L’Afrique reste une priorité forte de Bpifrance, principal bras financier de l’Etat en matière de soutien à l’export, le deuxième levier dont dispose la nouvelle politique africaine de la France en faveur du développement des partenariats d’entreprises, avec l’Agence française de développement et sa filiale dédiée au financement du secteur privé Proparco. Sa stratégie : un diptyque accompagnement-financement, selon Pedro Novo, directeur exécutif de l’Export de la Banque publique.
Le directeur exécutif de l’Export de Bpifrance ne manque pas une occasion de le rappeler : mixer une aide financière avec un programme d’accompagnement est une « clé du succès » pour l’internationalisation des PME et ETI. « C’est l’idée d’amener des compétences en même temps que des ressources financières », souligne-t-il. En Afrique, c’est sur ce diptyque que le dispositif de soutien à l’export tricolore mise désormais pour booster l’appétit des entreprises françaises pour les opportunités du continent et y dé-risquer leurs projets.
C’est dans ce but qu’avec Business France, et malgré la crise sanitaire, Bpifrance a créé un Accélérateur Afrique pour les dirigeants de PME françaises : la première promotion, lancée en février 2021, a embarqué 25 entreprises. « La seconde promotion est en cours de recrutement » précise Pedro Novo. Avec ce programme intensif de conseil et de mise en réseau, les dirigeants d’entreprises doivent aborder les marchés du continent et leurs spécificités en évitant les erreurs des débutants.
20 « Pass Africa », 2 millions d’euros levés
La même approche proactive est suivie pour mieux associer la diaspora africaine en France aux efforts de relance des investissements français en Afrique, et notamment ses porteurs de projets entrepreneuriaux.
L’an dernier, la banque publique a ainsi créé un « Pass Africa » pour les porteurs de petits projets, lancé avec le Conseil présidentiel pour l’Afrique dans le cadre d’un « tour » de l’entrepreneuriat destiné à informer la diaspora des possibilités d’aide.
Dispositif de conseil et d’orientation, ce Pass Africa a permis à une première promotion de 20 entrepreneurs de lever plus de 2 millions d’euros en aides diverses (innovation, chèques relance export, etc.) pour leurs projets africains. « Souvent, ils n’avaient même pas connaissance des aides possibles et, lorsqu’ils en avaient entendu parler, ne savaient pas par où commencer ».
Le Fonds franco-africain a été complètement investi
Cet accompagnement vise aussi à mieux orienter les soutiens financiers vers des projets qui, avec davantage de maturité, ont plus de chances de succès. La encore, l’Afrique a bénéficié d’une impulsion particulière dans différents domaines, qu’il s’agisse des aides en fonds propres (fonds d’investissement, fonds de fonds) ou des garanties et financements export.
« Le fonds franco-africain a été complètement investi » se réjouit Pedro Novo, évoquant le fonds d’investissement lancé avec Africinvest en 2017, avec une levée de fonds 77 millions d’euros associant institutions financières publiques et privées. Parmi les dernières transactions, des investissements dans le chantier naval Piriou ou dans le groupe Marietton Développement, spécialisé dans le tourisme et les voyages.
L’an dernier en juin, Bpifrance a organisé pour la première fois en Afrique, à Abidjan, Inspire & Connect, un gros événement autour de l’entrepreneuriat et de l’innovation pour favoriser les rapprochements entre entrepreneurs français et africains sur le modèle de « Bpi Inno Génération » en France. Une première appelée à être renouvelée cette année.
15 % de l’assurance prospection concerne l’Afrique
Pour Pedro Novo, l’appétit des PME françaises grandit : 15 % des montants attribués au titre de l’assurance prospection en 2021, soit près de 45 millions d’euros, ont concerné cette destination, ce qui n’est pas négligeable en sortie de restrictions aux déplacements, alors que l’assurance prospection a connu globalement un bond de 23 % selon le dernier bilan d’activité présenté par Bpifrance. « Avec l’accompagnement de la Team France Export, ils abordent le continent de façon plus professionnelle » estime le responsable.
Rappelons que l’assurance prospection est un mécanisme qui permet d’obtenir une avance de trésorerie et de se couvrir partiellement du risque d’échec d’un projet de prospection. Pour l’obtenir, il faut toutefois présenter un dossier solide, avec une stratégie précise.
Des efforts qui se traduisent aussi par des contrats : « En 2021 70 % de l’activité du crédit export a concerné des projets à finalité africaine » rappelle Pedro Novo. L’an dernier, les montants de crédit export directs ou en cofinancement de Bpifrance ont bondi de 83 %, atteignant un total de 398 millions d’euros pour 27 opérations. « Cela a permis à des entreprises françaises de boucler des affaires » insiste le responsable.
L’Afrique compte 54 pays : les perturbations que connaissent certains ne doivent pas occulter les opportunités offertes par les autres dans de multiples secteurs liés au développement durable (agro-industrie, développement urbain, transition écologique, etc.). « Il faut avoir une lecture régionale de la stratégie, insiste Pedro Novo. Les entreprises françaises disposent de nombreux savoir-faire qui répondent aux besoins du continent ».
Et de citer en exemple l’ETI familiale Ragni, spécialiste de l’éclairage public, qui, après avoir intégré le premier Accélérateur Afrique, a ouvert pour la première fois son capital l’an dernier, à Bpifrance et Africinvest, pour muscler sa stratégie africaine. Elle a signé en décembre dernier un gros contrat d’éclairage public à Dakar (50 000 lampadaires) grâce à un crédit export cofinancé par Bpifrance et la Société Générale. Le diptyque accompagnement / financement peut décidément faire merveille sur le continent.
Christine Gilguy
