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Palmarès 2017 des leaders à l’international : entretien avec Stéphan Bourcieu

Membre du Conseil stratégique de l’export (CSE) en tant qu’expert, Stéphan Bourcieu dirige la Burgundy School of Business (ex-ESC Dijon-Bourgogne). Economiste et manager passionné des problématiques d’internationalisation et de compétitivité, il est notamment l’auteur de l’essai « Commerce extérieur : anatomie d’un mal français »*, qui lui a valu d’être invité à présenter son analyse en 2016 devant les membres du CSE. Dans cet entretien, il rappelle un diagnostic qui fait aujourd’hui consensus sur nos principales faiblesses à l’export, mais aussi les approches et leviers prometteurs. Pour lui, l’objectif des 200 000 exportateurs fixé par le ministre de l’Europe et des affaires étrangères est ambitieux, et conditionné au retour à la compétitivité.

 

Le Moci. Ni le CICE (crédit d’impôt compétitivité emploi), ni la faiblesse de l’euro n’y ont rien fait. Quand la France va bien, son déficit commercial se creuse. Quel est ce « mal français » dont vous parliez dans un essai en 2014*, qui nous empêche de profiter de la mondialisation et de l’essor des marchés émergents ?
Stéphan Bourcieu. Avant de répondre, j’aimerais rappeler en préambule deux ou trois choses. En ce qui concerne la faiblesse de l’euro, il ne faut pas oublier que la première raison de notre déficit commercial est notre commerce intra-communautaire. Que l’euro soit fort ou faible ne change rien du tout, c’est bien l’un des problèmes. Souvenons-nous toujours que notre déficit commercial avec l’Allemagne et la Belgique est supérieur à celui que nous avons avec la Chine et Hong Kong !

Concernant le CICE, c’est difficile de dire s’il a amélioré les choses. On pourrait se poser la question différemment : est-ce que sans cette mesure, les choses n’auraient pas été plus graves ? Car finalement le CICE n’était qu’un rattrapage du matraquage fiscal qui avait eu lieu en fin de quinquennat Sarkozy et en début de quinquennat Hollande. Les taux de marge étaient dans une situation absolument catastrophique après avoir connu une érosion depuis le début des années 2000 et s’être effondrés entre 2009 et 2013. Pour autant, le CICE n’est qu’une toute petite partie du problème et donc de la solution.

Qu’est-ce qui nous empêche de profiter de la mondialisation, quel est ce mal français ? Le mot central, c’est compétitivité. Et en France, quand les hommes politiques parlent de compétitivité, quand le Medef parle de compétitivité, ils ne parlent que de compétitivité-coût, c’est-à-dire du coût du travail principalement. C’est réducteur. Je ne dis pas que ce n’est pas une dimension à aborder mais ce n’est qu’une des deux facettes du problème de la compétitivité, l’autre étant le hors coût. Or, on ne se préoccupe jamais ou trop indirectement de la compétitivité hors coût.

 

Le Moci. Que mettez-vous dans la compétitivité hors coût ?
S. B. La capacité d’innovation, de différenciation, la capacité à faire des gains de productivité, dont le gain de compétitivité sera la conséquence. L’innovation passe par la R&D, l’investissement, la créativité, trois domaines sur lesquels les PME ont des difficultés. Pour la productivité, ça passe, entre autres, par l’automatisation et la robotisation. Contrairement à ce qu’ont pu dire certains hommes politiques comme Benoit Hamon, les pays les plus robotisés sont ceux qui ont le plus faible taux de chômage. On peut symboliser cette situation grâce à la robotique : en France il y a environ 30 à 35000 robots, contre 150 000 en Allemagne et pour autant notre taux de chômage reste très supérieur. On peut toujours baisser le coût du travail de 1 ou 2 euros en passant de 34 à 32 euros de l’heure dans l’industrie, cela nous permettra de revenir au niveau des Allemands et des Belges, mais cela ne nous donnera jamais un avantage compétitif majeur. Il faudrait baisser dans des proportions encore plus grandes et on trouvera toujours des gens capables de produire moins cher. Oui il faut baisser le coût du travail et reconstituer les marges, mais avant tout dans l’objectif de recréer une capacité d’autofinancement et d’investissement pour financer de la R&D, de l’innovation, de la créativité, de l’automatisation. C’est cela l’enjeu, et cela prend du temps.

