« Il ne faut pas offrir cette victoire à Poutine », pouvait-on entendre jeudi 15 décembre dans les couloirs du Conseil européen à Bruxelles. Réunis pour leur dernier sommet de l’année, les 28 devaient notamment s’entendre pour sauver l’accord d’association conclu entre l’Union européenne (UE) et l’Ukraine, qui contient un important volet commercial. De tous les États membres, seuls les Néerlandais ne l’ont pas ratifié après le rejet du traité lors d’un référendum organisé aux Pays-Bas le 6 avril passé. Si le résultat du scrutin n’est pas contraignant, le Premier ministre, Mark Rutte – menacé par l’extrême droite europhobe à la veille d’élections législatives prévues au printemps 2017 – tente depuis plusieurs mois de trouver une porte de sortie pour inscrire les préoccupations des électeurs dans le texte et pouvoir ainsi signer l’accord.
Après les déboires rencontrés par le CETA (Comprehensive Economic and Trade Agreement) – le traité commercial UE-Canada menacé par le veto des Wallons – la Commission européenne a évidemment proposé d’utiliser le même stratagème, à savoir l’ajout d’une déclaration interprétative contraignante, disposant de la même valeur juridique que le traité lui même. C’est cette solution qui a été retenue par les 28, restait encore à formuler les paragraphes du texte pour contenter tout le monde et permettre à Mark Rutte d’obtenir la confiance du Parlement néerlandais.
M. Rutte : « nous ne sommes pas en position de faire de grands cadeaux à M. Poutine ! »
Au terme de « discussions difficiles », selon un diplomate, les dirigeants européens ont inscrit un certain nombre de garanties dans cette annexe de l’accord.
La première souligne que le traité n’est pas une étape avant l’adhésion de l’Ukraine à l’UE, principale crainte des citoyens néerlandais farouchement opposés à toute nouvelle vague d’élargissement. Le texte indique également que l’accord n’entraîne aucune obligation pour les Européens de secourir militairement l’Ukraine, qu’il n’offre pas le droit aux Ukrainiens de résider ou travailler « librement » dans l’UE et qu’il n’entraîne, enfin, aucun soutien financier « additionnel ». « Des évidences certes, mais elles sont politiquement indispensables à Mark Rutte pour obtenir le feu vert des deux chambres alors que son gouvernement est minoritaire au Sénat », détaillait un membre du Conseil européen à l’issue du débat.
La question de la perspective européenne de l’Ukraine a été sans conteste la question la plus épineuse, Kiev souhaitant déposer sa candidature en 2020, soutenu par plusieurs Etats membres, en particulier à l’est du bloc. « Mais ces mêmes pays ont préféré sauver l’accord, quel que soit le prix, plutôt que de donner satisfaction à la Russie », confiait cette même source. « Nous ne sommes pas en position de faire de grand cadeau à M. Poutine ! », a asséné de façon plus explicite encore le Premier ministre néerlandais.
Outre ce compromis pour sauver l’accord UE-Ukraine, né sur les décombres encore fumants de la « révolte de Maïdan », les 28 ont également décidé de prolonger de six mois le train de sanctions économiques imposées à la Russie le 31 juillet 2014, initialement pour une période d’un an.
Kattalin Landaburu, à Bruxelles
Pour prolonger :
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