Vin / Commerce international : le climat va rebattre les cartes de l’export

Dans le vin, le changement climatique risque de bousculer la production et le commerce international, export comme import. Il suffit de penser aux gigantesques incendies en Australie, un des grands producteurs de l’hémisphère Sud, pour comprendre que la planète change.

Pour anticiper les risques, l‘Institut pour l’économie du vin et des boissons de l’université de Geisenheim, en Allemagne, a réalisé une étude sur les marchés internationaux, les tendances de la distribution et la situation économique. Effectuée auprès de 1 700 experts de 45 pays à la mi-2019 pour Messe Düsseldorf, organisateur du Salon international des vins et spiritueux ProWein (notre photo), cette étude a permis de dégager deux grandes lignes pour l’avenir.

Des orientations à attendre

D’abord, une forte majorité de professionnels interrogés (73 %) s’attendent à des conséquences concrètes du changement climatique pour leur entreprise. Ce qui marque un haut degré de conscience de la multiplication des phénomènes climatiques dans le monde (sécheresse, gel, incendie, etc.).

Ensuite, les professionnels vont devoir réagir pour demeurer en phase avec la demande mondiale. En effet, les consommateurs veulent des vins légers et plus rafraîchissants, alors même que les produits sont plus alcoolisés et plus sucrés, donc possèdent moins d’acidité, en raison de l’élévation des températures. Résultat, les producteurs vont devoir miser sur de nouveaux cépages et procédés technologiques.

Par exemple, « vous trouvez maintenant aux États-Unis des cépages sur des rochers, ce qui permet de diminuer le besoin en eau », indiquait Simone Loose, la directrice de l’université de Geisenheim, lors de la présentation de ProWein 2020, le 8 janvier à Paris.

Selon elle, il faudrait que, quel que soit le pays, les producteurs acquièrent une plus grande liberté dans l’emploi des cépages. Une allusion à peine voilée au système de l’appellation d’origine contrôlée (AOC) en France, un label de reconnaissance lié notamment à un usage défini des cépages. Un système, au demeurant, déjà critiqué par certains vignerons français, qui ont décidé de sortir de l’AOC pour utiliser de nouveaux cépages.

8 millions d’hectares ravagés en Australie, le Douro en manque d’eau

« Ce qui est certain, c’est qu’aujourd’hui le changement climatique est la première préoccupation de la profession dans tous les pays. Elle l’était, y compris en France au moment de l’enquête. Elle ne l’est sans doute plus en ce moment », anticipait Simone Loose. La directrice de l’Institut de  l’université de Geisenheim faisait ainsi référence aux taxes américaines qui frappent les produits français dans le cadre du contentieux sur Airbus.

En Australie, 8 millions d’hectares ont été ravagés par les incendies. « Mais cela fait des années que les agriculteurs et viticulteurs sont obligés d’y prendre des mesures liées au climat, comme la réduction de l’utilisation d’eau, de la salinisation des sols et la création d’un groupe de recherche sur l’influence des fumées », expliquait la directrice de l’institut de  l’université de Geisenheim.

Le cas de l’Australie n’est pas unique. Par exemple au Portugal, le manque d’eau se fait sentir dans la vallée du Douro. Or, l’eau potable étant trop coûteuse, les producteurs de vin sont confrontées à la question cruciale de l’irrigation.

Les exportateurs doivent s’adapter

Les effets du réchauffement climatique sont multiples : mûrissement plus rapide des raisins et en un temps plus court, ce qui oblige à investir pour concentrer les vendanges en un temps record et dans des systèmes de refroidissement coûteux, parfois trop pour de petites exploitations ; volatilité de la production de vin dans le monde selon les années, avec des conséquences en terme de qualité des produits, de disponibilité et de prix.

Ainsi, en 2017 la production étant inférieure à la consommation, les prix étaient élevés, alors qu’en 2018, année de forte récolte de raisins, les prix étaient plus faibles comme en 2019.

Du coup, les exportateurs vont aussi devoir, dans certains cas, s’adapter et, dans d’autres, saisir les opportunités. Les négociants sont ainsi tentés de plus en plus par des contrats à long terme pour assurer leurs approvisionnements ou cherchent de nouveaux fournisseurs dans le monde.

D’après l’étude de l’institut de  l’université de Geisenheim, 40 % des négociants prévoient de s’orienter à l’avenir vers d’autres fournisseurs et d’autres pays d’origine, si leurs fournisseurs actuels subissent l’impact du changement climatique.

Vers une production durable selon les pays

Le changement climatique pourrait aussi jouer comme un accélérateur « pour une durabilité plus forte de la branche du vin », constate l’institut allemand.

C’est surtout le cas des négociants de Scandinavie (à 96 %) et d’Europe du Sud (à 93 %). Ce sont les mêmes, les Scandinaves et Européens du Sud (à 91 %), qui estiment que les consommateurs préfèreront dans le futur des vins produits de façon climatiquement neutre.

La première place de la Scandinavie n’étonne pas Simone Loose, les États de la région étant « éduqués au respect de l’environnement ». En revanche, en Allemagne, on serait plutôt réfractaire. Ainsi, seuls 38 % des producteurs s’attendent à ce que les consommateurs de leur pays préfèrent les vins à impact climatique neutre.

Pour la responsable allemande, « quel que soit le pays, il est très difficile d’influencer le consommateur » et donc il faut plutôt s’adapter. Ainsi, dans son pays, il serait difficile d’orienter les ménages vers le bio. Le prix y reste un critère d’achat essentiel.

François Pargny