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Dossier Turquie 2016 : ces PME qui ont surmonté les écueils du business « alaturca »

Giftibox, dans le coffret-cadeau, MTM-TU, dans le conseil en optimisation des processus de production, Batigreen, dans le meuble de salle de bain : trois PME « alafranga » (à la française) qui ont su s’adapter aux codes bien particuliers du marché turc.

 

Le marché turc n’est pas d’un accès facile. « Il faut bien comprendre la culture des entreprises turques, bien intégrer leurs règles », prévient Léon Coşkun, président du cabinet Mazars-Denge. Son premier conseil : s’adapter à la grande réactivité du marché turc. « Les décisions se prennent très vite dans le secteur privé turc. Il arrive que l’associé étranger ne soit pas en mesure de se décider assez vite ».
Deuxième écueil : la structure très hiérarchisée de l’entreprise turque, où seul le « patron » décide, et où il est en conséquence parfois difficile d’avoir accès à cette unique instance de décision. Dans une enquête réalisée en 2015, la Chambre de commerce et d’industrie franco-turque (CCIFT) mentionne un troisième paramètre d’importance : « La négociation n’est jamais vraiment finie. (…) Des circonstances nouvelles peuvent pousser le Turc à revenir sur ce qui a été conclu. »
Il faut aussi savoir s’accommoder d’une application fluctuante des lois, complète Léon Coşkun : « La comptabilité de certaines PME turques ne reflète pas toujours la réalité, et certaines pratiques peuvent ne pas être acceptables pour un investisseur étranger, comme ne pas déclarer une partie des salaires. » Chacun à leur façon, Remy Asensio (Giftibox), Emmanuel Calvez (MTM-Toplam Üretkenlik) et Gilles de Soria (Batigreen), trois patrons de PME, ont été confrontés aux défis posés par ces règles du jeu particulières et les ont surmontés, non sans mal parfois.

 

Giftibox
Comment allier innovation et goût local avec le coffret-cadeau

 

Quand Rémy Asensio a fondé Giftibox en 2011 à Istanbul, le produit vendu par son entreprise était encore inédit en Turquie : le « coffret-cadeau d’expériences », permettant à une société d’offrir à ses clients, ses employés ou encore ses prospects une séance de spa, un dîner, une activité sportive ou d’aventure… « Ce système, connu en France, répondait à un vrai besoin des entreprises, à cheval entre le cadeau spécifique et le chèque-cadeau impersonnel », résume l’entrepreneur.
Ingénieur en informatique et télécoms, Rémy Asensio connaissait déjà bien la Turquie, où il travaillait depuis 2008 chez Honeywell. Il a ainsi pu adapter son concept à la mentalité turque, en ajoutant des produits consommables – articles de sport, de mode, cosmétiques… – à ses coffrets. « La Turquie reste un pays en développement, où la possession demeure un élément important, tandis qu’en France on est plus en recherche d’évasion », explique Rémy Asensio.
Si l’aspect juridique de la création d’entreprise – sur fonds propres, avec des business angels (actionnaires passifs) en France et en Turquie – n’a pas posé de problème, il a fallu six mois à la jeune start-up pour réaliser ses premiers coffrets et mettre en place son réseau de prestataires de services. Or, entre-temps, le concept avait été développé par d’autres entrepreneurs. « On s’est retrouvé à cinq acteurs sur le marché à se partager un gâteau qui n’existait pas au moment de lancer le projet », relate le jeune patron.
Giftibox parviendra pourtant à surnager, au prix d’une nouvelle levée de fonds, et à, finalement, s’imposer, se hissant même au rang de numéro un du marché. « Notre carte pour nous en sortir, ç’est le professionnalisme, la qualité, le suivi de nos services, tenir nos promesses et être « royal » si ça ne se passe pas comme prévu », indique Rémy Asensio. Son entreprise, qui emploie neuf personnes, a connu son premier bilan positif en 2015.

