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Relations bilatérales : les entreprises françaises doivent profiter du franc fort

L’appréciation début 2015 du franc suisse par rapport à l’euro est très pénalisante pour la Suisse, qui livre un tiers de sa production à l’étranger et réalise 60 % de ses exportations dans l’Union européenne. À l’inverse, c’est une bonne nouvelle pour les opérateurs de la zone euro. À condition, toutefois, de s’adapter à la pratique des prix élevés dans l’alimentation et à la politique du « Swiss Made ».

 

Il y a six mois, le 15 janvier, la Suisse subissait « un choc monétaire, après la décision de la Banque centrale d’abandonner le taux plancher de sa monnaie par rapport à la devise européenne », rappelle Florence Dobelle, chef du Service économique à l’ambassade de France à Berne.

En effet, en quelques minutes, le franc suisse s’appréciait de 20 % par rapport à l’euro. Depuis, le commerce extérieur helvète a déraillé. Alors qu’en Suisse l’activité est générée pour un tiers par les exportations, l’Administration fédérale des douanes (AFD) – qui ne prend pas en compte les échanges d’or, de métaux précieux et d’objets d’art – a annoncé une baisse de 4,2 % des ventes à l’étranger entre janvier et mai.

« Les exportations suisses, peu sensibles à l’élasticité prix, en raison de leur spécialisation et de la réputation des produits, souffrent cependant, notamment dans le domaine de la mécanique, des équipements électriques et des métaux. Le tourisme et le secteur bancaire, dont les prestations sont facturées en francs suisses, souffrent aussi », commente Florence Dobelle.

Cette année, le Centre de recherches conjoncturelles (Kov) de l’École polytechnique fédérale de Zurich (EPFZ) prévoit une petite hausse du produit intérieur brut de 0,4 %. Pas de quoi rassurer, d’autant que nul ne pouvant prédire avec certitude l’évolution de l’euro, la parité avec le franc pourrait encore évoluer.

Or, l’Union européenne (UE) absorbe environ 60 % des exportations helvétiques. Vu de Paris, on pourrait se féliciter que les marchandises de la zone euro deviennent mécaniquement moins coûteuses. Mais, déjà dans un premier temps, force est de constater un reflux des importations de l’État fédéral : – 7,4 % pendant les cinq premiers mois. Dans un second temps, ce sont l’Allemagne et l’Italie, premier et deuxième fournisseurs étrangers, qui en bénéficient le plus. Ces deux nations européennes ont ainsi devancé la France (voir chiffres clés ci-dessous). Globalement, de l’automobile à l’agroalimentaire, les biens de consommation de la zone euro devraient tirer profit de la nouvelle situation. La distribution alimentaire suisse a déjà commencé à diversifier ses approvisionnements dans l’UE. Mais la France n’est pas toujours la mieux placée.

Dans les fruits et légumes, par exemple, l’Espagne devrait être le principal bénéficiaire. Encore faut-il s’adapter au système fédéral. En Suisse, les producteurs étrangers ne pouvant livrer directement les distributeurs, il faut passer par des importateurs. La détention d’une licence d’importations est obligatoire. Résultat : les intermédiaires ont tendance à se garder la marge. « De véritables cartels et groupes d’intérêts se forment, ce qui explique que les prix soient si élevés, ce que les consommateurs suisses, qui en sont pourtant les premières victimes, acceptent », reconnaît un industriel de la zone euro.

Or, ce système ne risque pas d’être modifié. En 2011, le Parlement suisse a rejeté le principe de négociation d’un accord agroalimentaire entre la République helvétique et l’UE. Berne et Bruxelles ont, toutefois, conclu quelques accords sectoriels. Des contingents ou des droits de douanes spécifiques ont été instaurés. Seul produit bénéficiant d’une liberté totale de commerce, le fromage. Du moins en apparence. Car la Suisse défend le « Swiss Made », « symbole, selon elle, de qualité, de précision et de longue durée de vie : des caractéristiques pour lesquelles les consommateurs étrangers sont prêts à payer un certain prix. Les producteurs ont en Suisse la possibilité d’utiliser le label Swissness ».

Dans la pratique, Berne impose un contenu local supérieur aux règles d’origine établies dans l’UE (50 % d’ingrédients européens). En l’occurrence, les emballages des fromages « Swiss Made » sont signalisés sur leur emballage par une petite croix rouge. Vu de Bruxelles, il s’agit clairement de protectionnisme, d’autant que le contenu local varie selon les produits. Par exemple, pour le beurre, le jambon et le pâté, le taux s’élève à 80 %. Le « Swiss Made », il faut le reconnaître, a eu des effets bénéfiques sur l’économie suisse. C’est ce système qui lui a permis de détenir le monopole mondial de la belle horlogerie. Des marques étrangères ont tiré parti de cette appellation, à l’instar de Chanel, Hermès, Dior, Vuitton ou Gucci. Hermès, par exemple, fabrique à Bienne. Aujourd’hui, l’horlogerie de luxe résiste encore bien au franc fort.

Globalement, la France est le quatrième investisseur de la République helvétique et même le deuxième, derrière les Etats-Unis, en excluant « le Luxembourg et les Pays-Bas, sièges de holdings », remarque-t-on au Service économique. Alors que dans un communiqué en date du 1er juin Holcim et Lafarge annonçaient la finalisation de leur projet de « fusion » pour « juillet 2015 », une autre grande opération s’était déroulée l’année précédente, avec la reprise par l’homme d’affaires Xavier Niels d’Orange Suisse (devenu Salt) au fonds d’investissement britannique Apax. Au total, les investisseurs de l’Hexagone contrôlent « environ 1 100 sociétés, employant 60 000 salariés et un chiffre d’affaires combiné de 60 milliards d’euros », selon le Service économique. Avec toute une série de domaines en progression, comme l’aéronautique, le numérique et les technologies propres. Mais aussi des pôles d’excellence comme les banques et les assurances. Axa possède ainsi 30 % du marché de l’assurance-vie et 19 % du non-vie.

François Pargny

Chiffres clés du commerce extérieur suisse (2014)

Exportations, en milliards de francs suisses (CHF) : 208
Importations, en milliards de francs suisses (CHF) : 178

Exportations : principaux clients
Allemagne : 39 milliards de francs, 18,5 %
Etats-Unis : 26 milliards de francs, 12,4 %
France : 15 milliards de francs, 7,2 %

Importations : principaux fournisseurs
Allemagne : 51 milliards de francs, 28,7 %
Italie : 18 milliards de francs, 9,9 %
France : 14 milliards de francs, 8,1 %

Les trois principales branches exportatrices
Industrie chimique et pharmaceutique : 85 milliards de francs, 41,0 %
Instruments de précision, horlogerie et bijouterie : 47 milliards de francs, 22,6 %
Industrie des machines, des appareils et de l’électronique : 33 milliards de francs, 16,0 %

Source : Administration fédérale des douanes (AFD)

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