Le Conseil « environnement » de l’Union européenne, composé des ministres des États membres en charge de l’écologie, a convenu mardi 28 juin d’une liste de six matières premières et de leurs dérivés dont la commercialisation sera interdite en Europe si leur production participe à la dégradation des forêts. Les opérateurs et les commerçants devront respecter des règles dites de « diligence raisonnée » que les Vingt-sept ont clarifiées.
Si le Parlement européen vote cet accord, l’huile de palme, la viande de bœuf, le bois, le café, le cacao, le soja ainsi que leurs produits dérivés (cuir, chocolat, mobilier…) ne seront plus les bienvenus en Europe. En cause : l’impact de leur culture et de leur production sur les forêts, régulièrement pointé du doigt par les ONG. Ce projet de législation était également l’un des axes de travail sur le développement durable de la présidence française de l’Union européenne (PFUE) qui prend fin le 30 juin.
Selon le WWF, les importations de l’UE sont à l’origine de 16 % de la déforestation associée au commerce international et lors de la présentation de ce projet par la Commission européenne en novembre 2021, le commissaire à l’Environnement Virginijus Sinkevicius a rappelé que la déforestation représentait 11 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre.
Les importateurs devront respecter des règles de « diligence raisonnée »
Pour réduire la consommation de ces produits, les États membres se sont entendus pour fixer des règles dites de « diligence raisonnée ». Concrètement, les opérateurs et commerçants de l’UE devront minimiser le risque que ces six produits ne se retrouvent dans les chaînes d’approvisionnement et devront produire des preuves de leur traçabilité. Les déclarations qu’ils fourniront devront comprendre des bases de données accessibles aux États en charge des contrôles. Ces derniers s’appuieront sur des images notamment fournies par le satellite européen Copernicus. Les vérifications se feront en fonction des régions d’origine, classées à risque « élevé, standard ou faible ».
« Le Conseil a simplifié et clarifié le système de diligence raisonnée, tout en conservant un fort niveau d’exigence environnementale, précise un communiqué du ministère français de la Transition énergétique. L’orientation générale permet d’éviter que les obligations ne soient dupliquées et réduit la charge administrative pour les opérateurs et les autorités des États membres. Elle introduit également pour les petits opérateurs la possibilité de faire appel à des opérateurs de plus grande taille pour préparer les déclarations de diligence raisonnée. »
Un accord au champ d’application trop restreint, selon les ONG
« Ce texte novateur que nous avons adopté permettra de lutter contre la déforestation, au sein de l’Union européenne mais aussi en dehors, s’est félicité Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition énergétique. C’est une avancée majeure qui illustre aussi notre ambition pour le climat et pour la biodiversité ». Un enthousiasme loin d’être partagé par les ONG de défense de l’environnement.
Global Witness, spécialisée dans la lutte contre le pillage des ressources naturelles des pays en développement, estime ainsi que Bruxelles a loupé le coche en n’incluant pas le caoutchouc. L’ONG affirme en effet que les importations européennes constituent la principale menace pesant sur les forêts d’Afrique de l’Ouest et centrale. Autre reproche adressé par Global Witness à ce projet de législation : il n’inclut par les financements d’opérations induisant la dégradation des forêts octroyés par des banques européennes.
De son côté, Greenpeace souligne dans un communiqué que le texte proposé au vote des eurodéputés ne concerne que la conversion de forêts primaires « qui représentent un pourcentage extrêmement faible des forêts européennes, en forêts de plantation ». « Cela laisserait la grande majorité des forêts de l’UE sans protection et permettrait la poursuite de nombreuses pratiques forestières néfastes. Combinée à la définition de la « déforestation » de la loi, qui ne s’applique qu’à la conversion des forêts en terres agricoles, cette définition étroite de la « dégradation » pourrait également laisser le marché de l’UE ouvert à des produits comme le bois et le papier provenant de forêts détruites, y compris des forêts primaires, avant qu’elles ne soient officiellement converties en plantations d’arbres ou en terres agricoles. »
Imparfait, ce projet de législation constitue néanmoins un premier pas. En novembre 2021, la Commission estimait que son application entraînerait une réduction d’au moins 31,9 millions de tonnes d’émissions carbone dans l’atmosphère chaque année.
Sophie Creusillet