L’Union européenne vient d’annoncer la mise en place d’une surtaxe allant jusqu’à 36 % sur les véhicules électriques made in China, soit 2 % de moins que celle entrée en vigueur début juillet. Alors que les négociations entre Bruxelles et Pékin doivent se poursuivre jusqu’à la fin octobre , la Chine vient d’ores et déjà de riposter en portant l’affaire devant l’Organisation mondiale du commerce (OMC).
Nouveau rebondissement dans le dossier de l’enquête de l’UE sur les aides chinoises à la production de véhicules électriques. Le 9 août, la délégation de la Chine à l’OMC s’est en effet fendue d’une communication, adressée à l’Organe de règlement des différends (ORD), qui balaye d’un revers de main les conclusions de l’enquête antisubvention menée par la Commission européenne. « Les motivations protectionnistes de l’UE ressortent clairement des diverses irrégularités dans l’ouverture de l’enquête, de la conduite de la Commission, ainsi que de l’absence de tout élément de preuve concret d’un subventionnement allégué en Chine », résume le document de six pages.
Cette saisine de l’ORD intervient un mois après que Bruxelles a considérablement augmenté les droits de douane sur les importations de véhicules électriques made in China dans le cadre de son enquête antisubventions, ouverte début octobre 2023. Considérant qu’ils bénéficient de généreuses aides gouvernementales et exercent une concurrence déloyale, la Commission européenne a en effet décidé d’instaurer des droits compensateurs provisoire allant jusqu’à 38 % sur ces produits à l’importation.
La guerre des taxes
Dans le détail, les droits individuels applicables aux trois producteurs chinois retenus dans l’échantillon étudié dans le cadre de l’enquête de Bruxelles sont, depuis juillet, de 17,4 % pour les véhicules de la marque BYD, 19,9 % pour Geely et 37,6 % pour SAIC (qui ne produit pas encore pour le marché européen). Les autres constructeurs sont soumis à un droit moyen pondéré de 20,8 % s’ils ont coopéré à l’enquête et de 37,6 % dans le cas contraire. De quoi provoquer encore un peu plus l’ire de Pékin.
En janvier dernier, les autorités chinoises ont répliqué en ouvrant une enquête antidumping sur les brandies (eaux-de-vie de vin) européens dont les exportations vers la Chine sont composées à 97 % d’alcools français, essentiellement du cognac. Six mois plus tard, rebelote avec une nouvelle enquête sur la viande porcine, accusée d’être vendue à des prix artificiellement bas grâce à des subventions déloyales.
Entre temps, en avril, la Commission européenne a ouvert deux enquêtes approfondies, au titre du nouveau règlement antisubvention étrangères en vigueur depuis 2023, portant sur deux consortiums d’origine chinoise ayant répondu à un appel d’offre dans le secteur du photovoltaïque en Roumanie. Bref, le torchon n’en finit pas de brûler entre Bruxelles et Pékin.
Surcapacités chinoises
Ce bras de fer se déroule alors que la demande intérieure chinoise reste atone, contraignant les entreprises à écouler leur production à l’export. Concernant les véhicules électriques, les surcapacités sont importantes, en témoigne la saturation des immenses parkings près des ports d’Anvers et de Zeebruges où des voitures étaient garées depuis plus d’un an, témoignait Le Monde en mai dernier. Car la demande européenne de véhicules électriques, quel que soit leur lieu de production, se tasse.
Alors que leur part de marché s’était établie à 15,7 % en 2023 dans les pays de l’UE (plus le Royaume-Uni), les voitures électriques n’y ont compté que pour 13,9 % des immatriculations au premier semestre 2024, d’après les chiffres de l’ACEA, l’association des constructeurs européens d’automobiles. Mais sur la même période les immatriculations de voitures électriques neuves en Europe ont légèrement reculé. En France, Bruno Le Maire a annoncé en février dernier la suppression du bonus écologique pour l’acquisition d’une voiture particulière électrique.
Fin de partie en novembre
Selon la Douane française, au deuxième trimestre 2024, les importations de voitures électriques de Chine ont été divisées par plus de deux par rapport à leur niveau trimestriel moyen record de 2023. En effet, depuis octobre 2023, les conditions d’obtention du bonus écologique pour l’achat d’un véhicule électrique prennent en compte un score environnemental, ce qui conduit à exclure une partie des véhicules venus de Chine.
L’enjeu de cette dispute commerciale est donc de taille pour les constructeurs chinois. Mais également pour leurs marques européennes qui produisent sur place véhicules et pièces détachées. L’Association de l’industrie automobile allemande (VDA) a d’ailleurs publié le 4 juillet un appel véhément à sortir de ce système de droits de douanes compensatoires et à mettre l’accent « sur la localisation industrielle européenne ».
Pour l’heure, il demeure une possibilité de dialogue entre les parties. Bruxelles a en effet jusqu’à novembre pour décider si les surtaxes mises en place en juillet sont confirmées pour une durée de cinq ans. Mais rien n’est moins sûr tant les litiges s’accumulent entre les deux blocs.
Sophie Creusillet