Expérimenté depuis le début de l’année, le programme ETIncelles a été lancé officiellement le 21 novembre par Emmanuel Macron avec les 100 premiers dirigeants de PME bénéficiaires. Faisant de la volonté de développement export un de ses critères, il vise plus globalement à lever les obstacles administratifs qui freine leur croissance afin de les transformer, à terme, en ETI.
« Pour les PME de croissance, on a besoin de cousu main ». Intervenant au Palais de l’Elysée devant un parterre de dirigeants de PME d’ores et déjà embarqués dans le programme ETIncelles et visiblement ravis de cette attention présidentielle, le président Emmanuel Macron a bien résumé la philosophie de ce projet porté par la ministre déléguée en charge des PME, du commerce et du tourisme Olivia Grégoire.
Il ne s’agit pas d’injecter de nouveaux millions dans des projets de croissance mais plutôt d’appliquer aux PME sélectionnées pour leur potentiel de développement national et export (un critère de sélection), l’approche qui a fait le succès de la French tech pour les startups : la création d’un écosystème aux petits soins pour ces entrepreneurs, avec un accompagnement dans les dédales administratifs et financiers, par de vraies personnes, « une petite équipe qui vous aide à gérer la complexité » et à gagner un temps précieux, a expliqué le président français.
Procédures de candidature à des appels à projets ou à des appels d’offres complexes, mobilisation de crédits d’impôts impossible, obtention d’autorisations administratives qui traîne, recrutement de nouveaux talents difficile … Les types de problématique qui freinent le développement des PME sont multiples. Il s’agit « d’enlever le maximum de cailloux dans les chaussures des entrepreneurs » comme l’a joliment dit Olivia Grégoire.
PME et ETI à l’export
-146 000 PME, 3,9 millions de salariés (29 %)
Part des PME dite « de croissance » : 20 000
Taux d’exportation = 12 %-5600 ETI, 3,2 millions de salariés (25 %)
30 % du CA, 26 % des investissements
Taux d’exportation = 33 %
Faire émerger 500 ETI d’ici la fin du quinquennat
L’objectif est de les faire grandir plus rapidement, en France comme à l’international. La France compte 5600 ETI actuellement (pour 146 000 PME), des entreprises qui emploient entre 250 et 5000 salariés, le président Macron en veut 1000 de plus sous le quinquennat, et le programme ETIncelles, qui est appelé à devenir une sorte de label, comme la French Tech, doit permettre d’en accompagner 500.
ETIncelles a été testé avec une première promotion de 50 PME à partir de janvier 2023, une deuxième promotion de 50 dirigeants a été lancée. Au cours des premières expérimentations du programme, parmi les obstacles, les entreprises participantes ont identifié différents obstacles, dont beaucoup liés à l’export et la commande publique, considérés « comme des leviers de développement importants ».
Les retours sont plutôt élogieux.
Aramine, PMI familiale d’Aix en Provence spécialisée dans les engins pour mines souterraines fait du Made in France et exporte 100 % de sa production. C’est la dernière PMI du genre en France et elle se sentait bien seule lorsqu’elle partait exposer dans les salons internationaux aux États-Unis ou en Ouzbékistan. Elle s’est vu proposer via le parcours un programme d’accompagnement par Business France sur de grands salons internationaux de son secteur. « On arrive à un moment où soit on s’allie à un gros, soit on devient nous même un gros » témoignait sa présidente, Geneviève Melkonian. Avec l’aide de l’État, c’est la seconde option qui est prise. Depuis 2020, elle connaît 30 % de croissance annuelle.
DMS Group, PME spécialiste des systèmes de diagnostic médical basée à Gallargues-le-Montueux, dans, dans le Gard (75 % à l’export d’un chiffre d’affaires de 35,3 millions d’euros), n’aurait pas réussi à seulement candidater à un appel à projets pour financer sa nouvelle ligne mobile de radiologie d’une dizaine de millions d’euros si elle n’avait pas bénéficié de l’accompagnement de son « coach » d’ETIncelles. La raison ? « Nous ne sommes ni une startup, ni assez gros » a relaté son dirigeant Samuel Sancerni (ci-dessus). Après avoir provoqué un réexamen du dossier par les bailleurs de fonds (Bpifrance, DGE…), son dossier de candidature a été mis dans les tuyaux, résultat attendu pour décembre.
Une équipe de fonctionnaires dédiés et un réseau de correspondants
En quoi consiste exactement ETIncelles : c’est donc un accompagnement individualisé proposé aux dirigeants de PME sélectionnés pour faciliter leurs démarches administratives et financières au sein de l’univers public. Concrètement, une équipe d’une quinzaine de fonctionnaires en région et à Paris a été formée pour les accompagner individuellement, définir leurs besoins et accélérer les procédures pour obtenir les solutions.
Les critères de sélection à ETIncelles
-Connaître une forte croissance au cours des deux dernières années et maintenir une trajectoire importante de développement pour devenir une ETI ;
-Avoir un effectif entre 60 et 220 salariés ;
-Être présent ou avoir la volonté de se développer sur les marchés export ou consacrer une part conséquente de dépenses à la R&D.
Contact pour candidater : [email protected].
D’après les détails fournis par le dossier de presse, le chef d’entreprise se voit désigner un interlocuteur unique dans sa région parmi cette équipe de supers accompagnateurs référents : c’est lui qui effectue le premier entretien de diagnostic, propose des solutions opérationnelles pour répondre aux besoins, mène les actions nécessaires pour faire avancer les demandes et assure le suivi dans le temps.
Cette tâche est facilitée par un réseau de 50 « correspondants ETIncelles » constitué au sein des organismes et administrations qui apportent des solutions opérationnelles aux entreprises. Par exemple Business France pour l’accompagnement export, l’Association pour l’emploi des cadres (APEC) où Pôle Emploi (bientôt rebaptisé France Travail) pour les questions de recrutement, l’Union des groupements d’achats publics (Ugap) et la direction des Achats de l’Etat (DAE) pour les sujets d’accès aux marchés publics.
L’ensemble de ce réseau, que ses promoteurs aimeraient voir devenir un véritable écosystème pour ces PME de croissance, dispose d’une plateforme collaborative pour échanger des informations et les meilleures pratiques et bénéficie d’un programme de webinaires et rencontres. En outre, les entreprises participant au programme se voient proposer des rencontres avec d’autres entreprises dans leur région et peuvent rejoindre les clubs ETI du Meti, organisation partenaire du programme, pour rencontrer des pairs.
Olivier Becht, ministre en charge du Commerce extérieur, était présent dans l’assistance à l’Elysée : son plan export lancé fin août ambitionne d’augmenter le nombre de PME exportatrices et leurs exportations, les pépites d’ETIncelles en bénéficieront. Dans l’esprit du président, les deux sont en fait chacun « une des étapes, un des jalons » d’une stratégie plus globale visant « le plein emploi et la réindustrialisation », et bien sûr, le rééquilibrage de la balance commerciale.
Christine Gilguy