Les marchés d’Amérique du Sud présentent de nombreuses opportunités dans le domaine des nouvelles technologies, de l’agriculture et de l’agro-industrie durable, du développement urbain ou encore de la santé ; on a pu le constater lors des dernières journées Ambition Amérique latine (29 juin – 5 juillet). Benoît Trivulce, directeur général délégué Stratégie et ressources de Business France revient pour Le Moci sur les tendances de fonds de ces marchés.
Le Moci. Quels sont les arguments pour convaincre une entreprise française de venir s’installer en Amérique latine ?
Benoît Trivulce. La stratégie latino-américaine doit s’inscrire sur le long terme car elle est désormais le 5e marché mondial. C’est le pari qu’ont fait 2500 filiales françaises implantées dans cette zone, pour certaines depuis près d’un siècle.
La France, dans de nombreux pays de la zone, comme le Brésil et la Colombie, est le premier employeur. Notre pays, qui bénéficie d’une excellente image, est un partenaire stratégique muni d’une vision à long terme, notamment via des transferts de technologie.
Le Moci. Pourquoi cette nécessité d’avoir une vision à long terme pour s’implanter en Amérique latine ?
Benoît Trivulce. Venir sur un coup de tête en Amérique latine est un non-sens. Les entreprises françaises l’ont bien compris et investissent dans le long terme. Nous ne sommes pas les seules. C’est aussi le pari des investisseurs étrangers avec 150 milliards de dollars d’IDE (ndlr : investissements directs étrangers) en 2021. Autre chiffre intéressant : il y a 11 000 exportateurs réguliers français qui opèrent dans cette zone.
Pour convaincre les plus indécis de suivre le mouvement, car c’est un vrai mouvement, la mission de Business France est de faire connaitre le consommateur latino-américain et de comprendre les nouvelles valeurs des 650 millions d’habitants.
« 50 licornes sont déjà présentes
sur ce continent depuis 2019 »
Le Moci. Quelles sont les attentes de ce consommateur ?
Benoît Trivulce. L’Amérique latine est souvent considérée comme un laboratoire de l’innovation et des nouvelles technologies. Les Latino-américains sont traditionnellement des grands consommateurs d’usage des nouvelles technologies. Ils ont utilisé la téléphonie mobile bien avant la France. Ce sont également de gros consommateur d’Internet et de e-business…
Ce consommateur agit par ailleurs sur la gigantesque transition en cours, qui oriente l’agriculture et l’industrie agroalimentaire dans des productions beaucoup plus responsables. C’est un défi immense puisque 330 millions d’hectares de terres agricoles couvrent la région. Les entreprises françaises sont en mesure de répondre aux nombreux défis de la productivité, de la préservation et de l’innovation dans ce secteur.
Le Moci. Quels sont les principaux marchés ?
Benoît Trivulce. Aujourd’hui, ce continent est même un grand producteur d’innovation car près de 50 licornes sont déjà présentes sur ce continent depuis 2019. C’est donc un mouvement très rapide. Ça oblige les entreprises à inclure des dimensions sociales à travailler pour le bien commun. C’est la fameuse tech for good ! Cela ouvre de belles opportunités pour les offres de la French tech à Bogota, à Mexico, à Buenos Aires ou encore à San Paolo.
Le Moci. Et dans la santé ?
Benoît Trivulce. C’est un de nos principaux postes d’exportations françaises en Amérique latine, les produits et services où nous sommes très forts. Cela paraît très clair vu le vieillissement de la population. C’est la silver economy (ndlr : économie liée aux personnes âgées de plus de 60 ans). Il faut souligner l’importance des familles en Amérique latine, qui est un enjeu que l’on doit accompagner.
Le Moci. Quels sont les autres défis ?
Benoît Trivulce. Il faut résoudre l’équation qu’implique le taux d’urbanisation le plus élevé au monde. 90 % des latino-américains habitent en ville. On compte une soixantaine de villes de plus d’un million d’habitants. Il faut que les technologies françaises et les savoir-faire français puissent travailler sur ces questions. La transition énergétique est un sujet important de l’économie durable. La sécurité des personnes et la sécurité des données sont des challenges pour les entreprises françaises du secteur.
Le Moci. Quels sont les atouts à mettre en avant par les entreprises françaises ?
Benoît Trivulce. Les entreprises françaises ont deux atouts. Alain Rouquié, ancien ambassadeur de France au Brésil de 2000 à 2003, politologue reconnu, a défini l’Amérique latine comme un extrême Occident. Elle est beaucoup plus proche de l’Occident que de la Chine ou de l’Inde. C’est un monde culturel dérivé du nôtre, avec ses spécificités et ses différences, mais qui constitue un ensemble culturel familier. Quand on vient faire des affaires en Amérique latine, lorsque l’on est français, on peut comprendre beaucoup plus vite le marché.
Le deuxième atout c’est qu’il y a de nombreuses organisations pour vous faire connaître le potentiel de l’Amérique latine : la direction générale du trésor, le ministère de l’Europe et des affaires étrangères, la Bpi et l’équipe de business France avec 55 collaborateurs répartis sur cinq pays entre Ushuaïa et Tijuana, et une équipe dédiée en France.
Propos recueillis par Claire Pham