 

Le Moci. Que pensez-vous des priorités affichées depuis quelques années pour l’industrie du futur, les startups ? Sont-elles insuffisantes ?
S. B. C’est très bien. Mais je trouve que nos hommes politiques raisonnent trop souvent comme si toutes choses étaient égales par ailleurs. Prenons l’exemple des pôles de compétitivité : créés il y a 12 ans, ils ont contribué au développement économique et sont aujourd’hui installés dans le paysage. Mais entre-temps, les Allemands, les Belges, ne sont pas restés immobiles. Ils ont eux aussi avancé, et probablement plus vite. C’est un peu pareil avec les startups : on a avancé dans ce domaine mais dans le même temps, nos concurrents dans le reste du monde ont eux aussi avancé, parfois plus vite que nous. On le voit dans le domaine de l’automatisation et de la robotisation où nous sommes en retard sur les Allemands, les Japonais, les Coréens.

Il y a une difficulté supplémentaire, très franco-française et qui n’est pas propre au commerce extérieur : on fait deux pas dans un sens, on change de gouvernement, on fait deux pas dans l’autre sens… Pendant ce temps, nos concurrents avancent. Il y a quinze ans, par rapport aux Allemands et aux Italiens, nos entreprises avaient la plus forte capacité d’autofinancement, or c’est le nerf de la guerre ! Depuis, la capacité d’autofinancement de nos entreprises s’est effondrée pendant que celle des entreprises italiennes a stagné et que celle des Allemands progressé de façon considérable.

 

Le Moci. Depuis cette année, le bilan du commerce extérieur présenté par le Quai d’Orsay inclut biens et services et non pas seulement les biens. Une bonne chose ?
S. B. C’est une bonne chose car ça renvoie à un deuxième indicateur que l’on oublie tout le temps lorsqu’on parle de commerce extérieur et qui est celui de la balance des paiements. On ne peut pas expliquer l’un sans l’autre. Il faut bien entendu parler du déficit du commerce extérieur de biens, qui est dans une situation dramatique car il ne se rétablit pas quelles que soient les mesures que l’on prend et même si les conditions macro-économiques sont plus favorables. On vient d’avoir une période dorée (pétrole bas, euro faible, taux très bas) en 2015 et 2016 et pourtant le niveau de ce déficit est resté abyssal.

La balance des biens et services s’est, elle, améliorée après avoir été au fond du trou en 2011 année où elle avait atteint – 41 milliards d’euros. On est passé en 2015 à -9 milliards d’euros et à -19 milliards d’euros en 2016.

On parle moins de la balance des paiements depuis qu’on est passé à l’euro. Elle est déficitaire, mais loin du niveau du déficit des biens, après avoir été excédentaire jusqu’à 2005 ou 2006. Ce qui signifie que l’économie globale française n’est pas à l’équilibre dans les échanges mondiaux sans être dans une situation aussi calamiteuse que pourrait le laisser croire le solde négatif du commerce extérieur de biens.

 

Le Moci. Est-ce si grave d’avoir un déficit commercial si l’on peut continuer à honorer nos dettes vis-à-vis de l’extérieur ?
S. B. Pour moi, le déficit du commerce extérieur est surtout symptomatique de la faiblesse de notre compétitivité. C’est le seul intérêt de cet indicateur finalement. Il montre l’état de santé défaillant de notre industrie et la réalité de nos entreprises confrontées aux autres entreprises jouant sur un terrain de jeu mondialisé : il y a quelques secteurs sur lesquels on est très bons voire les meilleurs comme l’aéronautique, le luxe, certains secteurs agroalimentaires comme les vins et spiritueux ; en revanche, sur tout le reste, on se rend compte que nos entreprises ne sont pas compétitives. Ce n’est pas seulement un problème de prix, c’est aussi un problème d’offre, d’innovation.

