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Environnement des affaires et infrastructures : les grands défis du futur au Cameroun

Le Cameroun a deux grandes ambitions : devenir un pays émergent à l’horizon 2035 et un hub logistique en Afrique centrale. Mais, si les grands travaux d’infrastructure dans les routes ou les barrages progressent, le port de Douala est à l’heure actuelle engorgé et les réseaux d’électricité et de communications sont défaillants. L’environnement des affaires demeure difficile.

Depuis que le Cameroun affiche sa volonté de devenir une nation émergente à l’horizon 2035, chacun s’interroge sur la capacité de l’État à engager les réformes promises pour assurer le développement économique et social. L’environnement des affaires, en particulier, est si souvent décrié que la nouvelle loi sur l’investissement, en date du 18 avril 2013, crée plus de scepticisme que d’enthousiasme dans le monde économique. D’abord, cette promesse législative à l’adresse des investisseurs locaux et internationaux n’est pas associée à un renforcement de la sécurité juridique, laissant ainsi dubitatif jusqu’au Fonds monétaire international (FMI). Ensuite, « elle est introduite au moment où l’Administration fiscale multiplie les contrôles et accroît sa pression sur le secteur privé formel », regrettent les entrepreneurs résidents sur place, notamment les Français qui sont les premiers investisseurs au Cameroun.

Sans compter qu’à l’origine, la loi ne devait profiter qu’aux nouveaux investisseurs. Dans une économie dépendante des investissements directs étrangers (IDE), ce parti pris a été très mal perçu par les opérateurs engagés de longue date dans le pays. En définitive, la mobilisation de ceux qui comptent sur le terrain a été suffisante pour que les bénéfices du texte soient élargis aux réinvestissements, 50 % des avantages apportés aux nouveaux investisseurs étant accordés dorénavant aux entreprises injectant des capitaux supplémentaires sur place.

Les IDE sont d’autant plus importants dans un pays où le secteur privé local pèse relativement peu. L’économie nationale reste encore largement administrée par l’État. « Certes, le principal syndicat, le Groupement inter patronal du Cameroun (Gicam), et son président, André Fotso, qui est vrai capitaine d’industrie, juge un de ses pairs, est parvenu à initier un dialogue avec les pouvoirs publics, mais, dans les faits, ils sont encore très peu écoutés ». Avec le soutien de la Société financière internationale (SFI), « un dialogue privé-public a bien été instauré au sein du Cameroun Business Forum (CBF), portant sur l’environnement des affaires », constate le dirigeant d’une compagnie européenne. Mais, selon lui, « le comité du suivi du CBF a établi qu’à peine 40 % des mesures prônées ont été appliquées ».

« C’est comme le port de Douala. L’État avance quelques mesurettes, mais il est toujours aussi engorgé, ce qui est le comble pour une infrastructure devant servir les ambitions du pays de devenir un hub logistique en Afrique centrale », rapporte un utilisateur régulier du port. Récemment, en effet, « pour accélérer le trafic de marchandises, quatre nouveaux portiques ont été mis en service, le parc à bois a été aménagé et le dragage des quais a repris », commente Pascal Maccioni, chef du service économique régional (SER) pour l’Afrique centrale, basé à Yaoundé. Pour autant, les opérateurs dans leur ensemble laissent percer leur pessimisme à court terme, car la congestion de l’ouvrage ralentit leur activité.

Érigé par China Harbour Engineering Company (CHEC) et financé en partie par Exim Bank of China, le port de Kribi, plus au sud, deviendra une alternative crédible quand l’ensemble des infrastructures liées à son fonctionnement seront terminées. Selon Pascal Maccioni, il faudra encore attendre environ un an. Necotrans, APMT (Maersk) et le Philippin ICTSI sont candidats à la gestion du terminal polyvalent. Bolloré va devoir aussi férailler avec le danois et le philippin pour le terminal à conteneurs. En revanche, la réalisation des voies de communication, desserte routière et extension de la voie ferrée, demandera plus de temps.

Razel est chargé de réaliser la route qui mène au port. Dans le cadre des financements accordés par l’Agence française de développement (AFD), le groupe français a, par ailleurs, gagné le contrat de l’accès Est de la ville de Douala vers Yaoundé, le chantier de l’entrée ouest n’ayant pas encore été attribué. L’axe « lourd », l’autoroute entre les deux capitales, économique et politique, doit, quant à lui, été réalisé par China First Highway Engineering Company (CFHEC). Les chantiers routiers ne manquent pas. Ainsi, Sogea Satom va construire le deuxième pont sur le Wouri, à Douala, toujours sur fonds AFD, et China Communications Construction Company LTD doit compléter sur 10 kilomètres l’autoroute entre Yaoundé et l’aéroport international de Nsimalen.

