Dans le Grand Sud de la France, toutes les régions ont signé un plan régional d’internationalisation des entreprises (PRIE), à l’exception du Languedoc-Roussillon. Toutefois, elles devront adapter leur stratégie au découpage qui résultera de la réforme territoriale en préparation. Le gouvernement souhaite rapprocher Rhône-Alpes de l’Auvergne et Midi-Pyrénées du Languedoc-Roussillon.
Dans le Grand Sud, toutes les régions (Auvergne, Rhône-Alpes, Provence Alpes Côte d’Azur, Corse, Midi-Pyrénées, Aquitaine) ont élaboré un plan de régionalisation des entreprises à l’internationalisation (PRIE) pour trois ans, à une exception notable, le Languedoc-Roussillon. Historiquement, le Conseil régional a toujours affiché son indépendance vis-à-vis des initiatives de l’État. Le fait que le concept de PRIE ait été lancé sous le gouvernement Ayrault par une ministre socialiste, Nicole Bricq, alors chargée du Commerce extérieur, n’aura manifestement pas suffi. La Région, socialiste, présidée pendant plus de six ans et demi par Georges Frêche (mars 2004-octobre 2010), puis Christian Bourquin (décédé le 26 août dernier), « bien qu’elle ait confié dans un premier temps au cabinet Sémaphores le soin de définir une stratégie pour un PRIE, n’a jamais poursuivi les consultations promises avec les partenaires régionaux », explique-t-on à Montpellier.
À l’initiative de Nicole Bricq, les élus ont préféré privilégier le schéma de développement économique régional (SRDE) et, se ravisant entre-temps sur la nécessité de concocter un PRIE, ont décidé en définitive d’intégrer un volet international dans le SRDE. Hormis donc le Languedoc-Roussillon, tout le Grand Sud possède son PRIE. Reste que ces plans ayant comme chefs de file les Régions devront être fondus un jour dans la réforme territoriale voulue par le président de la République.
Rhône-Alpes et l’Auvergne, par exemple, devraient constituer une seule grande région, « une fusion acceptée par les deux présidents de Région », se félicite-t-on à Clermont-Ferrand. Midi Pyrénées, de son côté, doit être marié au Languedoc Roussillon, un projet que Christian Bourquin et son successeur Damien Alary ont toujours combattu, alors que Martin Malvy, le président de Midi-Pyrénées y est favorable. « Je crois au pouvoir des coopérations, pas à la fusion des régions. Je suis prêt à intensifier les coopérations avec Midi-Pyrénées, avec l’Auvergne, avec laquelle on travaille déjà beaucoup, notamment sur l’opération Massif Central » (le groupement d’intérêt public Massif Central réunit les Conseils régionaux d’Auvergne, de Bourgogne, de Languedoc-Roussillon, du Limousin, de Midi-Pyrénées et de Rhône-Alpes), avait déclaré Christian Bourquin à l’AFP. « Si Toulouse a besoin d’une ouverture sur la Méditerranée, je suis prêt à jouer une coopération », avait-il alors ajouté. « D’un point de vue technique, confie-t-on chez un opérateur de la Ville rose, le véritable enjeu du rapprochement interrégional est la proximité avec les entreprises.
Midi-Pyrénées, avec ses huit départements, est déjà la région la plus vaste de l’Hexagone. Avec le Languedoc-Roussillon, la question de la proximité sera d’autant plus forte que la compétence économique des départements s’amenuise au profit des régions ». La solution à ce problème sera encore plus ardue, si les départements sont supprimés. S’agissant des spécialisations sectorielles, le Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées sont complémentaires, estime ce responsable à Toulouse. « Notre voisin, observe-t-il, est tourné vers l’agroalimentaire, le vin et le tourisme, alors que nous sommes plus diversifiés et orientés vers l’industrie. Et le Languedoc-Roussillon possède aussi une agence de développement dédiée à l’export, Sud de France Développement, et des implantations à l’étranger ». Pour autant, dans le volet international de son SRDE, l’agroalimentaire n’est pas mentionné comme une priorité. Sept secteurs stratégiques, qui ne reprennent pas les familles de produits déterminées en son temps par Nicole Bricq – mieux se nourrir, mieux se soigner, mieux communiquer, mieux vivre – sont cités : eau, thérapies innovantes, données numériques, transition industrielle et énergétique, entreprenariat, innovation, économie littorale, valorisation des cultures méditerranéennes et tropicales.
Pas de cibles géographiques en dehors des destinations traditionnelles, Méditerranée et Afrique, qui sont incontournables, le Languedoc-Roussillon possédant 240 kilomètres de façade maritime en bordure de la mare nostrum. En octobre dernier, le Conseil économique social et environnemental régional (Ceser) s’inquiétait du large déficit commercial avec les pays sud-méditerranéens, hormis l’Algérie. En revanche, le Ceser se félicitait de la « volonté d’agir » de la Région au travers de la société d’économie mixte Sud de France Développement et d’outils adaptés, comme la Maison de la Région à Casablanca. Le SRDE met aussi en avant la nécessaire coopération à l’international, y compris pour l’attractivité des investisseurs étrangers sur le territoire, entre tous les partenaires régionaux (CCI International, Direccte, Bpifrance, Coface…). Mais de façon générale, chacun s’interroge sur la capacité de la région à passer à la vitesse supérieure, alors que le Languedoc-Roussillon occupe une modeste 19e place dans le classement des régions françaises exportatrices.
