Alors que Hong Kong s’embourbe, son rival commercial de toujours, Singapour, trace plus que jamais sa route. Signé le 19 octobre entre l’Union européenne (UE) et la Cité-État, le nouvel accord de libre-échange est aussi le premier à être concrétisé avec un pays de l’Asean (Association des nations d’Asie du Sud-est)*, à mettre au palmarès de la Commission Juncker. Ce traité commercial entrera en vigueur le 21 novembre prochain, après avoir été validé le 8 novembre à Bruxelles par le le Conseil, l’organe de représentation des États membres.
« Il s’agit du premier accord commercial bilatéral de l’UE avec un pays de l’Asie du Sud-est, pierre angulaire d’une relation plus étroite entre l’Europe et une des régions les plus dynamiques du monde», a déclaré le président sortant de l’exécutif européen, Jean-Claude Juncker. Ce dernier peut se targuer d’avoir ainsi mis en œuvre l’essentiel de son agenda commercial au cours des cinq années de son mandat.
Hub commercial international pour cette zone, Singapour est en effet le premier partenaire commercial de l’UE au sein de l’Asean. Le montant des échanges commerciaux entre les deux parties s’élève à plus de 53 milliards d’euros de marchandises et 51 milliards d’euros dans les services. Le nombre d’entreprises européennes qui y sont installées pour rayonner dans toute la zone est estimé à 10 000.
50 000 entreprises européennes exportent chaque année
« Avec 50 000 entreprises européennes exportant vers Singapour, dont la grande majorité sont des petites et moyennes entreprises, l’importance de cet accord pour les entreprises européennes ne peut être sous-estimée. Il a le potentiel de créer un environnement commercial florissant pour les grands et petits acteurs et de renforcer encore plus nos relations avec notre plus grand partenaire en Asie du Sud-est » s’est félicité Ville Skinnari, le ministre finlandais en charge du Commerce, dont le pays assure actuellement la présidence tournante de l’UE.
Un motif de fierté, aussi, pour la commissaire au Commerce sortante, qui achèvera son mandat à la fin du mois. « Cet accord signifie qu’au cours des cinq dernières années, nous avons mis en place 16 accords commerciaux européens », a souligné Cecilia Malmström. « Cela porte à 42 le nombre total d’accords commerciaux conclus avec 73 partenaires, ce qui représente un tiers du total des échanges commerciaux de l’UE », s’est-elle félicitée.
4 620 entreprises françaises exportent vers Singapour
L’accord permettra aussi « de booster les exportations françaises » à destination de Singapour, détaille au Moci un expert de la Direction générale (DG) du Commerce à Bruxelles. Selon des documents publiés sur le site de la DG Commerce, 4 620 entreprises de l’Hexagone exportent leurs produits vers la cité État d’Asie du sud-est, dont 83 % sont des PME. Une bonne part est ensuite réexportée vers les autres marchés de l’Asean.
Parmi ceux-ci figurent notamment les parfums, les équipements de cuisine, les tubes et tuyaux ou les équipements de forage ainsi que de nombreux produits alimentaires comme le miel, le vin ou le cognac. Véritable hub commercial pour la zone Asean, Singapour est actuellement le 10ème partenaire commercial de la France en dehors de l’UE.
Élimination des obstacles tarifaires et non-tarifaires en 5 ans
Le traité commercial avec la Cité-État du sud-est asiatique supprimera quasiment tous les tarifs douaniers entre les deux blocs au plus tard d’ici cinq ans.
Dit de « nouvelle génération » – à l’instar des pactes commerciaux conclus récemment avec le Canada ou le Japon – il vise également à éliminer les obstacles techniques et non-tarifaires aux échanges dans des secteurs clés « tels que l’électronique, les véhicules à moteur, les produits pharmaceutiques et les dispositifs médicaux, les énergies renouvelables et les produits bruts et transformés d’origine animale et végétale », a précisé le Conseil dans un communiqué.
L’accord libéralisera en outre le commerce des services entre les deux partenaires, et protègera les produits européens uniques, validant la reconnaissance de 190 Indications géographiques protégées (IGP) reconnues.
L’accord offre en outre un accès élargi aux marchés publics singapouriens pour les entreprises européennes, dans les domaines des télécommunications, des services environnementaux, de l’ingénierie, de l’informatique et du transport maritime.
Il prévoit aussi des dispositions sur la protection de la propriété intellectuelle, la concurrence et le développement durable.
L’accord d’investissement devra être ratifié par les Parlements nationaux
Si le volet commercial du nouveau partenariat UE-Singapour entre en vigueur dès le 21 novembre, la mise en œuvre du second accord, également signé le 19 octobre 2018 mais relatif à la protection des investissements, sera quant à elle plus aléatoire.
Conformément à l’avis rendu par la Cour européenne de justice en mai 2017, le domaine des investissements étrangers, autres que directs, et le régime de règlement des différends entre investisseurs et États, ne sont pas considérés comme compétence exclusive de la Commission européenne mais relèvent de la compétence mixte des États et de l’UE.
Par conséquent, si le traité de libre-échange ne requiert que l’aval du Conseil – donc des États membres – et du Parlement européen, le traité d’investissements devra suivre une procédure de ratification plus longue et donc plus incertaine. Avant d’entrer en vigueur il devra en effet être approuvé par tous les parlements nationaux et/ou régionaux des États membres.
Kattalin Landaburu, à Bruxelles
*Birmanie, Brunei, Cambodge, Indonésie, Laos, Malaisie, Philippines, Singapour, Thaïlande, Timor Oriental, Vietnam.
Plus d’informations sur le site de la DG Commerce : https://trade.ec.europa.eu/doclib/press/index.cfm?id=2078