creusillet