Depuis sa création en 1986, Agro Novae petite entreprise des Alpes-de-Haute-Provence spécialisée dans les confitures bio dont la marque phare est Comtes de Provence, fait de l’international un de ses axes de développement. Et une solide arme contre les crises, dont celle que traverse actuellement la consommation européenne de produits labelisés.
L’euphorie du bio semble bien retombée. Après s’être envolée à la faveur de la crise sanitaire, sa consommation est retombée comme un soufflet. En France, les ventes ont chuté de 8,6 % au cours du semestre 2023, selon l’Agence française pour le développement et la promotion de l’agriculture biologique. En Europe, où l’inflation sur les produis alimentaires contraint les ménages à revoir leurs dépenses, le virage est particulièrement marqué.
Cette tendance baissière qui inquiète nombre d’acteurs de la filière ne semble pas inquiéter Agro Novae outre mesure. Et pour cause : seuls 10 % de ses ventes à l’export ont pour destination d’autres pays du Vieux Continent. Avec sa marque propre Comtes de Provence, la PME de 45 salariés a suivi une stratégie de développement à contre-courant. Alors qu’il est souvent conseillé à des entreprises de taille modeste de commencer par les marchés limitrophes avant de partir au grand export, son fondateur, Yves Faure, a fait l’inverse et misé très tôt sur le grand export.
Cap sur le grand export
Convaincu dès la création de son entreprise des vertus de l’international, le dirigeant se frotte au marché européen. Non seulement, l’uniformisation européenne étant encore loin d’être acquise, la diversité des réglementations compliquait le développement de l’export, mais travailler avec l’Europe supposait une multitude de commandes unitaires par palettes tandis que celles en partance pour des destinations plus lointaines se comptent en conteneurs. Fort de ce constat, il réoriente sa prospection commerciale vers l’Amérique du Nord et l’Asie-Pacifique.
Sur les marchés asiatiques, ou la consommation de confitures n’est pas dans les habitudes locales, la PME de Peyruis joue la carte de la nouveauté et de l’art de vivre à la française pour séduire des marchés encore jeunes, plus tournés vers l’épicerie fine que la consommation quotidienne.
A l’inverse, aux États-Unis, comme au Canada et au Mexique, Comtes de Provence a opté pour une stratégie de volume sur des marchés déjà sensibles à la French Food.
L’inusable carte de « l’art de vivre à la française »
Spécificité des petites entreprises, Agro Novae offre plus de flexibilité. « Nous avons un catalogue complet mais nous pouvons aussi créer des associations particulières à la demande et adapter la quantité de sucre pour répondre aux goûts locaux », explique ainsi Sandrine Lanson, directrice Export de l’entreprise. Car toute la production sort du site de production de Peyruis. « Nous ne délocalisons pas la production car notre identité, ancrée en France, est notre image de marque. »
L’entreprise multiplie les démarches pour maintenir cette image et faire face à la concurrence à l’étranger. Ses produits ont été primés au concours général Agricole (Paris), reçu un Great Taste Award au Royaume-Uni et un Sofi Award aux États-Unis.
La marque propose des teneurs en fruit élevées (de 65 % à 75 %) et des recettes n’utilisant que du sucre de canne. Pour mettre en avant son savoir-faire, Agro Novae a demandé et obtenu en 2014 le label entreprise du patrimoine vivant (EPV). Les références de la marque Comtes de Provence sont toutes certifiées bio pour les marchés américain, japonais et coréen.
L’Amérique du Nord et l’Asie comme relais de croissance
Aujourd’hui, Comtes de Provence réalise un chiffre d’affaires de 11 millions d’euros dont 35 % à l’export. Seulement 10 % est engrangé en Europe, mais 50% en Amérique du Nord et 40% en Asie-Pacifique. Alors que le marché français est en baisse significative en volumes (-10 à -15%), l’objectif d’une croissance de 5 à 10 % à l’export est donc maintenu. En France, sa maison mère Agro Novae est leader sur les confitures bio vendues dans la grande distribution, hors marques de distributeurs (MDD).
« L’orientation très forte à l’international, sur deux grandes zones géographiques nous permet de passer la crise de la récession de la consommation en Europe », estime Sandrine Lanson. En revanche, la directrice Export n’envisage pas d’attaquer le marché chinois. « Nous sommes un peu présent à Hong Kong et à Singapour, mais en Chine tout peut aller très vite et le risque serait que la production ne suive pas. » En outre, le succès de ces confitures bio Made in Provence tient pour beaucoup à l’investissement de son dirigeant en France comme à l’étranger.
Un dirigeant très investi dans l’international
Ancien président du pôle de compétitivité Innov’Alliance, Yves Faure a également été conseiller du commerce extérieur de la France (CCEF) et président du club export des entreprises alimentaires provençales. Et il n’hésite pas à mouiller la chemise. En 2017, lorsque le géant américain de la grande distribution Costco est arrivé en France, il est allé à la rencontre de ses dirigeants et a décroché un rendez-vous au siège, à Seattle. Bilan : un premier contrat de distribution pour le Sud-Ouest des États-Unis et le Japon.
Aujourd’hui, le nerf de la guerre pour continuer à se développer n’est pas tant le démarchage commercial que la logistique. « Le transport maritime est devenu un casse-tête avec des délais qui s’allongent et des coûts qui remontent fortement, souligne la directrice Export. On expédie dès que l’on peut. Le gros problème du moment c’est la gestion des stocks. En même temps, c’est ça aussi l’export : s’adapter à des retournements de tendances et continuer à avancer. »
Sophie Creusillet