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Entreprises : comment réussir dans un pays en construction

Le Pérou offre toute une série de possibilités aux PME et entrepreneurs individuels, qui osent se lancer et défricher de nouveaux marchés. Pour réussir, il faut comprendre l’environnement des affaires, y adapter sa stratégie et, surtout, faire preuve de patience. Témoignages d’entreprises.

 

 

Delta Box : éclairer le marché avec un bon distributeur et une offre à valeur ajoutée

Basée à Chemilly-sur-Yonne (89), la société Delta Box est spécialisée dans la conception et la fabrication de balises lumineuses destinées à signaler les obstacles à la navigation aérienne : bâtiments, pylônes, ouvrages d’art, grues, etc. Le marché péruvien a été abordé en 2011 à l’occasion d’une mission collective organisée par la CCI Bourgogne.
« À l’export, nous travaillons par le biais d’importateurs-distributeurs dans les pays. Cette mission nous a permis de rencontrer des acteurs connaissant notre marché », explique Guillaume Thomis, responsable export pour l’Amérique latine de Delta Box.

Le résultat est positif puisque, grâce à ce déplacement, la société a identifié un importateur-distributeur. En 2012, une première grosse commande est obtenue : la livraison de 800 sphères de balisage pour une ligne à haute tension située dans le nord du Pérou. Trois autres contrats de moindre importance ont été obtenus par la suite.

Le Pérou serait-il devenu un Eldorado pour cette PME de l’Yonne ? La croissance économique, le développement des infrastructures et l’expansion de la navigation aérienne génèrent des débouchés. Mais le Pérou est un marché ouvert et concurrentiel. Le coût du transport des marchandises depuis la France est un handicap par rapport aux concurrents des États-Unis, d’autant que le Pérou est un marché où le prix joue un rôle important dans la décision d’achat. La solution consiste à jouer la carte de la différenciation par des facteurs autres que le prix, c’est-à-dire en proposant des solutions innovantes et à valeur ajoutée. « Pour fixer les balises, nous avons développé des mâchoires en silicone qui sont en contact direct avec le câble. C’est une solution plus économique pour l’utilisateur », explique Guillaume Thomis.

Par ailleurs, les processus de décision sont lents. Comme dans d’autres pays d’Amérique latine, les Péruviens ont souvent beaucoup de mal à apporter une réponse négative : il faut savoir décrypter les silences et lire entre les lignes. « Le Pérou est un marché intéressant, mais il faut savoir faire preuve de patience », conclut Guillaume Thomis.

 

Helinka : comment voler de ses propres ailes en hélicoptère

Guy Mogica a découvert le Pérou en 1995 lorsque la société Héli-Union, un exploitant d’hélicoptères en France, lui propose un contrat au Pérou de responsable technique de deux appareils qui travaillaient pour la prospection pétrolière. L’activité se développe bien au point que trois hélicoptères viennent grossir la flotte. « Je suis arrivé au Pérou comme mécanicien d’hélicoptères et je suis devenu base manager », explique Guy Mogica. Mais, en 2001, la société connaît des difficultés et il tente sa chance en Équateur, puis en Bolivie.
Guy Mogica retourne au Pérou en 2003 pour démarrer une carrière d’entrepreneur. Avec un associé français, il fonde Helinka, une société de transport de personnes et de marchandises lourdes en hélicoptère, dont il devient le directeur général. « Nous sommes spécialistes du transport de charge à longue élingue de 60 mètres. Nos hélicoptères transportent des équipements, des charges lourdes, sans avoir à atterrir », précise-t-il. Les principaux clients sont les sociétés minières et énergétiques. Une flotte d’une douzaine d’appareils est opérationnelle actuellement.

Helinka est un bel exemple de réussite d’un entrepreneur français au Pérou. Mais le parcours de son directeur général montre qu’il faut savoir faire preuve de ténacité et de courage pour réussir au Pérou. « Il y a un marché, mais on est toujours sur la corde raide. La moindre baisse de la demande a un impact immédiat sur la situation financière de la société », affirme-t-il. L’activité des clients varie d’une année à l’autre en fonction des investissements. « 2013 a été un de nos meilleurs exercices : nous avons fait la quasi-totalité de notre chiffre d’affaires avec des sociétés du secteur énergétique », complète-t-il.