 

MTM-TU
Comment introduire le concept de gestion du temps en entreprise

 

Emmanuel Calvez est unique en son genre en Turquie. Fondateur en 2013 du cabinet de conseil MTM-TU (MTM-Toplam Üretkenlik), il est le seul formateur agréé au MTM, le Measurement Time Management, une méthode visant à améliorer la productivité des entreprises à travers l’analyse détaillée des gestes fournis par leurs employés, le design des produits, de l’environnement de travail et des processus de production.
Pour cet ingénieur d’origine bretonne, installé depuis 1998 à Istanbul, où il a d’abord travaillé chez Legrand, les besoins du marché turc sont immenses : « Il y a beaucoup de valeur non-ajoutée : les gens travaillent beaucoup, transpirent mais ça ne se transforme pas en plus-value. Du coup, la Roumanie, la Pologne sont moins chères et le travail commence à partir vers ces pays ». En tentant de faire passer son message, le jeune entrepreneur s’est cependant heurté à un plafond de verre : celui de la structure très hiérarchique de l’entreprise turque et de l’accès aux décideurs. « Les ingénieurs étaient enthousiastes, mais pour obtenir un résultat, il faut atteindre les P-dg. » Pour « créer » son marché, Emmanuel Calvez s’est démultiplié : en marge de la prospection qu’il mène pour son entreprise, il préside une association du MTM, donne des cours en université.
Après trois ans difficiles, ses efforts commencent à porter des fruits. Il travaille désormais avec des grands groupes comme Tofak (Fiat, automobile), BSH, Arçelik, Vestel (électroménager), Vaillant (chaudières). « Nous avons semé des graines et il leur faut du temps pour pousser. Les dirigeants qui connaissent le MTM le veulent systématiquement, les autres ne parviennent pas encore à réaliser l’enjeu », commente l’entrepreneur.

 

Batigreen
Des Français qui meublent la France en produisant en Turquie

 

Gilles de Soria et son épouse Jordane Simha sont venus à la production de mobilier de salle de bains après avoir mené plusieurs expériences professionnelles, d’abord, à Paris dans des cabinets et banques d’affaires, puis à Istanbul en créant en 2007 une société de cartes-cadeaux multi-boutiques, qui a été rachetée deux ans plus tard par une filiale d’Accor, enfin, en se lançant sur le marché des panneaux solaires.
Envisageant de faire fabriquer leurs produits en Turquie pour les proposer aux promoteurs immobiliers français, le couple à l’époque a lancé une étude de marché. « On a senti qu’il n’y avait pas un réel intérêt pour le projet. En revanche, on nous a dit qu’il y avait besoin de meubles de salles de bains, de receveurs de douche. Or, nous savions qu’il y avait en Turquie un savoir-faire, un dynamisme pour ces produits », se souvient Gilles de Soria. « On est sorti de ces réunions (avec les promoteurs immobiliers) avec notre cahier des charges. Nous nous sommes précipités, nous avons visité les usines. En quelques mois, nous avons créé une gamme de produits » et, en 2011, la société Batigreen qui s’est rapidement constituée une clientèle.
Pourtant, l’affaire aurait pu mal tourner. « Les entreprises turques avec lesquelles nous travaillions alors nous fournissaient des produits finis, qui ne correspondaient pas à l’exigence de qualité de nos clients. Nos fournisseurs étaient limités en qualité, mais leur façon de travailler n’était pas non plus satisfaisante », résume l’entrepreneur, évoquant le comportement de certains fournisseurs prêts à délaisser sa commande pour se concentrer sur un plus gros contrat.
Du coup, pour ne pas perdre ses clients, le couple s’est résolu en 2015 à investir dans ses propres chaînes d’assemblage. « Désormais, nous sommes maîtres de la qualité de nos produits. Quand un miroir est ébréché, on le renvoie au fournisseur. Mais le produit fini, lui, quand il part en France, est impeccable », commente Gilles de Soria. Le résultat ne s’est pas fait attendre, avec le référencement en 2015 de Batigreen par un leader de la promotion immobilière en France, qui lui a confié un marché d’environ 6 000 logements par an.

Nicolas Cheviron à Istanbul

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