Typiquement, l’automobile en est un bon exemple. Un produit milieu de gamme, trop cher par rapport au milieu de gamme mais pas suffisamment différencié et innovant pour être vendu plus cher. Résultat, le seul moyen qu’on a pour vendre ce produit c’est de le produire moins cher et donc hors de France, voire de le brader en baissant nos marges. Il est symptomatique de voir que, par exemple, Citroën ne va pas renouveler sa C4, qui est pourtant dans le segment M1 très vendeur, parce qu’elle n’a apparemment pas les moyens d’investir pour créer un nouveau modèle.

 

Le Moci. Fermer nos frontières serait-il une solution pour sauver notre industrie ?
S. B. Est-ce qu’on a le droit de le faire ? Je pense que dans l’Union européenne, on n’a pas le droit de le faire. Ça apporte une réponse à la question. Mais quand bien même l’Union européenne permettrait de le faire vis-à-vis des pays tiers, il faudrait faire attention car se poserait la question de la réciprocité.

Le bon exemple qui nous pend au nez c’est la Grande-Bretagne, qui est notre plus fort excédent commercial. Tout le monde se réjouit du Brexit en disant qu’on est enfin débarrassé des Anglais, ces « emmerdeurs » qui nous empêchaient de construire l’Europe. La seule chose qu’on oublie, c’est que si on ferme les frontières entre la France et la Grande-Bretagne, c’est la France qui sera perdante d’un point de vue commercial puisque c’est notre plus fort excédent commercial.

À mon avis, se protéger est une réaction de court terme. Le jour où vous vous retrouvez dans la grande cour, vous êtes laminé car vous n’êtes pas au niveau. Je pense qu’il faut assumer le fait que nous sommes dans un environnement mondialisé, de compétition entre les entreprises. La balance commerciale n’est que le thermomètre de leur compétitivité et il faut leur donner les moyens, sur un certain nombre de secteurs – je pense qu’on ne peut pas le faire sur tous – d’être aussi voire plus compétitives que leurs concurrents. Fermer les frontières est juste un moyen de repousser le problème à un peu plus tard.

 

Le Moci. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères en charge du Commerce extérieur, fixe comme objectif ambitieux de quasi-doubler le nombre d’exportateurs sous le quinquennat, de 124 000 actuellement à 200 000 en 2022. Cela vous paraît-il réaliste compte tenu des faiblesses que vous avez mentionnées ?
S. B. Visez les étoiles et vous toucherez au moins la lune !
Il y a plusieurs manières d’envisager cette orientation. La première est de dire que ce n’est jamais que ramener notre nombre d’exportateurs au niveau de celui des Italiens, qui comptent environ 200 000 exportateurs. De ce point de vue, ça ne me semble pas un objectif irréaliste. Le problème c’est que ce n’est pas Jean-Yves Le Drian qui doit poser cet objectif, c’est Bruno Lemaire.

Pourquoi ? Parce que ce n’est pas un problème de commerce extérieur, c’est un problème de compétitivité des entreprises françaises. Vous allez à l’export quand vous avez les reins suffisamment solides, des produits suffisamment différenciés, des équipes suffisamment structurées. Si aujourd’hui on a que 120 000 exportateurs, c’est parce qu’on a probablement que 120 000 entreprises qui ont ces capacités-là.

Un Le Drian qui dit 200 000 entreprises qui exportent en 2022, ça me rappelle Nadine Morano, alors ministre en charge de l’apprentissage, qui avait lancé l’objectif de 800 000 apprentis. Or, ça impliquait de réformer l’enseignement secondaire, l’enseignement supérieur et la formation professionnelle. Comme ils n’ont rien fait de tout ça, on a toujours que 350 000 apprentis !