La principale difficulté tient aux particularités de l’environnement des affaires. Le système fiscal est contraignant et il faut prévoir une trésorerie suffisante pour payer les impôts. À cela s’ajoute la lourdeur des charges patronales sur les salaires (40 % sur le brut des salariés et 14 mois de salaires). « Il faut avoir un bon matelas de trésorerie, c’est-à-dire au moins deux mois de chiffre d’affaires en caisse », précise Guy Mogica. À cela s’ajoute le problème de l’insuffisance du niveau global de formation des salariés péruviens, en raison des déficiences du système scolaire et universitaire péruvien. « Il existe un vrai décalage entre la manière de travailler au Pérou et en Europe. Il faut trois salariés locaux pour réaliser le travail d’un Européen », rapporte-t-il.

En dépit de ces obstacles, Guy Mogica tire un bilan positif de son expérience. Lorsqu’on lui demande quels conseils il adresserait à des investisseurs débutants, il rappelle la nécessité de tenir compte des contraintes de trésorerie et des lourdeurs administratives. « Il faut faire preuve de constance et aussi tout simplement de bon sens », conclut-il.

 

Busportal : démarrer la vente en ligne de billets de bus

Arrivé au Pérou en 2011 à l’âge de 25 ans pour faire un MBA à Pontificia Universidad Catolica del Peru, une des plus prestigieuses universités péruviennes, et pratiquer le surf, Karol Riboud a découvert, à l’occasion d’un voyage dans le nord du pays, qu’il n’est pas aisé d’y voyager. Non seulement acheter un billet de bus n’est pas simple, en raison de la multiplicité des compagnies existantes (plus de 400), mais il est aussi difficile d’utiliser sur place Internet et le téléphone.

D’où l’idée, avec plusieurs associés, d’imaginer un « Opodo du bus » (agence de voyage en ligne) et de monter une équipe d’ingénieurs péruviens dans ce qui paraissait une niche à fort potentiel de développement. Avec la croissance économique au Pérou et l’augmentation du nombre de visiteurs étrangers, l’utilisation des bus, moyen de transport traditionnel, faute de réseau ferré, a fortement progressé (67 millions de billets vendus cette année).

Cependant, la concrétisation du projet Busportal de Karol Riboud s’est apparentée à un véritable parcours du combattant. Outre les heures interminables de travail, il a fallu vaincre la réticence des compagnies à fournir des données, faire face au départ du chef de projet, rechercher des fonds, etc.

En mai 2012, Karol Riboud convainc une compagnie péruvienne, Turismo Civa, de vendre en ligne directement sur le site Busportal.pe. Finalement, la consécration est venue en décembre 2013. Wayra, une entité du groupe espagnol Telefonica chargée de promouvoir des start-up innovantes, sélectionne le projet. Busportal.pe bénéfice alors d’un financement de 50 000 dollars, d’un hébergement dans l’incubateur de Wayra au Pérou et d’un accompagnement pendant neuf mois.

Plus récemment, la société Busportal.pe a été sélectionnée pour représenter le Pérou au concours mondial des « Seedstars World », qui se tiendra à Genève en février 2015 et rassemblera 32 sociétés en provenance d’autant de pays. L’enjeu : un prix de 500 000 dollars.

Actuellement, 2 000 ventes de billets sont effectuées chaque mois, un chiffre qui triple aisément pendant l’été austral (décembre-mars) qui est la « saison haute ». Sept compagnies de bus, dont la 2e, la 3e et la 4e, ont adhéré à Busportal.pe. Karol Riboud et Denis Leroux, le directeur général associé qui participe au projet depuis le début, veulent maintenant aller plus loin, examinant les possibilités de diversification (billets d’avion, hôtellerie, etc.) et d’internationalisation. « Nous avons étudié plusieurs marchés d’Amérique latine. Le Mexique nous semble particulièrement intéressant », précise Karol Riboud. Une décision sera prise dans les prochains mois.

Lorsqu’on l’interroge sur les « leçons » de son expérience, Karoul Riboud répond immédiatement : « Il faut être persévérant. Pour réussir un investissement ici, il faut au minimum entre trois et cinq ans ».

Daniel Solano

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