Spécialiste des systèmes magnétiques pour accélérateurs de particules, Sigmaphi trace son sillon sur ce marché mondial de niche depuis bientôt 30 ans. Renforcée par une récente restructuration financière, elle nourrit l’ambition d’accentuer sa présence, notamment en Amérique du Nord et en Asie, grâce aux nouvelles applications de ses composants.
Installée à Vannes, dans le Morbihan, Sigmaphi est une véritable pépite cachée de l’industrie de pointe. Sa spécialité, la conception et la fabrication de « systèmes magnétiques pour accélérateurs de particules », autrement dit des systèmes d’aimants complexes que l’on retrouve dans des machines utilisées pour la recherche scientifique, le traitement des cancers (Cyclotrons, synchrotons…), mais aussi l’industrie et l’énergie (fusion thermonucléaire). « Il doit exister une dizaine de fabricants dans le monde, mais moins de cinq possèdent notre savoir-faire » se réjouit Sébastien Longelin, le directeur général de cette PME de 130 personnes et de 20 millions de chiffre d’affaires, dont 95 % à l’export.
On comprend pourquoi lorsque cette pépite technologique a traversé une période financière difficile, avec un carnet de commande plein sur deux ans mais des problèmes de trésorerie, le Fonds d’investissement dans les PME Breizh Rebond, cofinancé par la Région Bretagne, Bpifrance et des banques, est venu à son secours en 2021 en injectant 4 millions d’euros et en prenant temporairement le contrôle du capital.
Dans la foulée, le comité de direction a été renouvelé et le nouveau directeur général recruté, en 2022. Sébastien Longelin a l’expérience de l’international : Conseiller du commerce extérieur (3ème mandat), il était précédemment directeur général délégué export du groupe industriel Precia Molen après avoir dirigé les activités de ce groupe industriel en Asie-Pacifique depuis la Malaisie.
Un positionnement unique
Le challenge en vaut la peine. Le positionnement de Sigmaphi, dont la création remonte à 1981, est en effet assez unique en son genre, entre l’artisanat et la haute technologie. Sur son site de Vannes, avec des équipes où se côtoient des scientifiques de haute volée (une vingtaine de personnes pour la seule R&D) et des techniciens super qualifiés, elle conçoit en coopération avec ses clients -des industriels intégrateurs internationaux- des systèmes magnétiques de toutes tailles, de quelques kilos à plusieurs tonnes, adaptés à chaque machine.
On trouve de ces systèmes d’aimants complexes dans des machines disséminées un peu partout dans le monde, dans des centres de recherche, des laboratoires, des centres de traitement du cancer, en Amérique du Nord (États-Unis surtout), en Europe (Allemagne, France, Italie, Russie, Suisse…), en Asie (Chine, Inde, Japon, Thaïlande) … La liste de ses références est longue : en France, on peut citer le CERN, le CEA, Soleil. « Nous sommes une PME bretonne à dimension internationale qui collabore avec des universités à la pointe de l’innovation mondiale » déroule le dirigeant.
Historiquement, le virage à l’international avait été vraiment pris au début des années 2000, avec la reprise de la PME par un entrepreneur, Jean-Luc Lancelot. Trois ans après, le premier équipement était livré au CERN. En 2008, ce fut la création de Sigmaphi Chine, filiale à 100 % qui existe encore aujourd’hui avec un effectif de 20 personnes.
Sous la direction d’un manager chinois, cette filiale, qui fabrique des composants que conçoit de la maison-mère à Vannes, contribue à desservir les marchés asiatiques. Ce management local a été bien utile pendant les trois années de confinement du pays liées à la Covid-19. Mais Sébastien Longelin compte s’y rendre en juin pour reprendre le contact.
En Asie, la PME dispose également d’un bureau commercial au Japon, installé en 2009.
Pérenniser l’entreprise
Aujourd’hui, la situation de la PME est stabilisée. Un nouveau business plan a été mis en place avec le concours de Bpifrance : il vise, dans les trois ans, à « pérenniser le périmètre de l’entreprise », souligne Sébastien Longevin. « Nous voulons croître, mais à un rythme raisonnable », poursuit-il, avec un objectif de porter le chiffre d’affaires entre 23 et 25 millions d’euros d’ici trois ans.
Si le marché russe est fermé depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine, les marchés porteurs ne manquent pas en Europe, où la protonthérapie est en plein développement car elle permet de traiter les cancers avec beaucoup plus d’efficacité et en réduisant les dommages collatéraux sur les tissus sains. Aux États-Unis, tous les débouchés sont porteurs, qu’il s’agisse de la recherche fondamentale, du médical, de l’industrie ou encore de la fusion nucléaire.
La direction reste prudente lorsqu’on lui demande si elle ambitionne de sortir de son statut de sous-traitant fournisseur de composants à des intégrateurs. « Une fois la situation assainie, nous pourrions envisager de développer des systèmes clés en mains » développe le dirigeant, « mais celà nécessiterait d’être compétitif et des moyens supplémentaires ». En revanche, elle commence à réfléchir à de nouvelles implantations à mener à moyen terme, en Inde par exemple, sur le même modèle que la Chine, et surtout en Amérique du Nord, « la grande priorité pour après-demain ».
Pour l’heure, tous les leviers pour nourrir et protéger sa croissance sont utilisés. Sigmaphi va notamment bénéficier du dispositif gouvernemental PPST (Protection du potentiel scientifique et technique), qui va l’aider à mettre en place des protections physiques dans certaines zones de son site de Vannes et renforcer la cybersécurité. Et elle vient de démarrer, avec un groupe d’une douzaine de PME, un programme d’accompagnement de la Direction générale de l’armement du ministère des Armées.
Le planning de prospection 2023 est chargé et l’emmènera notamment à s’exposer ou intervenir dans des événements professionnels et conférences internationales en France, mais aussi en Italie, aux États-Unis, au Japon et en Inde.
Christine Gilguy