Le monde doit s’attendre à une recrudescence des troubles civils dans les prochains mois en raison des perturbations des chaînes d’approvisionnement, notamment alimentaires, et de la hausse du coût de la vie, selon l’assureur Allianz Global Corporate & Specialty (AGCS). Des dommages et des pertes d’exploitation sont à anticiper par les entreprises, y compris dans les pays développés.
Inflation, pénuries, incertitudes quant à l’avenir… Les facteurs actuels de déstabilisation, amplifiés par les réseaux sociaux, sont nombreux et devraient provoquer des vagues de manifestations violentes dans les prochains mois, estime une note d’Allianz Global Corporate & Specialty (AGCS). Un vent de révolte qui pourrait coûter cher aux entreprises à en croire le chiffrage des dommages et pertes d’exploitation de récents mouvements sociaux.
Allianz rappelle en effet que le mouvement des gilets jaunes en 2018 a coûté aux commerçants français 1,1 milliard de dollars (Md USD) de perte de chiffre d’affaires. L’année suivante, au Chili, les grandes mobilisations contre l’augmentation du prix des tickets de métro ont entraîné des pertes assurées de 3 Md USD. En 2020, aux États-Unis, les manifestations survenues après le décès de George Floyd auraient provoqué plus de 2 Md USD de pertes assurées. En juillet 2021, en Afrique du Sud, les émeutes qui ont suivi l’arrestation de l’ancien président Jacob Zuma, sur fond de licenciements et d’inégalités sociales, ont fait 1,7 Md USD de dommages.
Un risque plus important que le terrorisme
« Les troubles civils deviennent pour un nombre croissant d’entreprises un risque plus important que le terrorisme, signale Srdjan Todorovic, directeur de la gestion de crise pour le Royaume-Uni et les pays nordiques chez AGCS. Et il est peu probable que la situation s’apaise dans un avenir proche. Les conséquences de la pandémie, la hausse du coût de la vie et les mutations idéologiques continuent d’agiter les sociétés dans le monde entier. Les entreprises doivent donc être attentives aux signaux d’alerte et définir des moyens efficaces de protection et de désescalade. L’objectif est d’anticiper et d’éviter les risques de blessures au personnel et de dommages aux biens de l’entreprise et des personnes. »
Ce risque d’augmentation des troubles civils est particulièrement fort dans les pays à revenu intermédiaire selon les prévisions de l’indice des troubles civils de Verisk Maplecroft, société spécialisée dans la gestion du risque pour les compagnies d’assurances. Au total, 75 pays pourraient connaître une augmentation des manifestations d’ici la fin 2022, dont les États-Unis, l’Argentine, le Brésil et l’Espagne. Ce phénomène pourrait entraîner notamment des manifestations plus fréquentes et des dommages plus nombreux aux infrastructures et aux bâtiments.
34 pays sur le grill
Pour 34 de ces pays (12 en Europe et en Asie centrale, 10 sur le continent américain, 6 en Afrique, 3 au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, 3 en Asie) le risque d’embrasement est particulièrement important. Les manifestations de violence n’épargneront pas des pays qui n’en ont jamais connus, du moins dans leur histoire récente, à l’instar de l’Europe du Nord.
La Finlande devrait ainsi enregistrer la 16e plus forte augmentation de troubles civils au cours des prochains mois, la Suède la 21e et la Norvège la 34e. En cause : une polarisation de la vie politique, une montée de l’activisme et un fort ralentissement de l’économie. C’est sur le continent américain que la situation est la plus inflammable, selon les projections de Verisk Maplecroft, en particulier aux États-Unis, en Argentine et au Brésil.
Attention aux garanties d’assurance
Partout dans le monde les manifestations et les dommages collatéraux qui en résultent peuvent toucher des bâtiments publics, infrastructures de transport, chaînes d’approvisionnement, commerces, entreprises étrangères, stations-services, plateformes de distribution de marchandises essentielles, hôtels et autres établissements touristiques.
Les entreprises doivent donc réévaluer et actualiser leurs plans de continuité d’activité (PCA) lorsque nécessaire, en fonction des vulnérabilités de leur chaîne d’approvisionnement, conseille Allianz.
Elles doivent également étudier leurs garanties d’assurance en cas d’augmentation des incidents locaux. Les contrats d’assurance dommages prévoient parfois la violence politique, mais les assureurs proposent également une couverture d’assurance des risques spéciaux pour atténuer l’impact des grèves, émeutes et mouvements populaires.
Alors que les conséquences de la pandémie de Covid-19 se font encore sentir et que celles de la guerre en Ukraine risquent de déstabiliser l’économie mondiale sur le long terme, les risques de déstabilisation se démultiplient : dislocation des chaînes d’approvisionnement, flambée des prix des carburants, des engrais et de l’alimentation, la Russie et l’Ukraine représentant 30 % des exportations de blé dans le monde. « Tout ceci sème les germes de l’instabilité politique et de troubles dans le monde entier », déclarait en mars le secrétaire général de l’ONU dernier António Guterres.
Sophie Creusillet