Argument commercial de poids, y compris à l’export, le Made in France répond également aux profonds changements qui traversent actuellement le commerce international, plaide le Think Tank relocalisations.fr, invité le 24 novembre par l’association Origine France Garantie à partager ses analyses. Dans la pratique, les entreprises trouvent des stratégies pour relocaliser leur production.
Depuis qu’il a appris que les mascottes des Jeux Olympiques de Paris en 2024 seront fabriquées à 80 % en Chine, Gilles Attaf, président du label Origine France Garantie, ne décolère pas. « Cette annonce est un véritable scandale et la preuve que nous réitérons les mêmes erreurs que par le passé : […] nous avions la possibilité d’anticiper ces besoins de production de mascottes et autres goodies, de poser des jalons en amont pour recréer des filières locales capables de répondre à une telle demande », tonne-t-il dans une tribune parue le 15 novembre.
Ce à quoi un consommateur au budget serré pourrait rétorquer que le prix d’une peluche souvenir fabriquée en France serait trop élevé pour lui. Un sondage Opinionway réalisé en mars 2022, souligne que le facteur prix demeure l’un des principaux points d’amélioration du Made in France pour 52 % des Français. Pourtant le modèle d’un mondialisation heureuse, fondé sur une Chine produisant à bas coût des produits de consommation qui inondent le monde, est condamné à disparaître, selon Carine Guillaud (photo), cofondatrice du think tank relocalisations.fr.
La fin annoncée du modèle chinois
Invitée par Origine France Garantie à évoquer les tenants et les aboutissants du rapatriement de la production sur le sol national le 24 novembre, l’ancienne directrice du développement commercial du cabinet de conseil international BTS a en effet rappelé que « la Chine nous dit depuis 2015 qu’elle va se concentrer sur son marché intérieur en raison de sa démographie : sa population active devrait diminuer de moitié d’ici 2050 ».
Un changement de politique économique qu’a confirmé la politique zéro-Covid menée avec intransigeance par Pékin depuis le début de la pandémie.
« Le prix est devenu accessoire, non seulement parce que les consommateurs souhaitent sortir de l’ultra consumérisme et privilégier la qualité et la durabilité, mais aussi parce qu’aujourd’hui la vraie question est celle de la disponibilité des produits. Il n’existe par exemple qu’un seul producteur dans le monde de moules en céramiques qui servent à fabriquer des gants techniques et ses délais sont entre 15 et 24 mois. » Pour cette observatrice des chaînes d’approvisionnement mondiales « il faut arrêter d’opposer les entreprises d’avenir et celles qui produisent des biens de production ».
C’est justement le credo de Daan Tech qui a lancé avec succès le petit lave-vaisselle Bob. En appliquant la méthode de reingeneering que les Chinois il y a 30 ans avec l’électroménager occidental (démonter un modèle et le simplifier pour la production), la PME vendéenne est parvenue à concevoir un appareil dont 70 % de la valeur ajoutée est réalisé en France. Et son label Origine France Garantie séduit les acheteurs étrangers : Daan Tech réalise 60 % de son chiffre d’affaires à l’export.
Les grands groupes et les PME en ordre de marche
« Si on m’avait dit il y a encore cinq ans que Décathlon cherchait des fournisseurs en France, je ne l’aurais pas cru », sourit Carine Guillaud. C’est pourtant ce qu’a fait le géant tricolore des équipements sportifs et de loisir en 2021 pour produit les chaussures de foot Traxium Compressor de sa marque Kipsta. Pour ces modèles moulés d’une seule pièce (et recyclables), l’enseigne a confié 100 % de la production à Demgy, une PME nantaise travaillant habituellement avec l’automobile et l’aéronautique.
Dans le même secteur, Salomon, Millet et Babolat ont adopté en 2020 une stratégie de « coopétition ». Elles ont relocalisé la production de certains modèles en la confiant au sous-traitant ardéchois Chamatex grâce au projet Advanced Shoes Factory 4.0. Les trois marques ont en partie financé la construction d’une nouvelle usine où sont produites des chaussures faites d’un même tissu technique, le Matryx.
Pertinent pour les entreprises, le Made in France l’est également pour la souveraineté économique de la France, croit Carine Guillaud : « Selon les chiffres des Douanes, les produits dits vulnérables, c’est-à-dire pour lesquels il n’existe qu’un pays fournisseur hors Europe et pourtour méditerranéen représentent un quart des produits consommés en France, soit 68 milliards d’euros. »
Sophie Creusillet