Toutefois, ce qui est nouveau, c’est qu’on a le sentiment que le gouvernement d’Édouard Philippe s’est mis dans une logique systémique : on réforme le marché du travail mais on réforme en même temps la formation professionnelle, et également la sélection dans les universités et le supérieur. Il essaye de bouger tous ces curseurs en même temps. Donc, je dirais que l’objectif de Le Drian, ce sera la conséquence de la compétitivité retrouvée de l’économie française. S’il croit dans les mesures visant à favoriser cette compétitivité, pourquoi pas 200 000 exportateurs dans cinq ans ?

 

Repère
Six plaies d’Egypte managériales
Stéphan Bourcieu les détaille ci-après, voici une « check-list » des six défauts managériaux qui freinent le développement international des PME françaises :
– Faible ouverture aux langues étrangères.
– Faible ouverture à l’interculturel.
– Peu de goût pour le risque.
– Individualisme dans l’action.
– Management centralisé par le dirigeant.
– Réticence à ouvrir son capital.

 

Le Moci. A quel type de mesure pensez-vous ?
S. B. Il y a les mesures fiscales qui doivent être mises en place, au-delà du CICE, il y a aussi des mesures sur la capacité d’innovation, ce que Macron appelle la start-up Nation, qu’il faudra traduire en actions concrètes. Mais il y a aussi un problème de fond sur les PME : la culture de nos dirigeants d’entreprises.

 

Le Moci. La culture de nos dirigeants de PME ?
S. B. Il y a plein d’aspects dans la culture de nos dirigeants de PME qui les amènent très loin de la mondialisation et donc de la capacité à s’ouvrir à l’international.

 

Le Moci. Vous évoquez ce problème dans votre essai de 2014. Avec notamment les résultats édifiants de l’enquête Eurobaromètre.
S. B. Il y a « six plaies d’Égypte » managériales, qui expliquent aussi l’incapacité des PME françaises à aller à l’international et que n’ont pas les Danone ou Airbus, nos grandes entreprises françaises qui sont les premières à avoir pris le pli de la mondialisation.

La première plaie managériale est enfin de comprendre que l’ouverture économique au monde passe par l’anglais ! Je suis un grand défenseur de la langue française, il n’y a aucun problème, mais on ne fait pas des affaires en français de par le monde. L’enquête Eurobaromètre, qui sonde les PME européennes tous les cinq ans – 7 000 PME européennes dont 404 françaises en 2015 – ne cesse de le démontrer : on ne comprend pas l’importance de l’anglais dans les PME françaises ! À la question « Est-ce que pour vous les langues étrangères sont importantes dans votre activité ? », les PME allemandes répondent oui à 70 %, les PME européennes oui à 61 % en moyenne, les PME françaises oui à 41 %. Ajoutez à cela que seulement 21 % des PME françaises considèrent que la maîtrise de l’anglais est une compétence attendue dans les futurs recrutements, cela confirme la profondeur de la plaie.

La deuxième plaie est la dimension interculturelle qui renvoie à des dimensions plus politiques qui ne sont pas le sujet ici : c’est notre rapport à l’étranger, aux autres pays. Toujours selon le dernier Eurobaromètre, seulement 17 % des PME françaises ont recruté des collaborateurs étrangers contre 28 % en Allemagne. Comment voulez-vous aller en Inde, pays d’une complexité extrême, si, à un moment ou à un autre, vous ne recrutez pas un collaborateur indien ? Le « board » d’Essilor en Inde est uniquement composé d’Indiens, pour beaucoup formés en France. Tant que vous n’avez pas compris que la dimension interculturelle est une richesse, vous ne pouvez pas vous développer à l’international aussi facilement.

 

Le Moci. Il y a la culture du risque aussi…
S. B. C’est la troisième plaie de nos PME françaises. On est quand même le pays qui subventionne le plus ses exportations. Vous trouvez que ça marche bien ? Plus on subventionne et moins ça marche !

