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La Turquie ne peut pas se passer de l’Europe

La Turquie a besoin des grands pays industrialisés, notamment de l’Europe. Si la 18e puissance économique mondiale a réussi sa diversification géographique, elle n’en reste pas moins très liée à l’Union européenne, qui absorbe 42 % de ses exportations et lui fournit environ 37 % de ses importations. Et, surtout, sa capacité à se projeter sur de nouveaux territoires ne lui a pas permis de combler un déficit commercial abyssal (plus de 100 milliards de dollars en 2011), en grande partie responsable d’un déficit courant important (voir chiffres clés).
Après avoir enregistré un taux de croissance économique équivalent à celui des grandes nations émergentes en 2010 (9,2 %) et 2011 (8,5 %), la Turquie devrait afficher en fin d’année un PIB en hausse de 3 à 3,5 %, selon les institutions multilatérales (4 % selon le gouvernement). Ce ralentissement de l’économie pourrait favoriser une petite réduction du trou commercial, mais ce n’est pas certain.

Au premier trimestre de cette année, la hausse des exportations (+ 17,39 %) supérieure à celle des importations (+ 3,57 %) a effectivement permis de diminuer de près de 3 milliards d’euros le déficit commercial, « mais il ne faut pas oublier que la croissance est portée par une classe moyenne qui veut accéder au niveau de vie européen », souligne Éric Fajole, le directeur du bureau d’Ubifrance à Istanbul. Selon lui, « ils ne sont encore que 10 millions, sur une population totale de 74 millions, à consommer comme en Europe, alors que le crédit et la construction de logements et de centres commerciaux connaissent un développement important ».

La seule solution pour Ankara serait de trouver les ressources afin de donner un nouveau souffle aux exportations. La qualité des produits requise en Irak ou en Afrique n’est pas la même qu’en Europe où la concurrence est particulièrement rude. La Turquie doit donc être plus compétitive et, pour se hisser vers le haut, le pays doit compter sur des transferts de savoir-faire et de technologies. La qualité et la montée en gamme sont tout l’enjeu de la nouvelle politique d’investissement que le gouvernement turc est en train de peaufiner.
Les grandes lignes de cette réforme sont connues. Au premier abord, la nouvelle politique d’investissement semble répondre à un souci d’aménagement du territoire. Auparavant, quatre régions bénéficiaient des incitations aux investissements. Elles sont maintenant six. Toutefois, quelle que soit l’importance des aides, il paraît difficile de convaincre des opérateurs occidentaux de s’engager dans l’Est anatolien, région instable, éloignée du cœur du marché et souffrant d’un manque criant d’infrastructures. Logiquement, le Sud et le Sud-Est du pays, bénéficiant des plus fortes aides régionales, devraient attirer en priorité des investisseurs des pays voisins, comme la Géorgie ou l’Iran avec lequel des accords de libre circulation des capitaux et des travailleurs ont été signés. Pour parvenir à ses fins, Ankara pourrait décider aussi de confier un certain nombre de dossiers aux 26 agences de développement régional qui couvrent le territoire national.

Pour certains observateurs, le système d’investissement en gestation apparaît comme assez complexe. C’est que l’équipe du Premier ministre Recep Tayyip Erdogan entend agir en souplesse. Le véritable but de la réforme serait attirer des opérateurs extérieurs dans des secteurs déterminés, avec deux objectifs principaux : substituer une production locale à des importations et développer de nouveaux flux d’exportations. « La Turquie veut se positionner sur la scène mondiale comme une terre de haute technologie et plus seulement de moyenne technologie », explique un familier du dossier, qui estime que l’État va devoir multiplier ses efforts en matière d’éducation et de formation spécialisée. Selon lui, les ingénieurs turcs sont « bons », mais « standards ». En outre, affirme-t-il, « comme le pays manque de contremaîtres, on fait monter des ouvriers qualifiés ou les entreprises utilisent des ingénieurs débutants ».

