Signe que l’Union européenne (UE) s’inquiète de plus en plus de toutes les questions de sécurité économique, la Commission européenne a transmis une recommandation aux États membres le 15 janvier, les invitant à examiner les investissements sortants de leurs entreprises dans les pays tiers et à en évaluer les risques pour la sécurité économique dans trois secteur clés.
C’est en quelque sorte le pendant de son dispositif de filtrage des investissements directs étrangers entrant dans l’Union européenne pour éviter que des pépites technologiques ne tombent dans l’escarcelle de la concurrence non européenne. Bruxelles s’attaque à présent au filtrage des investissements dans les pays tiers (hors UE) des entreprises européennes afin de réduire les risques que ses technologies ne tombent là encore dans de « mauvaises mains ».
« L’UE est et restera parmi les premiers fournisseurs d’investissements de classe mondiale et parmi les premières destinations de ces investissements. Toutefois, en raison de la situation géopolitique actuelle, nous devons avoir une compréhension plus approfondie des risques potentiels qu’une telle position peut entraîner » justifie Maroš Šefčovič, commissaire au Commerce et à la sécurité économique, et commissaire aux Relations interinstitutionnelles et à la transparence.
Dans cette recommandation transmise le 15 janvier, la Commission précise trois domaines technologiques jugés « d’importance stratégique » et présentant le « risque le plus élevé » : les semi-conducteurs, l’intelligence artificielle et les technologies quantiques. Dans ces trois secteurs, les États membres sont donc invités « à évaluer les risques pour la sécurité économique qui pourraient découler de telles transactions » effectuées par leurs entreprises.
« Cet examen des investissements sortants permettra de décider si des mesures supplémentaires sont nécessaires — au niveau de l’UE et/ou au niveau national — pour faire face à tout risque détecté, argumente la Commission européenne dans un communiqué. Elle ajoute que son objectif ultime est « d’éviter que les investissements sortants de l’UE n’aient une incidence négative sur la sécurité économique de l’Union en veillant à ce que des technologies et des savoir-faire clés ne tombent pas entre de mauvaises mains ».
Cette recommandation s’inscrit dans des travaux en cours d’un groupe d’experts sur le filtrage des investissements sortants. Une action a été entamée avec la publication d’un livre blanc sur le sujet en janvier 2024, qui avait été suivie d’une consultation publique ultérieure. Ces travaux ont confirmé, selon la Commission, « la nécessité d’évaluer les risques potentiels pour la sécurité de l’UE liés aux investissements sortants ».
Dans sa stratégie en matière de sécurité économique, approche proposée conjointement par la Commission et le Conseil en juin 2023, Bruxelles avait mis en exergue la nécessité « de la coopération et de la coordination avec les pays tiers » pour mener une « action efficace » en matière de sécurité économique. Dans ce contexte, la Commission précise attendre « avec intérêt de poursuivre le dialogue avec ses alliés sur la question du filtrage des investissements sortants ».
Concrètement, quelle va être la suite donnée à cette recommandation ?
Celle-ci ouvre une période d’examen par les États membres des investissements sortants dans les trois domaines prioritaires déjà cités. Elle doit durer 15 mois et devrait porter à la fois sur les transactions en cours et sur les transactions passées, effectuées à partir du 1er janvier 2021. Les entreprises opérant dans ces secteurs devraient donc être sollicitées assez rapidement.
Sur le plan pratique, la recommandation fournit aux États membres des orientations sur la manière de détecter et d’évaluer les risques potentiels posés par ces transactions, inspirés des travaux du groupe d’experts de la Commission sur les investissements sortants. Les États membres sont invités à présenter un rapport d’avancement au plus tard le 15 juillet 2025 ainsi qu’un rapport complet sur la mise en œuvre de cette recommandation et sur tout risque détecté au plus tard le 30 juin 2026.