C’est un bouleversement qui affecte l’ensemble des acteurs de la supply chain. Le nouveau Code des Douanes de l’Union libéralise la représentation en douane et crée le dédouanement centralisé communautaire. Mais si ces changements posent des questions pratiques, ils n’inquiètent pas la communauté douanière.
Le contexte est désormais connu : le 1er mai 2016 le Code des douanes de l’Union (CDU) est entré en vigueur*. Il fait évoluer les règles douanières. Le statut d’Opérateur Économique Agréé (OEA) prend une place prépondérante, bénéficiant de divers avantages : accès exclusif à certaines autorisations douanières, modalités allégées de délivrance d’autorisations, voire dispense de mise en place de garanties dans des cas précis. Ceci s’accompagnera toutefois de conditions plus drastiques pour la délivrance de la certification OEA et notamment d’une compétence en douane reconnue.
Du statut de commissionnaire vers celui de représentant en douane
Mais une autre évolution, moins commentée : le CDU libéralise la représentation en douane au sein de l’Union européenne (UE), ce qui n’est pas sans impact sur les prestataires concernés. En France, l’arrêté ministériel du 13 avril 2016 fixe les conditions et les modalités d’enregistrement des représentants en douane. Cet enregistrement est accordé pour une durée indéterminée. Le CDU intègre une nouvelle notion de compétence professionnelle en matière douanière. Elle sera évaluée par l’administration douanière dans le cadre de la certification OEA ou lors d’une demande d’enregistrement comme représentant en douane.
Il y a trois façons de prouver la compétence en douane : le Standard Européen de Compétence en Douane (CEN Standard), disposer d’une expérience pratique attestée d’une durée minimale de trois ans dans le domaine douanier, suivre avec succès une formation relative à la législation douanière. TLF Overseas va développer en 2017 les formations professionnelles au service des représentants en douane relatives au CEN Standard.
Le CDU prévoit désormais la possibilité pour un représentant en douane satisfaisant à certains critères de l’OEA d’offrir ces services dans un État membre autre que celui dans lequel il est établi.
Pour Fabien Becquelin, directeur des Transports internationaux de l’Association des utilisateurs de fret (AUTF), « la fin du monopole des commissionnaires en douane est une chose positive. » De son côté, Herbert de Saint-Simon, président de TLF Overseas, le syndicat professionnel français regroupant les entreprises organisatrices de transports aériens, maritimes et représentants en douane, se montre optimiste : « Certes, le CDU ouvre la concurrence. Mais il contient plus d’opportunités que de risques pour nos professions si nous savons bien les gérer. Dans le cadre de la libéralisation du métier de représentant en douane, celui-ci doit montrer qu’il joue pleinement son rôle d’expert et de conseil. La compétition ne nous effraie pas. Nous sommes confiants dans le fait que les chargeurs continueront à faire appel à des experts. »
Dédouanement centralisé communautaire
Autre évolution impactant la supply chain, le CDU prévoit également la mise en place du dédouanement centralisé communautaire, c’est-à-dire la possibilité pour un opérateur de transmettre ses déclarations à un seul bureau de douane dans l’Union, même si ses marchandises passent par différents lieux. Cette disposition sera déployée au plan communautaire à l’horizon 2019. La douane française a choisi de la mettre en place pour les flux concernant le territoire national dès le 1er mai 2016 (dédouanement centralisé national).
De plus, le CDU fixe pour objectif de dématérialiser 100 % des formalités douanières au 31 décembre 2020. « La France est en avance en matière de dédouanement centralisé, nous travaillons avec la Douane pour rendre les démarches plus faciles pour les chargeurs », indique Fabien Becquelin.
Le grand enjeu à moyen terme pour la France sera la capacité qu’auront ses représentants en douane à centraliser les opérations douanières, selon TLF Overseas. « Il faut faire attention aux risques de délocalisation des opérations de dédouanement, met en garde son président. Pour ce faire, les opérateurs portuaires doivent veiller au bon fonctionnement des ports et des Cargo Community System (CCS*), la douane ne pas se montrer trop tatillonne. Nous négocions avec la Douane Française depuis deux ans qui sait se montrer coopérative. Il y a différentes manières d’appliquer le CDU, avec souplesse ou plus de rigidité, et la douane en est consciente. Si le point d’entrée France, en aérien comme en maritime est techniquement au point, il sera commercialement attractif. »
Stéphane Salvetat, dirigeant de la société de transit LAM France et président du Syndicat des transitaires de Marseille (STM), qui organise des réunions de travail conjointes avec les douanes tous les six mois, s’interroge : « Nous nous interrogeons sur la manière dont le CDU va être mis en pratique en France, tout comme nos clients, qui ne sont pas inquiets. Pour l’heure, le dédouanement centralisé communautaire n’existe pas encore, mais dans certains groupes, on assiste à une rationalisation des départements douanes. Pour réussir, il faut néanmoins avoir une vision globale et conserver une approche terrain. » Didier Peyre, 31 ans d’expérience en douane, qui travaille chez LAM France, précise : « Les questions douanières sont en constante évolution. L’important est de garder le contact avec les bureaux de douane et établir une relation de proximité avec les agents locaux. Sur la centralisation, ce qui compte avant tout c’est la fluidité des trafics. »
Christine Calais
*Un Cargo Community System (CCS) ou Port Community System (PCS) est un guichet électronique unique, qui relie tous les intervenants de la chaîne logistique portuaire, afin de fluidifier les échanges d’information et les flux de marchandises.