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Les goulots d’étranglement : projets et solutions

Les flux à l’importation passent plus difficilement sur le fleuve à partir de Gennevilliers, notamment faute de plateformes logistiques suffisantes pour les accueillir. Les flux retour sont aussi problématiques. Des solutions existent, mais elles tardent à se concrétiser.

Le mode fluvial ne sera pas, aux dires des professionnels consultés par Le Moci, une vraie alternative à la route, avant dix ans. Les obstacles sont nombreux : des terminaux mal localisés, inadaptés ou trop petits pour accompagner la croissance du trafic conteneur. Autre problème, le chenal de la Seine n’est pas assez profond, notamment en aval de Rouen. Ce chenal devrait être creusé d’un mètre en moyenne pour pouvoir accueillir les plus grands navires. Le projet est à l’étude. L’entretien de l’infrastructure laisse aussi à désirer. La flotte, enfin, n’est pas encore en mesure de capter de façon massive des trafics de biens de grande consommation.

Valérie Fourneyron, maire de Rouen, ne mâchait d’ailleurs pas ses mots, dans un discours prononcé au début de l’été : « La rupture de charge entre les porte-conteneurs du Havre et le fleuve n’est plus acceptable. Il serait incompréhensible d’avoir investi tant d’argent public et privé dans Port 2000 [NDLR : terminal à conteneurs du Havre], si la desserte fluviale de Port 2000 n’était pas correctement traitée. Il y a urgence à traduire dans des actes ce que l’on a préparé ces derniers mois pour porter l’avenir commun de l’axe Seine ». Cette rupture de charge au Havre, constitue le premier goulot d’étranglement du fleuve.

La solution passe par une coordination des politiques portuaires. « Nous avons d’ailleurs sur ce point un projet avec le port du Havre, dont le financement n’est pas encore bouclé, explique Hervé Martel, directeur général de Ports de Paris, et cela est tellement important pour nous que j’ai proposé que Ports de Paris entre au capital de la société LH2T, qui aménage le chantier du futur terminal multimodal du Havre. »

Pour améliorer l’interface entre le grand port du Havre et le fleuve, il faudra aussi mettre en place une navette, c’est-à-dire une barge côtière capable de prendre la mer et de naviguer sur le fleuve, qui chargerait dans Port 2000 (terminal à conteneurs du Havre) et remonterait vers Rouen. Enfin, il faudra construire une écluse fluviale derrière Port 2000.

Le problème de la traversée de Paris constitue le deuxième goulot d’étranglement du fleuve. Pour sa part, Hervé Martel formule le constat suivant : « Au départ ou à destination du Havre, 27 % des conteneurs, soit 135 000 boîtes/an, arrivent sur des barges fluviales à Gennevilliers. Ensuite, ces boîtes prennent la route. Ainsi, pour relier le port du Havre au sud et à l’est de l’Ile-de-France, les conteneurs doivent être déchargés à Gennevilliers sur des camions, qui vont aller encombrer les routes franciliennes. »
 
Ce dernier déplore également que « le terminal fluvial d’Evry, ouvert en septembre 2010, soit déjà saturé, parce que trop petit pour réceptionner davantage de trafic conteneur, puisqu’il fait à peine un demi-hectare, quand il en faudrait quatre. A court terme, nous souhaitons bâtir un consensus avec les collectivités locales pour trouver du foncier. Notre deuxième problème à Evry, c’est d’équilibrer les flux, car nos barges remontent à vide. Pour cela, nous dialoguons avec les importateurs et les exportateurs. S’y ajoute une petite raison technique, le tirant d’air (hauteur disponible sous les ponts traversés par les barges) qui, d’une hauteur de 4 conteneurs en aval de Gennevilliers, passe à deux en amont ».

Plus ennuyeux, deux autres projets de grands terminaux formulés à la fin des années 2000 ne verront pas le jour : Il s’agit de Bruyères-sur-Oise (Val-d’Oise) et de Montereau-Fault-Yonne (Seine-et-Marne), qui devaient concourir à favoriser l’écoulement des flux de conteneurs en amont de Paris.

Des solutions aux difficultés de traverser Paris existent. Elles passent par la création de nouveaux terminaux multimodaux. Pour l‘heure, la direction de Ports de Paris travaille avec des enseignes de la grande distribution, pour créer un cross-dock (entrepôt où le transit dure moins de 48 h), à Bonneuil-sur-Marne (Val-de-Marne). Il s’agit de 200 000 m2 d’entrepôts sur 400 000 m2 de terrains apportés par Ports de Paris et aménagé par AMB-Prologis.

Ports de Paris place aussi beaucoup d’espoir dans la création d’un futur site logistique à Achères (Yvelines). Hervé Martel nous explique pourquoi : « À moyen terme, Ports de Paris souhaite rééquilibrer les implantations logistiques en Ile-de-France en créant une plate-forme multimodale dédiée aux conteneurs, en bord de voie d’eau, en direction du Havre. Nous travaillons déjà avec quatre communes sur le projet de future base logistique baptisée Seine-Métropole située près d’Achères. Le site représente un atout majeur dans la concurrence que se livrent Le Havre et Anvers pour la desserte de l’Ile-de-France. C’est aussi la clé du report modal vers le fluvial.

L’enquête d’utilité publique pour Seine-Métropole démarre en 2013. » Le troisième problème qui freine la circulation sur le fleuve concerne l’entretien des voies fluviales et des écluses. Valérie Cornet, directrice logistique de Cemex France pour les trafics de granulats, estime que « sur la partie amont de la Seine, les écluses ne sont pas assez bien entretenues, ce qui provoque des retards. De même, les profondeurs annoncées ne correspondent plus à la réalité, faute d’un curage régulier des voies d’eau. Ce qui nous conduit à charger moins les barges. Enfin, la partie amont de la Seine, au sud-est de Paris, n’est ouverte à la navigation que 14 heures par jour. Nous souhaiterions que cela soit ouvert 24h/24 comme dans la partie aval ».

Eric Dupont-Dutilloy, directeur des douanes du port du Havre, reste optimiste, observant que « le pré ou post-acheminement fluvial, à l’import et à l’export, enregistre une forte croissance depuis trois ans. En 2010, 9 % du tonnage prenait la barge, 7 % le chemin de fer et 84 % le camion. Dans dix ans, le fleuve et le rail ont vocation à s’adjuger chacun 25 % des tonnages ». Tel est l’objectif du Grenelle de l’environnement. Car la croissance du trafic conteneurs, qui pourrait doubler d’ici 2020, implique un report modal massif vers le fleuve et le rail. Faute de quoi, la route serait totalement engorgée. « Cela dit, conclut-il, il ne faut pas se voiler la face. Le Havre n’est qu’à 300 km de Paris et je ne vois pas le fleuve supplanter la route. »

G. N.

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