Sous la pression de plusieurs partenaires commerciaux et de divers lobbies des secteurs concernés, la Commission européenne a annoncé le 2 octobre le report d’un an de l’entrée en vigueur de son nouveau Règlement relatif à la lutte contre la déforestation et la dégradation des forêts (RDUE), une des grandes législations du Pacte vert (Green Deal).
Surnommé le règlement « zéro-déforestation », le Règlement relatif à la lutte contre la déforestation et la dégradation des forêts (RDUE) devait mettre fin au phénomène de « déforestation importée » par l’interdiction de la commercialisation dans l’Union européenne (UE) -donc de l’importation- de toute une série de produits bruts et transformés issus de l’agriculture et de l’élevage s’ils étaient issus de terres déboisées après décembre 2020.
La cible : l’huile de palme, les bovins, le soja, le café, le cacao, le bois et le caoutchouc, ainsi que les produits dérivés (tels que viande de bœuf, meubles ou chocolat) … D’après le WWF, l’UE serait à l’origine de 16 % de la déforestation mondiale par le biais de ses importations (majoritairement de soja et huile de palme), et le deuxième destructeur de forêts tropicales derrière la Chine.
Le règlement prévoyait notamment d’imposer aux importateurs européens, en tant que responsables de leurs chaînes d’approvisionnement, d’apporter la preuve de l’origine conforme de leurs produits importés via la fourniture de données de géolocalisation fournies par les agriculteurs et éleveurs, associées à des photos satellitaires.
Son entrée en vigueur était prévu fin 2024, mais la Commission européenne a donc proposé de le reporter de 12 mois, à fin 2025. Dans un communiqué publié le 2 octobre, la Commission justifie sa proposition de report par le fait que des « partenaires mondiaux ont exprimé à plusieurs reprises leurs inquiétudes » sur la mise en œuvre du RDUE. Dans ces conditions, « délai supplémentaire de 12 mois pour la mise en place progressive du système constitue une solution équilibrée ». Cette proposition devra être entérinée par le Conseil et le Parlement européens, ce qui ne devrait être qu’une formalité.
Parmi les partenaires commerciaux montés aux créneaux pour obtenir ce sursis : les Etats-Unis et le Brésil, mais aussi, en Europe même, l’Allemagne, cette dernière pour donner aux importateurs européens « le temps de se préparer ». Dès la promulgation du règlement en 2023, des pays gros producteurs d’huile de palme, de cacao ou de café comme la Malaisie et l’Indonésie avaient dénoncé cette législation comme « protectionniste ». Les Etats-Unis s’en était inquiété également en juin, puis le Brésil récemment, dont le gouvernement avait, en septembre, dénoncé auprès de la Commission une législation considérée comme un « instrument unilatéral et punitif ». La contestation des organisations d’entreprises s’était amplifiée ces dernières semaines à l’approche de l’échéance de l’entrée en vigueur.
Alors que la Commission tente de boucler les négociations pour un accord commercial avec Le Mercosur encore controversé – fortement soutenu par l’Allemagne, il est contesté par la France-, ce report est considéré par beaucoup d’observateurs comme un geste de bruxelles en direction des pays sud-américains concernés (Argentine, Brésil, Paraguay, Uruguay). L’UE importe chaque année du Brésil 15 milliards d’euros de matières premières agricoles, notamment de soja, considérées comme responsables de la déforestation. Mais les ONG de défense de l’environnement craignent un détricotage du réglement.
A suivre…
C.G