Le problème est qu’à un moment donné, c’est tout l’écosystème qui doit prendre en compte cette dimension du risque, pas seulement les entrepreneurs : les banquiers, notamment, doivent accepter de financer du risque à l’export. C’est sûr qu’il est plus risqué d’aller au Kazakhstan ou en Iran qu’en Allemagne. En contrepartie, c’est potentiellement plus rentable d’aller au Kazakhstan et en Iran, où il y a moins de concurrence, qu’en Allemagne et en Belgique. Il faut sortir de la culture des subventions, accepter le risque. À cet égard, l’Allemagne, l’Italie, ont des écosystèmes autour des entrepreneurs qui ont une culture du risque bien plus ancrée que nous.

 

Le Moci. La quatrième plaie, c’est l’individualisme je crois…
S. B. Oui, on la retrouve chez nos dirigeants de PME qui, lorsqu’ils vont appréhender un marché étranger, préfèrent y aller tout seul. Il y a la fameuse expression française « chasser en meute » : elle n’est pas souvent mise en pratique. C’est là une vraie différence culturelle avec l’Italie. Quand les industriels d’un district italien décident d’aller à l’international, ils oublient qu’ils se détestent et qu’ils sont tous les jours en concurrence sur leur marché domestique. Et ça marche.

 

Le Moci. Ce n’est pas si éloigné d’une autre plaie qui est, selon vous, l’évolution du management…
S. B. La cinquième plaie de nos dirigeants de PME ou du moins d’une partie d’entre eux, est en effet leur réticence à accepter de nouvelles formes de management. Qu’il ait créé ou repris une entreprise, il est souvent seul actionnaire, seul manager. C’est ce qui fait d’ailleurs que son entreprise ne grossit pas : il est dans une logique de management où il veut tout maîtriser en direct, sans déléguer. Mais quand on veut aller à l’international, cela amène une complexité supplémentaire qui est la distance : il faut accepter de déléguer, de fonctionner par objectif, de faire confiance aux gens car ils vont être à distance.

 

Le Moci. La sixième plaie est un peu liée à ce dernier sujet…
S. B. Oui, c’est la question de la gouvernance des PME, qui renvoie au problème du haut de bilan des entreprises et donc à leur capacité de financement. On est dans un modèle de PME française où l’entrepreneur préfère souvent rester seul plutôt que de diluer sa part au capital : il préfère avoir 100 % de 10 plutôt que 10 % de 1 000. Cela a comme incidence que nos entreprises sont sous-capitalisées, et donc que c’est compliqué pour elles d’aller à l’export et d’y prendre des risques.

 

Le Moci. Que pensez-vous des nouveaux outils que sont les programmes « accélérateur PME » comme ceux développés par Bpifrance ou des programmes de mentorat export comme ceux proposés par l’association Stratexio, co-fondée par le Medef ? La solution ?
S. B. On a en effet résolu le problème de l’incubation des jeunes entreprises, maintenant le problème c’est l’accélération. Il y a d’autres approches mais le mentorat en est une bonne car un chef d’entreprise acceptera d’autant mieux de s’entendre dire qu’il fait mal que c’est un autre chef d’entreprise qui le lui dit. C’est donc une très bonne idée. Il manque à mon avis encore une dimension, qui est peut-être en train d’émerger avec la digitalisation de l’économie : le « reverse mentorat ». Je mentore un élève qui a monté une start-up sur le management, les fonds propres, etc. et son jeune dirigeant me mentore à son tour sur les aspects digitalisation de mon entreprise… Demander à de jeunes créateurs de startups de mentorer des dirigeants de PME sur ces aspects digitaux est une approche complémentaire à laquelle on devrait davantage s’intéresser.

