Député européen de 1999 à 2009, Thierry Cornillet consacre désormais l’essentiel de son temps à son cabinet d’avocat Auxilium. À la fin de son mandat, il y crée une nouvelle « branche » orientée sur l’aide au montage de projets européens. Il est aussi l’auteur depuis 2006 d’un « Guide des aides de l’UE », actualisé chaque année*.
Le Moci. L’accès aux financements européens est-il aussi complexe qu’on le prétend ?
Thierry Cornillet. Il existe plusieurs raisons cumulatives. D’abord, les financements sont multiples : fonds structurels, appels à projets ou à propositions, programmes communautaires spécifiques, etc. De plus la concurrence est forte car il y a 27 pays émetteurs.
Ensuite, il faut que ce soit un projet et non un « coup parti ». Il doit s’inscrire dans le cadre de ce que souhaite financer l’Union européenne (UE). Il faut également que ce projet soit innovant et apporte une plus-value qui puisse justifier de l’aide européenne. Soulignons que celle-ci est consistante puisque le cofinancement est minimum de 50 %. Autre raison qui explique la complexité du processus : le projet doit porter principalement sur de l’investissement et suppose des partenaires étrangers car il y a souvent une exigence logique de transnationalité, Europe oblige. Il est enfin nécessaire de s’assurer de bien disposer du cofinancement car l’UE ne finance que très rarement à 100 % et que c’est une condition d’octroi de l’aide.
Le Moci. Des discussions sont en cours pour simplifier les programmes européens. Que peut-on en attendre ?
Thierry Cornillet. Idéalement, une plus grande facilité d’accès et une plus grande lisibilité des aides. Mais la matière restera complexe car l’UE n’est pas un guichet et elle a le souci constant de vérifier à quel usage l’argent public européen est utilisé car elle redistribue 95 % de son budget. Pour la France, à ce jour, ce sont près de 60 000 projets qui sont aidés pour un montant plus
de 25 milliards d’euros !
Le Moci. Pourquoi les PME françaises postulent moins que leurs voisines européennes et ont-elles les reins assez solides pour se lancer dans le dédale des aides européennes ?
Thierry Cornillet. Ce qui freine les PME françaises, c’est la course de haies, génératrice de temps et de coût qu’il faut entamer même si, je le répète, cela en vaut la peine. La présentation d’un projet suppose plusieurs étapes. D’abord, il faut s’assurer qu’il est éligible et acceptable, qu’un financement existe et qu’il reste de l’argent car il faut savoir que la meilleure idée du monde n’est pas nécessairement finançable. Il faut ensuite formuler son projet en « européen contemporain » pour qu’il entre dans le cadre de ce que l’UE veut financer.
Enfin, il existe des conditionnalités comme par exemple, celle d’un partenariat transnational, de propriété intellectuelle, de financement propre, etc. Tout cela oblige à disposer d’une ingénierie externe ou interne et cela suppose un coût qu’il faut assumer sans être sûr ni de déposer un dossier ni qu’il sera assurément financé. C’est pourquoi une mutualisation des coûts et leur prise en compte par des structures horizontales est la solution que ce soit des fédérations ou des syndicats professionnels, des organismes consulaires, des services de l’État ou des collectivités locales. En France, il faudrait beaucoup plus de helpdesks ou de bureaux où les PME pourraient s’adresser pour pré-étudier leur demande sans qu’elles aient à en faire l’avance. Des systèmes similaires sont beaucoup plus avancés en Allemagne ou en Italie par exemple.
* Pour plus d’informations sur l’édition 2011 de ce guide : [email protected]