La révision de l’accord de libre échange complet et approfondi (ALECA) entre l’UE et l’Ukraine conclu le 30 juin, suscite l’inquiétude des principales associations européennes de syndicats et de coopératives agricoles. Le point dans cet article proposé par notre partenaire La newsletter BLOCS.
Ce compromis de principe, présenté par le commissaire européen au Commerce Maroš Šefčovič, prévoit notamment une augmentation des quotas d’importation pour plusieurs produits agricoles, tels que le blé (+30 %), le maïs (+54 %), le miel (+583 %), le sucre (+498 %), la volaille (+30 %) et l’alcool éthylique (+25 %). Ces niveaux sont calculés par rapport aux conditions existantes avant 2022.
En effet, après à l’invasion russe, l’UE avait décidé dès juin 2022 de suspendre temporairement les droits de douane et les quotas sur les produits ukrainiens, dans le cadre de mesures de soutien dérogatoires à l’ALECA appelées « Mesures commerciales autonomes ».
En juin 2024, face à la colère des agriculteurs de l’UE, dont certains, comme en Pologne, jugeaient cette concurrence déloyale, la Commission avait pris des mesures de contrôle dites « freins d’urgence » pour juguler l’afflux de ces produits. Le principe : réintroduire des droits de douanes sectoriels dès lors que certains seuils d’importation en Europe étaient dépassés. Ce mécanisme avait ainsi été actionné plusieurs fois pour protéger notamment les producteurs de miel ou de gruaux.
Mais ce régime exceptionnel ayant expiré en juin dernier, l’UE se doit de trouver des conditions commerciales pérennes avec l’Ukraine. C’est ainsi que la révision de l’ALEAC, en discussion depuis le début de l’année 2025, est vouée à prendre le relais de ces mesures transitoires. Reste que cette révision, qui n’est pas encore actée, n’est pas du goût de tous.
Dans un communiqué du 8 juillet, la Copa-Cogeca, principal représentant des organisations agricoles européennes, salue le soutien à Kiev, mais regrette « l’ampleur de la concession disproportionnée pour certains de ces secteurs agricoles sensibles, […] à un moment où ces secteurs subissent déjà la pression de libéralisations commerciales cumulées ».
Ces organisations sont d’autant plus inquiètes que certains produits, comme le lait en poudre, le lait fermenté et les préparations alimentaires seraient désormais entièrement libéralisés – sans quota, ni droit de douane.
Malgré certaines hausses à trois chiffres par rapport aux chiffres d’avant-guerre, le commissaire à l’Agriculture Christophe Hansen tempère, rappelant que « pour le blé, […] cela représente une baisse de 80% par rapport aux volumes observés pendant le pic d’importations » connus ces deux dernières années. De plus, cette ouverture est, sur le papier, conditionnée à l’alignement de l’Ukraine sur plusieurs standards européens, notamment en matière de bien-être animal et d’utilisation des pesticides.
Le Copa-Cogeca doute néanmoins du respect effectif des normes de productions européennes tant « son application en temps de guerre présente de sérieuses limites ».
Le nouveau traité doit être à présent approuvé
Le nouveau traité de libre échange annoncé fin juin doit désormais être approuvé à la majorité qualifiée – soit par au moins 15 États membres représentant 65 % de la population de l’UE – mais la tâche devrait être compliquée par certains pays de l’Est de l’Union.
Réunis à Budapest le 9 juillet, les ministres de l’Agriculture bulgare, hongrois , polonais, slovaque et roumain ont en effet signé une déclaration commune réclamant une meilleure prise en compte de la situation des pays limitrophes de l’Ukraine dans lesquels « la grande majorité des marchandises en provenance d’Ukraine vers l’UE » a été acheminée.
Ils plaident également pour une révision des mécanismes de protection pour les producteurs européens, exprimant en particulier leurs inquiétudes pour les secteurs du miel, des œufs, du sucre, ainsi que la libéralisation du marché pour certains produits laitiers.
A date, l’huile de tournesol, le maïs, l’huile de soja, le bois et les graines de colza figurent parmi les produits les plus importés par l’UE en provenance du plus grand pays d’Europe dont la part des exportations vers les Vingt-Sept est passé de 40 à 60% depuis 2021.