L’alignement des planètes semble une nouvelle fois défavorable aux pourparlers commerciaux entre l’Union européenne (UE) et les États-Unis alors que de nouvelles taxes se profilent à l’horizon. Les élections américaines en novembre, la propagation du coronavirus Covid-19 des deux côtés de l’Atlantique, ou la volatilité des marchés boursiers « constituent des freins plutôt que des incitants dans ces négociations », reconnaît un membre du cabinet de Phil Hogan, le commissaire au Commerce.
La menace de nouvelles taxes inquiète les entreprises européennes
De quoi inquiéter les entreprises européennes, déjà fragilisées par l’impact économique de la crise sanitaire. Sans compter celles qui subissent déjà des taxes de 25 % aux États-Unis dans le cadre des mesures de rétorsions dans le dossier des subventions à Airbus, comme les vins et spiritueux.
« La perspective de nouvelles taxes américaines reste un sujet de préoccupation majeur pour nos membres », admet un responsable de Business Europe, la puissante organisation patronale européenne.
Lors d’un sommet organisé par cette Fédération le 5 mars à Bruxelles, Ursula Von Der Leyen, la Présidente de la Commission, a d’ailleurs été sommée de faire le point sur l’état d’avancement des discussions commerciales engagées avec Washington, alors que les exportations européennes sont toujours menacées de se voir appliquer de nouvelles taxes douanières. Rien ne filtre depuis la dernière visite de Phil Hogan outre-Atlantique.
A partir du 18 mars, celles imposées au secteur aéronautique passeront en effet de 10 à 15%. Quant aux autres droits de douane, fixés à hauteur de 25 % sur des produits comme le vin, le fromage, le café et les olives, ils devraient pour l’instant rester inchangés. Mais les différents secteurs concernés retiennent leur souffle à chaque nouvelle déclaration de Donald Trump, dans l’espoir que leur catégorie soit retirée de la liste, et dans la crainte que les tarifs ne soient à nouveau augmentés.
Une nouvelle offre de Bruxelles pour relancer des discussions enlisées
« Il pourrait y avoir une dynamique permettant à nos relations de repartir du bon pied », a tempéré l’ex-ministre allemande, rappelant que sa rencontre avec Donald Trump « s’était bien passée », en marge du Forum économique de Davos en janvier.
La Commission s’est en effet engagée, depuis, à présenter rapidement une nouvelle offre aux Américains pour « relancer une dynamique de dialogue », explique-t-on à Bruxelles. Pas un mot toutefois sur l’agenda ni sur les détails des propositions envisagées.
Soumise à la pression de certains États membres, notamment la France, Ursula Von Der Leyen a rappelé que celles-ci s’inscriraient « dans le cadre du mandat » adopté par les Vingt-sept tout en étant compatibles « avec les règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) ». Des contraintes qui obligent l’exécutif à marcher sur des œufs et réduit ses marges de manœuvre face aux États-Unis.
L’offre à venir visera donc à renforcer « la coopération bilatérale en matière de commerce, d’énergie et de technologie », résume-t-on dans l’entourage de la cheffe de l’exécutif. Outre la suppression des droits de douane sur les produits industriels, les mesures s’attacheront aussi à alléger certaines contraintes réglementaires, notamment la procédure d’évaluation de la conformité appliquée à certains produits.
Les négociations butent sur le volet agricole
Mais le volet agricole reste le dossier le plus controversé de ces négociations transatlantiques. Alors que les Européens refusent de l’inclure dans le cadre des pourparlers, Washington reste fermement décidé à inscrire le sujet au menu des discussions.
« Quand vous voyez la disparité des échanges (de produits agricoles) avec un déficit annuel de 10 à 12 milliards de dollars quand nous comptons deux fois plus de consommateurs que l’UE, nous pensons que ce n’est pas soutenable et raisonnable », a déploré Sonny Perdue, le secrétaire d’ État américain à l’Agriculture.
En plus de la levée des droits de douane dans le secteur, les Américains plaident également pour la réduction des barrières non-tarifaires qui freinent, selon eux, l’exportation des denrées agricoles sur le marché du vieux continent. Bœufs aux hormones, poulets chlorés, produits OGM ainsi que des dizaines de pesticides, ne correspondent pas aux normes européennes et restent interdits au sein de l’UE.
Et si la Commission, en signe de bonne volonté, s’est engagée à étudier la levée éventuelle de certaines barrières réglementaires, dans le cadre d’un accord parallèle, pas question d’inclure ces produits controversés, au risque de s’attirer les foudres d’une opinion publique européenne très vigilante sur le maintien de standards élevés dans le secteur agro-alimentaire.
Pas de deal attendu d’ici au 18 mars
« Le travail n’est pas facile, mais on constate un réel engagement des deux côtés », a commenté Peter Powell, le chef de cabinet du commissaire au Commerce. Phil Hogan a lui aussi estimé qu’il existait « une fenêtre de tir » pour trouver un terrain d’entente avec Washington d’ici au 18 mars, date à laquelle les droits de douane passeront de 10 à 15 % dans le secteur aéronautique.
Cet optimisme risque toutefois d’être rapidement douché. Attendu la veille, le 17 mars, à l’université de Georgetown pour prononcer un discours sur la réforme de l’OMC, soit son troisième voyage officiel aux États-Unis depuis le mois de janvier, le commissaire irlandais espérait s’entretenir avec ses homologues américains à l’occasion de ce déplacement. Mais à l’heure actuelle, aucune rencontre n’était officiellement programmée, selon des sources américaines citées par le site politico.com…
Kattalin Landaburu, à Bruxelles