 

Le Moci. Une autre évolution semble intéressante avec la maturation des pôles de compétitivité et leur regroupement. Il semble qu’à la longue, les réflexes de collaboration et d’action collective pour aller à l’international se développent
S. B. En effet, c’est par les pôles que ça peut passer. Cela fait 12 ans qu’ils ont été initialisés, il a fallu du temps pour les mettre en place. On a vu ceux qui marchaient, ceux qui ne marchaient pas. Cela dépend des régions, des secteurs, mais ce sont des structures qui ont gagné globalement en crédibilité. Utiliser ces pôles comme catalyseurs pour travailler en équipe et aller à l’international était l’un des objectifs d’origine et c’est à mon avis toujours le bon levier. Les pôles peuvent aussi jouer ce rôle de mentorat en mettant en relations des chefs d’entreprises et en faisant en sorte qu’il y ait une vraie coopération.
Cela dit il y a une limite, qui est un mal très franco-français : il faudrait qu’il n’y ait qu’une seule porte d’entrée pour l’international. Même si on a un peu clarifié le paysage, on a toujours le sentiment qu’on a une multitude d’acteurs et que le chef d’entreprise ne sait pas à qui il peut s’adresser. Pour moi, la clé d’entrée par les pôles est une bonne solution car c’est une clé d’entrée par des champs d’expertise, lesquels ne sont pas réducteurs mais sont larges. Quand on parle de la « Cosmetics Valley », on est sur des domaines où on ne retrouve pas un seul type d’entreprise mais différents types d’entreprises, qui ne sont pas en concurrence directe. Cela favorise donc les coopérations et le fait de pouvoir se développer à l’international ensemble.

 

Le Moci. Croyez-vous à l’idée d’un « guichet unique » comme meilleur moyen d’encourager les entreprises à s’internationaliser ?
S. B. C’est vrai que les entreprises sont sur-sollicitées par des acteurs qui parlent tous d’international et avec des schémas qui sont très différents les uns des autres. Les agences de développement régional parlent d’international, les services de développement économique des métropoles parlent d’international, évidemment Business France, évidemment les chambres de commerce, les régions… On a une multiplicité d’acteurs. Très souvent, les chefs d’entreprises s’intéressent à ça lorsqu’ils ont un problème précis et ne savent pas à qui s’adresser.

Est-ce que c’est d’une espèce d’aiguilleur dont ils ont besoin, capable de leur dire que sur tel problème c’est telle personne qui peut leur apporter une réponse ? En tout cas, ça a plutôt bien marché dans la création d’entreprise, où cette idée de guichet unique a d’abord émergé. Après douze ans de fonctionnement, les pôles de compétitivité, qui réunissent toutes les entreprises, grandes et petites, pas nécessairement en concurrence, sont probablement pertinents pour jouer ce rôle de « chef de gare ».

 

Le Moci. Notre palmarès des leaders de l’international en est la preuve chaque année, il y a quand même des PME qui sont extrêmement performantes, qui se développent à une rapidité fulgurante et dans la durée à l’international, comment expliquer cela ? Sont-elles des exceptions qui confirment la règle ?
S. B. Je pense que c’est plus que cela. Il ne faut pas l’oublier, on reste la cinquième puissance économique mondiale. Je ne sais pas si ces entreprises sont « born global », mais en tout cas elles ont compris que le marché français est important, mais qu’il n’est pas suffisant quand on veut une entreprise qui a une vraie ambition. On a des entreprises qui le font, et le font très bien, encore faut-il se donner cette ambition internationale et ne pas se mettre de barrière comme la langue ou la culture.

Je voudrais terminer sur une touche positive : on a aujourd’hui une génération d’étudiants qui a une capacité d’ouverture internationale qui est sans commune mesure avec celle de leurs prédécesseurs. En quinze ans, on a vu un changement radical. Ils arrivent sur le marché du travail, certains débutent sur le marché international. Vos confrères parlent de fuite des cerveaux, moi je pense que c’est une opportunité extraordinaire car on va avoir des gens multiculturels. Après il faudra être capable de les ramener dans nos entreprises, mais c’est une vraie bonne nouvelle.

Propos recueillis par Christine Gilguy

* « Commerce extérieur : anatomie d’un mal français ». Stephan Bourcieu (préface de Patrick Artus)- (Management Prospective Editions (M.P.E)-122 pages, 2014.

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