À l’inverse de Midi-Pyrénées, le Languedoc-Roussillon n’a pas conclu de convention de coopération avec Ubifrance. En Midi-Pyrénées, le partenariat noué avec l’agence publique de développement des entreprises doit aider à atteindre les objectifs ambitieux fixés dans son PRIE : sensibiliser 400 petites et moyennes et entreprises de taille intermédiaire (PME et ETI) primo-exportateurs à la culture internationale et accompagner individuellement dans la durée 100 PME et ETI à fort potentiel export. Midi-Pyrénées a été la première région à conclure un accord avec Ubifrance à l’occasion d’un PRIE. Preuve, au demeurant, que les deux partenaires comptent sur une association fructueuse, Franck Edelaar, chef du bureau Économie et export au Conseil régional, partage son bureau avec le directeur régional d’Ubifrance, Philippe Eeckhoutte. D’autres collectivités dans l’Hexagone sont liées à Ubifrance par une convention.
La première à signer en France, le 21 décembre 2006, a été la Collectivité territoriale de Corse (CTC). Les deux partenaires se sont alors entendus pour que la Corse alloue à l’agence nationale 1,3 million d’euros par an pour les sociétés corses. Cette convention a été actualisée le 21 novembre 2011. L’intérêt de cette association, rappelé dans le plan régional d’internationalisation des entreprises de Corse (PRIEC), est de permettre aux acteurs locaux de s’appuyer « sur les compétences et les expertises de ses 1 400 collaborateurs multiculturels répartis dans le monde et d’alléger le coût de toutes les prestations d’Ubifrance servies aux entreprises corses », qui peuvent bénéficier encore d’un « accompagnement personnalisé, adapté à leurs besoins, à un coût privilégié », est-il rappelé. La CTC ne s’est pas arrêtée en si bon chemin, puisqu’elle a multiplié les conventions, en particulier avec Coface et Oseo (devenu Bpifrance). Les garanties gérées pour le compte de l’État par l’assureur peuvent ainsi s’ajouter aux financements et garanties de la banque publique Bpifrance et au dispositif d’aides régionales directes à l’export.
2006 et 2007 ont été des années cruciales pour l’export en Corse, puisqu’un plan régional export a aussi été concocté. Et ont également été créés le Conseil pour le développement des exportations (Codex), réunissant tous les acteurs publics, et la mission Corsexport au sein de l’Agence de développement économique (Adec). « Nous avons fonctionné selon le modèle du plan régional export jusque fin 2013, date de l’adoption du PRIEC qui prolonge en quelque sorte le plan », souligne Michèle Cristol, responsable de la mission Corsexport. Quelques précisions ont, toutefois, été apportées.
Ainsi, « dans une petite région d’exportation comme la Corse, les partenaires ont considéré qu’il serait utile de formaliser par écrit la participation de la Chambre des métiers au Codex, alors que ses membres sont moins tournés que d’autres vers l’export », précise Michèle Cristol. Par ailleurs, le Codex a décidé de mettre en place « un dispositif coordonné », le Réseau territorial export de Corse (Retexco) pour assurer une couverture totale du territoire. Le PRIEC ne devrait pas connaître de modifications substantielles avant son terme en 2016. La Corse n’est pas directement concernée par la réforme territoriale. Elle ne souhaite, d’ailleurs, pas de changement, alors qu’il fut une époque l’île méditerranéenne était associée à Provence-Alpes-Côte d’Azur.
D’autres régions, au contraire, vont être touchées par le nouveau découpage. En l’occurrence, dans le Grand Sud, l’Aquitaine doit être associée au Limousin et à Poitou-Charentes. Selon son président, le socialiste Alain Rousset, également à la tête de l’Association des régions de France (ARF), l’enjeu ne se situe pas au niveau de la taille mais des moyens économiques financiers. Le patron de l’ARF souhaite que la réforme territoriale soit adoptée rapidement, mais estime que la puissance des régions de l’Hexagone est insuffisante par rapport aux länder allemands.
Le pouvoir économique des régions fait débat au moment même où l’État leur demande et exige des compagnies consulaires des économies. En Aquitaine, les contraintes budgétaires ont freiné l’avancée de certains projets innovants dans le PRIE, comme l’internationalisation des clusters ou la constitution d’incubateurs à l’étranger (Allemagne, Brésil et Chine). La crise économique a aussi un impact sur la demande des entreprises. Dans toute la France, les opérateurs notent « un repli sur soi plus ou moins prononcé de certaines entreprises ». Du coup, les uns comme les autres privilégient de plus en plus l’action individuelle sur l’accompagnement collectif.
François Pargny