Avant de se lancer dans une joint-venture en Chine, les entreprises françaises doivent prendre des précautions pour protéger leurs intérêts, ont indiqué les cabinets d’avocat Herbert Smith et Deloitte lors d’une conférence le 29 juin à Paris.
Il faut d’abord se préparer en amont, « ne pas se précipiter car c’est un processus compliqué », explique Betty Tam, associée corporate chez Herbert Smith à Shanghai. La première chose à faire est d’identifier le bon partenaire : celui qui aura les qualifications (de préférence une petite ou moyenne entreprise) et pas forcément dans les grandes villes. « Une grosse société chinoise ne sera pas intéressée par une joint-venture», assure-t-elle. Sans oublier qu’un partenaire étranger en Chine ne peut détenir qu’un tiers des actions du capital. « Un étranger ne peut pas avoir le contrôle d’une joint-venture chinoise ».
Après avoir identifié un partenaire cible, il faut bien le connaitre. Pour cela, il faut demander beaucoup de détails à la société, notamment des « due diligence » (diagnostics des comptes, finances, juridiques…) détaillés car tout n’est pas public. « Beaucoup dissimulent la performance réelle de la société, il faut leur demander explicitement d’accéder à leurs comptes. Souvent leurs comptes ne sont pas audités ou bien par des locaux peu fiables », informe le cabinet Deloitte.
Ensuite vient l’étape cruciale de la négociation. Le mot d’ordre est patience car cela peut prendre un à deux ans. « Les compagnies chinoises ne négocient pas, c’est à nous de faire comprendre nos positions », déclare Betty Tam. Ne leur donnez pas 60 pages de documents car ils ne les liront pas ! Il faut faire une liste détaillée des problèmes majeurs à discuter pendant la réunion et après en faire le procès verbal. C’est plus facile ainsi sinon ils reviennent chaque semaine avec les mêmes questions». Et de pointer un autre problème, surtout dans les grands entreprises, « on ne sait jamais quel interlocuteur a le pouvoir de décision. Il faut faire attention à demander qui signera le contrat autrement on perd notre temps», avertit-elle.
Deux extrêmes peuvent se présenter : celui qui ne négocie pas et signe ce qu’on lui donne, auquel cas c’est dangereux car cela signifie qu’il n’a rien lu et qu’une fois la structure établie il ne comprendra pas certaines choses. « Cela concerne surtout les entrepreneurs locaux pour qui les contrats ne sont pas importants ». L’autre extrême est celui qui exige une explication précise sur chaque ligne…
Lors de cette étape, il faut prendre garde au contenu du contrat de la joint-venture. La loi chinoise impose la décision unanime du conseil d’administration pour une augmentation de capital, modifier un statut, terminer la joint-venture. « En tant que minorité vous avez le droit de veto». Il faut s’impliquer dans le choix du président et dans la composition du conseil d’administration, surtout si on est minoritaire. Et « vous devez contrôler le fonctionnement quotidien de la structure. C’est risqué de n’avoir personne sur place ».
Dans la rédaction du contrat vous devez inclure une clause de non concurrence et de propriété intellectuelle. Il faut expliciter qui fera quoi et comment, quels seront les rôles de chacun. « Mettez vos meilleurs ressources humaines pour ce type de projet », conseille Gilbert Fayol, partner chez Deloitte.
Une fois ces étapes remplies, pour conclure la joint-venture, il faut se faire enregistrer par les autorités chinoises et recevoir leur accord. « Il faut s’adresser au minimum à deux institutions : le Mofcom (ministère du Commerce) et le SAIC (ministère de l’Industrie). Les délais pour déposer le dossier et tous les documents demandés est de 6 à 8 semaines. »
Et dans le cas où vous voulez mettre fin à la joint-venture, c’est aussi compliqué car juridiquement le transfert des actions et la fin du contrat sont soumis à l’approbation du partenaire et des autorités chinoises. La fin d’une joint-venture demande avant tout le consentement unanime du conseil d’administration, sauf s’il y a eu violation du contrat par une partie. Et en cas de conflit, mieux vaut passer par la médiation et éviter le passage devant le tribunal, car c’est long et coûteux.
En Chine moins de 10 % des investissements étrangers passent par des fusion-acquisitions. Il y a un véritable potentiel à exploiter grâce aux joint-ventures qui permettront de capter la croissance du marché domestique. L’Etat chinois veut garder le contrôle sur ces entités, tout en soutenant ses champions nationaux et en les structurant mieux pour l’export » explique Gilbert Fayol.
Les secteurs les plus ouverts sont les finances, les énergies vertes, le transport et les technologies de l’information et de la communication (TIC). D’autres secteurs sont quant à eux fermés aux étrangers : l’énergie, la défense et les métaux rares.
Alix Cauchoix