« Les projets d’investissements publics dans les routes, l’eau et l’électricité avancent bien. Un grand programme d’électrification pour les années 2017-2019 a, d’ailleurs, été mis en place », constate Pascal Maccioni. Pour tripler la production d’électricité, qui était encore inférieure à 1 000 mégawatts (MW) fin 2013, Yaoundé a annoncé des investissements de l’ordre de 12 milliards de dollars. Le Cameroun disposerait du second potentiel hydroélectrique d’Afrique subsaharienne, avec 19,7 giga watts (GW), et les industriels attendent avec impatience la fin de la construction des grands barrages, comme Mekin et Memve’elle et surtout le complexe hydroélectrique de Lom Pangar, qui va permettre de réguler la rivière Sanaga.

Réalisée par Électricité de France (EDF), la troisième centrale hydroélectrique du pays à Nachtigal sur la Sanaga est ainsi destinée à alimenter Aluminium du Cameroun (Alucam), une entreprise créée par le français Péchiney en 1967. Présent dans son capital depuis 2006 à parité égale avec l’État camerounais, le géant minier Rio Tinto a annoncé sa sortie d’Alucam à la fin de l’année pour des raisons stratégiques. Un retrait qui ne signifie pas son départ du pays, puisque ce groupe mondial veut étendre sa production d’aluminium à Edea et établir une nouvelle unité à Kribi. Mais ces deux projets sont conditionnés à la réalisation de grands ouvrages, Lom Pangar et Nachtigal pour le premier, le barrage de Song M’Bengue pour le second.

En attendant l’aboutissement des grands chantiers, industriels et ménages doivent se préparer et s’adapter aux coupures d’électricité et aux délestages courants. De même, dans les télécommunications, le retour tardif de l’opérateur historique Camtel dans le mobile ne semble pas devoir apporter un grand changement à la qualité moyenne et au coût élevé des communications. « En revanche, le vietnamien Viettel, qui avait obtenu l’exclusivité sur la 3G jusqu’à fin 2014 pour sa filiale Nexttel, va devoir compter dès l’année prochaine avec la concurrence des deux poids lourds du secteur, le français Orange et le Sud-Africain MTN », explique Gérald Petit, directeur du bureau d’Ubifrance pour l’Afrique centrale.

Or, les opérateurs économiques sont aujourd’hui très attentifs à l’introduction du haut débit sur Internet et la baisse des prix des communications. À ce jour, le coût normal des communications pour un bureau de cinq personnes s’élève en moyenne à environ 1 600 euros par mois, un chiffre très élevé, qui constitue un sérieux frein au développement économique. « L’arrivée de la 3G doit, en
particulier, permettre l’entrée au Cameroun d’une nouvelle offre de services, dans la banque par exemple ou encore dans la santé », délivre Gérald Petit.

Le FMI prévoit une croissance économique de 5,1 % cette ananée, ce qui n’est déjà pas assez compte tenu de la pression démographique, mais qui constitue peut-être aussi une estimation optimiste en l’absence d’évaluation de l’impact des troubles sécuritaires et des mesures de prévention pour lutter contre Ebola. S’agissant de cette maladie à virus, « il n’y a pas eu de cas identifié dans aucun des pays d’Afrique centrale couverts par Ubifrance », tient à rassurer Gérald Petit, selon lequel des mesures de précaution ont été prises (calculs de température dans les aéroports, sélection d’hôpitaux de référence…) et aucun déplacement d’entreprises françaises n’a été annulé. En revanche, la présence de la secte nigériane Boko Haram dans le nord du Cameroun obère le développement de cette région pauvre, traversée par un corridor vers le Tchad, et de plusieurs projets miniers.

Dans une note d’analyse du 14 octobre sur le bassin sahélien et l’Afrique de l’Ouest, le Groupe de recherche et d’information sur la paix et la sécurité (Grip), à Bruxelles, prévient que « l’inquiétude grandit » au Cameroun, « car la secte y recruterait sur base volontaire ou forcée de nombreux jeunes dans les régions pauvres du Nord ». En outre, d’après le Grip, « l’insécurité que génèrent ces attaques incessantes pourrait provoquer à terme une diminution des échanges économiques avec le Nigeria ».

Certes, les otages chinois ont été relâchés. Il s’agissait d’ouvriers travaillant sur une route secondaire. Depuis la reprise des travaux, ils seraient remplacés par des Camerounais. « L’Armée camerounaise s’est renforcée et le gouvernement a annoncé un plan de développement du Grand Nord. « Plan d’urgence », « plan Marshall », faute de précisions, chacun y va de son analyse et de son jugement pour engager le développement des régions septentrionales (Adamaoua…). « Bien que ce soit une initiative du président Paul Biya, on ne voit rien venir », déplore un opérateur économique. De quoi inquiéter encore plus.

François Pargny

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