Premier secteur stratégique pour Ankara, l’automobile. Le marché domestique ne permettant pas d’absorber la production locale et la consommation européenne étant ralentie, la Turquie doit trouver de nouveaux débouchés et développer des produits, comme la voiture 100 % « Made in Turkey » et la voiture électrique. Au début de l’année, Fiat et son partenaire turc Koc Holding ont indiqué négocier la fabrication d’une voiture « locale » par leur société conjointe Tofas. Quelques mois plus tard, la première voiture électrique de Turquie a été testée par Recep Tayyip Erdogan.

La Turquie veut aussi attirer de nouveaux constructeurs automobiles, ce qui la fait entrer en concurrence directe avec les pays d’Europe centrale et orientale (Roumanie, Bulgarie, République tchèque, Slovaquie, Hongrie) et le Maroc, qui dispose de zones franches à Tanger.

Autre industrie de pointe qui mobilise Ankara, l’aéronautique. Début mai, le président Abdullah Gül a assisté à la cérémonie d’inauguration de la première université des métiers de l’aéronautique et de l’espace, composée de quatre campus à Izmir, Ankara et Eskisehir. À la fin du même mois, Turkish Aerospace Industries (TAI) a sorti ses premiers ailerons pour le modèle XWB, un avion de ligne de la famille de l’Airbus 350. L’équipementier turc, qui est un aussi un fournisseur pour le projet d’avion militaire A 400M, bénéficie ainsi de transferts en matière d’ingénierie et de technologie.

Le nouveau système d’incitation aux investissements en Turquie, s’il est confirmé, prévoit également toute une série d’avantages dans les mines, les transports ferroviaires et maritimes, le tourisme, l’éducation, la pharmacie, la défense. Mais aussi l’extraction de minerai de fer, « matière première pour l’industrie sidérurgique, fortement dépendante des industries » ou encore « l’agriculture et l’emploi » et « les chantiers navals », détaille le Service économique régional (SER) d’Ankara, dans sa publication de mai 2012 « Lumière turquoise ».

« Un autre objectif d’Ankara est d’accroître la production d’énergie d’origine nationale », pointe le chef du SER, Pierre Coste. Sa dépendance en matière d’énergie atteignant 75 %, la Turquie s’est engagée dans les énergies nucléaire, hydroélectrique, solaire, éolienne, etc. À plusieurs reprises, le Premier ministre a indiqué que son pays était déterminé à générer 10 % de son électricité par le nucléaire d’ici 2030. La première centrale sera construite par la compagnie russe Atomstroyexport à Akkuyu, dans la province de Mersin, le long de la Méditerranée.
Un deuxième projet de centrale, dans la région de Sinop, près de la mer Noire, est toujours en discussion. Avec la dégradation des relations politiques avec Paris et Berlin, opposés à l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne (UE), Ankara se serait tourné vers les pays asiatiques. Pékin aurait le vent en poupe.

Le remplacement de Nicolas Sarkozy à la présidence de la République française par François Hollande peut-elle changer la donne ? Et permettre une certaine relance du processus d’adhésion de la Turquie à l’UE ? C’est peu probable. La loi condamnant la négation du génocide arménien semble avoir définitivement fermé la porte de l’ex-Empire ottoman aux champions français du nucléaire comme Framatome et Areva.

François Pargny

Chiffres clés 2011

Superficie : 779 452 km2
Population : 74,7 millions d’habitants
PIB : 772,3 milliards de dollars
Croissance économique : 8,5 %
PIB/habitant : 10 500 dollars
Inflation
: 10,45 %
Chômage : 9,8 %
Dette publique : 291,21 milliards de dollars
Balance des opérations courantes : – 77,1 milliards de dollars
Importations : 240,8 milliards de dollars
Exportations : 135 milliards de dollars
IDE :
• flux : 15,7 milliards de dollars, dont France (7e rang) 985 millions
• stock * : 180 milliards, dont France (6e) 10,3 milliards

* 2010.

Source : SER.

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